En 1955, durant plusieurs heures, une famille du Kentucky se retrouva assaillie par des créatures qui avaient tout de gobelins. Surnommée La Rencontre Kelly-Hopkinsville, cette histoire a directement inspiré le film Critters, de Stephen Herek.
La Rencontre
Dans les années 1950, au Kentucky, certains endroits n’avaient pas changé depuis le début du siècle et la ferme des Sutton était l’un de ceux-là. Perdue dans la campagne, entre Kelly et Hopkinsville, la grande bâtisse de bois ne proposait que peu de confort et encore moins de distractions. Quelques rares meubles en agrémentaient l’intérieur, mais elle ne disposait ni d’eau courante, ni de téléphone, ni de radio, ni de télévision, ni même de livres. Mme Glennie Lankford, une veuve de 50 ans, louait la maison, qu’elle partageait avec ses trois jeunes enfants, Mary, Charlton et Lonnie, ses deux grands fils, John Charley et Elmer » Lucky « , leurs épouses, Alene et Vera, et le frère d’Alene, O.P. Baker, un jeune homme d’une trentaine d’années.
Le 21 août 1955, en début de soirée, Bill Ray et June Taylor, un jeune couple qui était de leurs amis, vinrent à les visiter et comme la famille s’apprêtait à manger, ils leur proposèrent tout naturellement de rester pour le dîner. Vers 19h, Billy sortit chercher de l’eau dans la cour et il se trouvait près du puits quand soudain une boule lumineuse traversa le ciel, qui laissa dans son sillage une trainée multicolore semblable à un arc-en-ciel, et sembla atterrir à quelques centaines de mètres de là, près d’un petit bois à l’arrière de la ferme. Récupérant hâtivement son seau, Billy se précipita à l’intérieur pour raconter aux autres l’incroyable spectacle qu’il venait d’observer. Il leur décrivit l’objet lumineux, soulignant qu’il se déplaçait très rapidement, puis il leur expliqua qu’il s’était posé derrière l’étable et leur proposa d’aller le voir. Malheureusement personne ne prit son histoire au sérieux et pensant qu’il avait vu une étoile filante, tout le monde se mit à rire.
Le repas se déroula sans incident notable mais à peine venaient-ils de terminer que le chien, qui se trouvait à l’extérieur, se mit à aboyer violemment, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Intrigués, Billy et Lucky, qui n’avait que 25 ans mais était le plus âgé des garçons de la maison et de ce fait le chef de famille, sortirent dans la cour mais à ce moment-là, le chien, terrifié, courut se réfugier sous la maison et refusa d’en sortir. Se demandant si quelqu’un ne rôdait pas autour de la ferme, les deux hommes décidèrent alors d’en faire le tour et ils se trouvaient près de la porte de derrière quand ils remarquèrent une lueur étrange dans les champs, qui semblait venir vers eux. Alors la silhouette d’un petit homme lumineux, il devait mesurer un peu plus d’un mètre, commença à se dessiner, qui s’approchait d’eux en levant les mains, comme s’il voulait se rendre. Habillé d’un costume en métal argenté, ou peut-être était-ce sa peau qui brillait ainsi, son corps malingre était surmonté d’une grosse tête, qui s’ornait de grandes oreilles pointues, d’une large bouche mince et de deux yeux jaunes luisants, qui saillaient de chaque côté de son visage. Ses jambes étaient fines et courtes et ses longs bras, qui touchaient presque le sol, se terminaient par des serres.
Dans les zones rurales du Kentucky des années 1950, en cas de danger éventuel, il était une habitude de tirer d’abord et de poser des questions ensuite, et les deux hommes ne firent pas exception à la règle. D’un même mouvement ils se précipitèrent à l’intérieur pour y prendre leurs armes, puis ils se postèrent à l’arrière du bâtiment et visant la créature, qui continuait à se rapprocher d’eux, ils attendirent. Quand elle ne fut plus qu’à six mètres, alors sans hésiter ils firent feu, Billy avec un 22 long rifle, Lucky avec un fusil de chasse. A une aussi courte distance, ils ne pouvaient pas la manquer. Les balles résonnèrent comme si elles avaient heurté du métal. La créature bascula violemment en arrière puis se redressant d’un bond elle s’enfuit vers les bois, apparemment indemne.
Les deux hommes attendirent quelques minutes puis, comme elle ne semblait pas revenir, ils retournèrent dans la maison. Ils venaient de rentrer dans la salle de séjour quand soudain une monstrueuse tête apparut à la fenêtre, qui ressemblait à celle de la précédente créature mais qui portait une sorte de casque et dont les yeux étaient bridés. La panique gagna alors les femmes et les plus jeunes des enfants, qui furent rassemblés et installés dans une chambre. Certaines avaient si peur qu’elles se cachèrent sous un lit.
Billy et Lucky se précipitèrent vers la fenêtre mais en les voyant venir vers elle, la créature prit la fuite. Les deux hommes, qui n’avaient toujours pas lâché leurs armes, tirèrent alors sur la petite silhouette qui s’enfonçait dans l’obscurité, et certains de l’avoir touchée, ils coururent chercher son corps à l’extérieur. Billy Ray, qui marchait devant, venait de s’arrêter sous la petite avancée du toit quand soudain une main griffue tenta de l’agripper par les cheveux. Certains des occupants de la maison, qui s’entassaient dans le couloir derrière eux, se mirent alors à crier et attrapant rapidement le jeune homme ils le ramenèrent à l’intérieur. Lucky, qui se trouvait juste derrière lui et qui avait assisté à toute la scène, se précipita dans la cour et se retournant rapidement il fit feu sur la créature, pratiquement à bout portant. Brusquement expulsée du toit, elle ne s’écrasa pas sur le sol comme il s’y attendait. Elle descendit lentement en flottant dans les airs sur une distance de douze mètres, s’éloignant vers la clôture, où un nouveau coup de feu l’envoya au loin. A ce moment-là, il aperçut une autre créature qui le regardait, dissimulée dans un érable tout proche, et aussitôt il fit feu, aidé de Billy, qui venait de ressortir de la maison. Projetée en arrière, elle flotta doucement vers le sol, puis elle se mit à courir et disparut rapidement dans les ténèbres.
Alors une autre créature, ou peut-être celle qui se trouvait sur le toit quelques instants plus tôt, apparut sur le côté de la maison, pratiquement en face d’eux, et immédiatement Lucky tira sur elle, sans plus de succès. Un bruit fut entendu au moment où la balle la touchait, qui ressemblait à celui d’un seau en métal qui aurait été frappé, mais loin de paraitre blessée, la créature se releva avec aisance et se dissimulant dans des buissons, elle disparut de leur vue. Les deux hommes rejoignirent alors leurs familles, qui les attendaient à l’intérieur, et ne sachant que faire, ils décidèrent de se barricader.
Les créatures, qui se présentaient à eux une après l’autre, semblaient vouloir les harceler. Certaines avançaient les mains levées, d’autres se montraient aux fenêtres et semblaient les railler, et s’ils n’en virent jamais plus de deux à la fois, ils estimèrent qu’elles étaient une douzaine, peut-être une quinzaine à les tourmenter ainsi. Alors qu’ils les observaient depuis la maison, ils remarquèrent qu’elles se déplaçaient d’une façon particulière. Leurs jambes ne semblaient pas pouvoir se plier comme celles d’un humain et quand elles couraient, elles le faisaient par des mouvements de la hanche. Elles se tenaient habituellement droites, mais quand elles s’enfuyaient elles se courbaient et s’aidaient de leurs longs bras, qui touchaient presque le sol. Leur capacité à flotter était évidente et si elles ne semblaient pas posséder d’aura de luminescence à proprement parler, leur peau brillait dans l’obscurité et devenait plus lumineuse encore lorsqu’elles étaient touchées ou quand elles criaient.
Certains des voisins des Sutton entendirent les détonations, mais pensant que quelqu’un tirait des feux d’artifice, ils n’y prêtèrent guère attention. De nombreuses boites de munitions furent vidées avant que Billy et Lucky ne comprennent que leurs armes étaient inutiles. Ce fut Mme Lankford qui leur conseilla d’arrêter, soulignant que bien qu’elles aient été touchées un certain nombre de fois, les créatures ne s’étaient jamais montrées agressives et qu’elles n’avaient attaqué personne. Cependant, comme elles ne semblaient pas vouloir partir et qu’à chaque fois qu’elles s’approchaient des fenêtres les enfants devenaient hystériques, elle suggéra aux deux hommes de prendre chacun une voiture et de foncer jusqu’au poste de police le plus proche. Ainsi en fut-il décidé. A 23h, profitant d’une accalmie, tout le monde se précipita dans les voitures, puis Billy et Lucky prirent le volant et ils partirent pour Hopkinsville, à une trentaine de kilomètres de là. Une demi-heure plus tard, les deux voitures s’arrêtèrent devant le poste de police, et les deux familles en descendirent, très agitées et visiblement effrayées: » Nous avons besoin d’aide, » déclara l’un des hommes à la police. » Nous les combattons depuis près de quatre heures. «
Une fois à la ferme, les policiers, qui avaient été rejoints trois shérifs et quatre militaires, remarquèrent que les fenêtres avaient été sérieusement endommagées, que de nombreuses douilles trainaient sur le sol et qu’une balle avait traversé un moustiquaire mais malheureusement, aucune créature n’était visible. Une fouille minutieuse s’en suivit et la tension était grande. A un certain moment, alors qu’ils avançaient dans le noir, l’un des hommes marcha accidentellement sur la queue d’un chat qui se mit alors à miauler, et tous les policiers sortirent leurs armes, plus vite qu’ils ne l’avaient jamais fait de leur vie. Les enquêteurs ne trouvèrent aucune trace prouvant qu’un engin s’était posé derrière la ferme, comme Billy l’affirmait, mais lorsqu’ils fouillèrent la zone près du bois, ils remarquèrent une lueur verdâtre près de la barrière, exactement à l’endroit où avait été touchée l’une des créatures. Étrangement, cette » lueur verdâtre » disparut le lendemain.
Les policiers en conclurent que les témoins étaient vraiment terrifiés, ils n’avaient aucun doute à ce sujet, et qu’ils étaient sincères. Cependant, comme les Sutton et les Taylor ne pouvaient vraiment avoir vu les choses qu’ils décrivaient, ils cherchèrent une explication logique, se demandant tout d’abord s’ils avaient pas abusé de boissons alcoolisés, mais rien ne semblait en attester, et songeant ensuite que quelqu’un leur avait peut-être joué un tour, ce qui leur parut plus plausible. Alors, comme ils ne pouvaient rien faire de plus, à 2h15 du matin ils repartirent, laissant seules les familles, qui semblaient toujours aussi effrayées. Deux officiers de police retournèrent à la ferme dans la matinée, mais certains des voisins des Sutton les informèrent que tout le monde était parti à Evansville, chassés par les créatures qui étaient revenues vers 3h30 du matin, se montrant aux fenêtres, griffant la maison et marchant sur le toit jusqu’à l’aube.
Des Théories Originales
Le journal le Kentucky New Era se fit l’écho de l’affaire le jour même, puis la radio commença à en parler et de nombreux curieux se précipitèrent à la ferme, qui espéraient voir les petits hommes ou se moquer des Sutton. Les journalistes s’empressèrent d’interroger les femmes, qui étaient retournées chez elles, et un croquis des créatures fut réalisé d’après leurs descriptions. Si le chien était sorti de sa cachette, le chat de l’une des fillettes se montrait tellement nerveux qu’elle avait du mal à le maintenir. Le soir venu, quand les hommes de la famille rentrèrent du travail, une file de voitures d’au moins 800 mètres bloquait la route dans les deux sens et des journalistes les attendaient, qui leur demandèrent de décrire les créatures. Un nouveau portrait fut alors esquissé, qui fut confronté au premier et qui se révéla quasiment identique.
Au début, les Sutton, plutôt embarrassés par toute cette publicité, demandaient aux curieux de partir mais comme rien ne semblait les décourager ils installèrent une pancarte, leur proposant de payer 1$ pour rentrer sur la propriété et 10$ pour plus d’informations. Certains les accusèrent alors d’avoir tout inventé pour se faire de l’argent, mais selon le chef de la police ils étaient des gens simples, extrêmement religieux, et l’hypothèse était peu crédible. Aux critiques qui leur furent faites, les Sutton répondirent qu’ils cherchaient par ce moyen à dissuader ceux qui pénétraient sur leur propriété et parfois même dans leur maison sans leur en demander l’autorisation.
Quand ils étaient interrogés séparément, chaque membre de la famille décrivait exactement la même chose, sans jamais changer aucun détail de l’histoire ni se contredire, mais soulignant l’absence de preuve, certains les soupçonnaient d’avoir vu les monstres dans le fond d’une bouteille. Lors de leur visite, les policiers n’avaient rien remarqué qui pouvait accréditer cette thèse mais le lendemain de l’incident un visiteur avait prétendu avoir trouvé quelques cannettes de bière dans une poubelle, jetant le trouble dans les esprits. Cependant, tous les occupants de la maison avaient vu les créatures, même les plus jeunes des enfants, qui en donnaient la même description que leurs ainés, et plusieurs observations d’ovnis avaient été rapportées dans la région cette nuit-là, que rien ne pouvait expliquer.
Si les premiers articles ne faisaient état que de Petits Hommes, sans autre qualitatif, bientôt certains journalistes, voulant surement pimenter un peu l’affaire, les qualifièrent de Petits Hommes Verts, et ce nom leur resta. Puis, comme les gens cherchaient toujours à résoudre le mystère et que la sincérité et la sobriété des témoins ne pouvaient pas être remises en question, différentes explications furent proposées, qui rivalisaient de bêtise.
Une rumeur courut alors qu’un ou plusieurs singes s’étaient échappés d’un zoo ou d’un cirque ambulant. Cependant, personne ne semblait avoir perdu de singe, et rien ne venait prouver cette théorie. Selon certaines sources, l’armée de l’air avait visité la ferme dès le lendemain de l’incident, classant le dossier comme non résolu, mais en 1957, le major John E. Albert, de l’US Air Force, donna publiquement sa conclusion de l’enquête, déclarant que les témoins avaient vu un » singe peint en argenté qui s’était échappé d’un cirque, » et que Mme Lankford avait exagéré les faits. Peu de temps après, Isabel Davis, une ufologue réputée pour son scepticisme, rejeta cette explication, la qualifiant de purement spéculative et de totalement absurde: » Les singes sont des créatures velues, les singes ont de longues queues, les singes sont des bavards notoires, et quand les singes sont touchés par des balles, ils saignent et ils meurent. Aucune sorte d’illusion d’optique ne peut expliquer une méprise de cette ampleur. «
En 2003, le Kentucky New Era publia le témoignage d’un homme nommé Cansler qui prétendait avoir assisté aux événement et qui accusait les frères Sutton d’avoir fait une blague en se servant d’un chat. Cette audacieuse hypothèse fut surnommée la théorie du Chat de Cansler.
En 2007, Geraldine Sith, la fille d’Elmer Sutton, fit publier un livre, Alien Legacy, qui reprenait l’histoire de la rencontre telle qu’elle l’avait entendue de la bouche de son père. Persuadée de son authenticité, elle expliquait ainsi les raisons de sa certitude: » Ce qui lui était arrivé était quelque chose de grave pour lui. Il disait que ça lui était arrivé à lui. Il disait que ça n’était pas drôle. Il disait que jamais il n’oublierait cette expérience. Elle est restée intacte dans son esprit jusqu’au jour de sa mort. Il ne souriait jamais quand il la racontait, car elle lui était arrivée à lui, et il n’y avait rien de drôle. Il devenait pâle et vous pouviez le voir dans ses yeux. Il était terrifié. «
Une explication différente, qui connut un grand succès, fut avancée par Renaud Leclet, un ufologue français qui pensait que les occupants de la ferme avaient été attaqués par certains rapaces nocturnes particulièrement agressifs, comme les Grands-Ducs d’Amérique, réputés pour défendre farouchement leurs nids.
Selon cette théorie, qui fut reprise par Joe Nickell dans un article du Skeptical Inquirer, aucun volatile n’avait été touché par les balles, les bruits métalliques qui avaient été entendus venaient tout simplement de l’impact des projectiles sur divers objets de la ferme, comme la clôture par exemple, l’objet volant n’était qu’une météore particulièrement lumineuse, quand à la peau brillante des créatures, elle n’était qu’une illusion donnée par les lumières de la maison.
S’il est amusant de constater que l’hypothèse des oiseaux est automatiquement avancée dès que l’observation d’une créature » volante » est rapportée, elle est particulièrement méprisante pour les témoins car elle sous-entend que les Sutton, qui vivaient dans une ferme isolée en pleine campagne depuis des années, n’auraient pas su reconnaitre un malheureux hibou ou le toucher avec un fusil à moins d’un mètre de distance…
Sources: CSICOP etc…