La Ruine de la Famille Hoffman

La Ruine de la Famille Hoffman

En 1869, M. et Mme Hoffman et leurs trois grands enfants, dont les âges s’étalaient de de quinze à vingt-sept ans, occupaient une petite maison à Millersburg, dans l’Ohio et ils connaissaient une vie modeste et paisible. Un jour du mois de juin 1869, M. Hoffman perdit deux dollars de sa bourse et maudissant son imprudence il se promit de se montrer plus précautionneux à l’avenir. Les jours suivants, il tenta de dissimuler son argent sous un mouchoir au fond de sa poche, puis dans la poche intérieure de sa veste, puis dans celle de son pantalon etc…, et comme la même regrettable mésaventure se reproduisait sans cesse, le pauvre homme se retrouva dans l’incapacité de garder le moindre sou sur lui.

Peu de temps après, le domicile familial devint le théâtre de phénomènes aussi surprenants qu’inexplicables. Les vêtements et la nourriture se volatilisaient des placards, la vaisselle bondissait des étagères pour se briser sur le plancher, des pierres, des œufs et de petits objets étaient fréquemment lancés contre les murs et parfois les occupants de la maison se retrouvaient aveuglés par du gravier ou du sable, qu’une main invisible leur jetait au visage.

M. et Mme Hoffman, qui avaient tout d’abord été surpris par ces spectaculaires manifestations, en furent ensuite contrariés, puis inquiets, et ils essayèrent par tous les moyens possibles de découvrir le responsable mais ce fut en vain. Alors, comme rien ne semblait pouvoir mettre un terme à ses agissements, ils décidèrent de déménager, pensant que la distance réglerait le problème. M. Hoffman loua une maison pour sa femme et ses enfants à Wooster, une petite ville au nord de Millersburg, et comme il lui était difficile de partir aussi vite, il s’installa temporairement dans les locaux de l’entreprise où il était employé.

M. Hoffman pensait sa famille à l’abri mais quelque chose les suivit, qui ne semblait guère apprécier ce changement et leur fit connaître son mécontentement. Les vêtements de la mère et de la fille aînée se se volatilisaient toujours des armoires, comme ils le faisaient déjà à Millersburg, mais maintenant ils réapparaissaient dans un état pitoyable, déchirés, lacérés ou en lambeaux. Parfois, personne ne les revoyait plus pendant des semaines puis ils étaient découverts par hasard dans un endroit des plus improbables, entassés dans l’embouchure du drain de la cave, dissimulés sous une pile de bois ou enterrés sous de la terre ou du sable. M. Hoffman, qui ne connaissait plus aucun désagrément depuis l’éloignement de sa femme et de ses enfants, se garda bien de les rejoindre et cherchant à se préserver, il ne mit plus un pied dans la maison.

Quelque temps plus tard, de petites notes manuscrites commencèrent à apparaître, qui semblaient être lancées depuis le sous-sol et contenaient diverses menaces et admonestations. Dans l’une d’entre elles, l’auteur proposait à Mme Hoffman de descendre l’escalier de la cave en arrière sur ses genoux un certain jour à une heure bien précise, lui promettant de trouver une boîte contenant 2000 dollars dans le sous-sol si elle accédait à sa demande. Grisée par le montant de la récompense, la pauvre femme aurait probablement tenté l’expérience si ses voisins, qui craignaient qu’elle ne se blesse, ne l’avaient pas dissuadée de se livrer à une entreprise aussi hasardeuse.

Mme Hoffman, qui ne se sentait pas prête à renoncer à une telle somme, se dit alors que son mari pourrait le faire à sa place et à force d’insistance, elle finit par le persuader de l’accompagner à Wooster. Malheureusement elle découvrit un nouveau message à son retour, qui spécifiait que l’argent ne pourrait être trouvé par personne d’autre qu’elle-même, et l’entreprise fut abandonnée.

Au cours des jours suivants, la maison connut une agitation sans précédent qui finit par convaincre M. et Mme Hoffman de la nature surnaturelle de leur indésirable invité. L’esprit, qui semblait s’être offensé du renoncement de la pauvre femme, manifesta violemment sa contrariété, frappant sur les murs, jetant des lourdes pierres à travers les portes et les fenêtres, secouant les assiettes et faisant un tel chahut qu’il semblait parfois qu’une horde de diablotins se livraient à de grandes réjouissances. Un jour, un visiteur de passage eut l’audace de dire quelques mots irrespectueux à son égard et aussitôt une pierre rouge s’abattit sur sa tête. Le jeune homme voulut alors prendre son mouchoir pour s’en tamponner le crâne mais en le sortant de sa poche il n’en retrouva que des lambeaux.

Les manifestations étaient devenues incessantes et depuis qu’il était rentré dans la maison, elles n’épargnaient plus M. Hoffman. Un jour, ayant décidé de répondre à l’un des messages, il écrivit un mot à l’intention de l’esprit puis il le déposa sur le sol de la cave. Il remonta ensuite à l’étage, rejoignant sa famille qui l’attendait dans une pièce située au-dessus du sous-sol, et sa propre note vint se poser près de lui, sous les yeux stupéfaits de tous.

En 1871, M. et Mme Hoffman étaient victimes de vols et autres saccages depuis près de deux ans et ils ne possédaient presque plus rien. La plupart de leurs ustensiles domestiques, les assiettes, les tasses, les soucoupes, et même les couverts avaient été brisés ou emportés. Mme Hauffman et sa fille ne possédaient plus qu’une seule robe, celle qu’elles portaient tous les jours, et M. Hoffman devait se contenter de son vieux costume de travail usé.

La presse rapporta alors l’affaire, prudemment et sans s’avancer, et des centaines de personnes se précipitèrent sur West Liberty Street, où se trouvait la maison, pour y voir le fantôme. Des médecins, des membres du clergé, des spiritualistes et de nombreux sceptiques se proposèrent d’enquêter, interrogeant la famille et inspectant soigneusement les lieux sans parvenir à résoudre le mystère. Désemparée, Mme Hoffman consulta plusieurs médiums, lesquels lui affirmèrent qu’elle était la responsable involontaire des perturbations sans lui donner de solution.

Épuisés et ruinés, M. et Mme Hoffman se réfugièrent alors à Akron mais l’esprit les suivit une fois encore et ils finirent par se séparer, sans toutefois divorcer. Madame conserva l’appartement, le partageant avec son fils Jacob, et son mari, qui travaillait alors comme charretier, s’installa dans un hall d’embarquement à quelques pâtés de maisons de chez elle. Personne ne parvint jamais à découvrir la nature exacte, le nom ou les motivations de la force qui avait causé la ruine de la famille Hauffman.

Source: Le New York Times du 24 mai 1871.

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