« J’ai vu ses yeux noirs de jais, et un sentiment de terreur absolument indescriptible a balayé mon corps. » Justin.
La Genèse
Un soir de printemps 1996, vers 21h30, Brian Bethel, journaliste à Abilene, au Texas, prit sa voiture pour aller payer sa facture Internet. En chemin, il s’arrêta sur le parking d’un cinéma pour rédiger le chèque qu’il voulait glisser dans la boîte aux lettres de Camalott Communications, son fournisseur d’accès. Alors qu’il écrivait, éclairé par les lumières rougeoyantes des néons, un coup frappé sur la vitre côté conducteur le fit sursauter, le poussant à lever les yeux.
Deux adolescents l’observaient à travers la glace. Le plus grand semblait avoir dans les quatorze ans. Il portait une veste à capuche avec une sorte de motif à carreaux gris, et un jean. Ses cheveux étaient bruns et bouclés, sa peau couleur olive, et son visage dégageait une assurance tranquille. « Oh, super », se dit-il en lui-même. « Ils vont me taxer de l’argent. » Méfiant, il abaissa très très légèrement sa vitre, et il répondit : « Oui ? » Le garçon esquissa un large sourire, dévoilant des dents d’une extraordinaire blancheur, et Brian sentit son sang se glacer dans ses veines. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais un sentiment écrasant de peur venait de s’insinuer en lui, et il dut lutter pour ne pas s’enfuir. « Hé, monsieur, vous allez bien ? Nous avons un problème. Vous voyez, mon ami et moi voulons voir un film, mais nous avons oublié notre argent. Nous devons retourner le chercher chez nous. Pourriez-vous nous aider ? »
Brian se tortilla nerveusement sur son siège. En tant que journaliste, il avait l’habitude de parler aux gens. En général, les enfants se montraient plutôt timides. Ils bafouillaient, se balançaient sur leurs pieds, etc. « Euh… M… M… Monsieur ? Puis-je voir cet appareil photo ? Je… Je ne le casserai pas ou quoi que ce soit. Je le promets. Mon père a un appareil photo, et il me laisse le tenir parfois. D’ailleurs, j’ai pris une photo de mon chien… mais ça n’était pas très bon. » Mais cet adolescent était différent… Il semblait considérer son aide comme une évidence, et quelque chose dans son attitude, le ton doucereux de sa voix, sa façon de parler en articulant parfaitement chaque syllabe, son calme, ou peut-être son sourire, le mettait mal à l’aise. « Je sais quelque chose, » semblait-il lui dire silencieusement, « et tu ne vas pas aimer ça. Mais la seule façon de savoir ce que c’est, c’est de faire ce que je te dis… »
Pendant que le plus âgé des garçons lui parlait, le plus jeune, qui devait avoir dans les onze ans, le regardait silencieusement. Il était habillé de la même manière que son ami, d’un jean et d’une veste à capuche de couleur vert clair, mais sa peau pâle était constellée de taches de rousseur, et ses cheveux tiraient sur le orange. Un mélange de confusion et de culpabilité flottait sur son visage.
— Heu, eh bien… balbutia péniblement Brian.
— Allez, monsieur, insista l’aîné d’une voix lisse comme de la soie. Nous voulons juste rentrer chez nous. Et nous ne sommes que deux petits garçons.
Un frisson d’horreur parcourut Brian. « Nous ne sommes que deux petits garçons… » La phrase se voulait rassurante, mais dans son esprit, elle résonnait comme une menace.
— Euh… répondit-il en enfonçant ses ongles dans le volant. Quel film allais-tu voir ?
— Mortal Kombat, bien sûr.
Le plus jeune des enfants, qui se tenait à quelques pas, hocha affirmativement la tête. Il semblait de plus en plus nerveux.
— Oh, répondit Brian en jetant un coup d’œil rapide au cinéma et à l’horloge de sa voiture. La dernière séance du film Mortal Kombat était commencée depuis près d’une heure, et il trouvait son histoire suspecte.
— Allez, monsieur. Laissez-nous entrer. Nous ne pouvons pas monter dans votre voiture si vous ne nous invitez pas. Laissez-nous entrer, et nous serons partis avant que vous le sachiez. Nous irons chez notre mère.
À sa grande horreur, Brian réalisa alors que sa main s’était approchée de la poignée de la portière, et qu’il était en train de l’ouvrir. Il la retira précipitamment, peut-être un peu trop violemment, mais son geste l’obligea à quitter un moment les enfants des yeux. « Euh… Hum… » dit-il faiblement, en essayant de se concentrer. Il releva ensuite la tête, et pour la première fois, il remarqua leurs yeux. Ils étaient noir charbon. Pas de pupille. Pas d’iris. Des orbes sans âme sombres comme une nuit sans étoiles. Son esprit explosa dans un tourbillon de terreur dévorante. Il essayait de paraître calme, mais il était complétement paniqué. Son expression le trahit.
L’aîné arrêta immédiatement de sourire, et il se mit à crier, les yeux brillants de colère. « Allez, monsieur. Nous ne vous ferons pas de mal. Vous devez nous LAISSER RENTRER À L’INTÉRIEUR. Nous n’avons pas d’arme à feu… » Bafouillant toutes les excuses qui lui venaient à l’esprit, Brian enroula sa main autour du levier de vitesse, et il commença à refermer sa fenêtre. Ivre de colère, le garçon se mit alors à frapper à la vitre en lui criant d’une voix paniquée : « NOUS NE POUVONS PAS RENTRER SANS VOTRE ACCORD ! »
Dévoré par une peur aveugle, Brian fit brusquement marche arrière, et il sortit du parking. Alors qu’il s’éloignait, il jeta un coup d’œil rapide dans son rétroviseur. Les enfants aux yeux noirs avaient disparu. Profondément bouleversé, il retourna immédiatement chez lui. Si un policier avait tenté de le contrôler, il ne se serait pas arrêté et il aurait fait face aux conséquences plus tard. Qu’avait-il vu ? Il l’ignorait. Peut-être rien de plus que des enfants…
Le soir même, Brian téléphona à Chad, « son meilleur ami, son compagnon de chasse aux fantômes, un mec super cool ». À ce moment-là, Chad se trouvait alors en compagnie de deux de ses amies, qui prétendaient toutes les deux posséder des capacités psychiques. Brian commença à raconter son étrange rencontre, en laissant de côté les yeux noirs pour le final. Alors qu’il parlait, l’une des femmes l’interrompit.
— Ces enfants avaient les yeux noirs, non ? lui demanda-t-elle. Je veux dire, des yeux tout noirs ?
— Euh … Oui, lui répondit-il. Il était un peu surpris.
— Un soir de la semaine dernière, j’ai rêvé d’enfants aux yeux noirs. Ils étaient à l’extérieur de ma maison. Ils voulaient qu’on les laisse entrer, mais il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il m’a fallu un certain temps pour réaliser que c’était les yeux.
— Qu’avez-vous fait ? l’interrogea Brian. Il ne leur avait même pas expliqué que les enfants avaient demandé à monter dans sa voiture.
— J’ai gardé les portes et les fenêtres fermées. Je savais que s’ils entraient, ils me tueraient.
Elle s’arrêta de parler pendant quelques secondes.
— Et ils vous auraient tué aussi, si vous les aviez laissés monter dans votre voiture.
Le 30 juillet 1997, Brian envoya un e-mail racontant son étrange mésaventure à ses amis amateurs d’histoires de fantômes du groupe Usenet alt.magick. Il avait été traumatisé par les enfants aux yeux noirs. Il les voyait partout. « Mon sommeil était très perturbé. En fait, je ne voulais plus dormir du tout. Je ne me sentais pas en sécurité quand je dormais. Je voyais continuellement leur silhouette apparaître au pied de mon lit, ou m’attendre devant ma porte quand je sortais. Je dirais que cela a duré quelques semaines et que les effets persistent à ce jour. L’utilisation des yeux noirs pour symboliser le mal est devenue un trope courant dans les films d’horreur et autres médias, et à chaque fois que je vois une telle image, surtout si je ne m’y attends pas, je reviens brièvement sur ces moments terribles et angoissants dans ma voiture. Je ne savais légitimement pas si j’allais mourir ou non. Je n’ai jamais été aussi terrifié. »
Multiplication des Apparitions
Brian pensait son expérience unique, mais au cours des années suivantes, de nombreuses personnes rapportèrent leur rencontre avec des enfants aux yeux noirs. Leurs histoires se ressemblaient toutes. Âgés de six à seize ans, les enfants aux yeux noirs arboraient une apparence des plus communes, à l’exception de leur teint extrêmement pâle et de leurs yeux complétement noirs, sans iris ni pupille. La plupart du temps, ils étaient habillés comme tous les adolescents de leur âge, mais parfois ils portaient des vêtements anciens et grossièrement cousus. Ils apparaissaient toujours la nuit, seuls ou en groupe, frappaient aux portes des maisons ou aux vitres des voitures, et demandaient à rentrer en prétextant un besoin urgent, passer un coup de téléphone, manger quelque chose, aller aux toilettes, se protéger du froid, etc.
Tout comme les vampires, et les démons, ils semblaient incapables de pénétrer dans un endroit fermé sans y avoir préalablement invités. Quand la faveur leur était refusée, alors ils insistaient d’une voix étrangement monocorde : « Laissez-nous rentrer, nous ne vous ferons pas de mal. » Ils pouvaient se montrer suppliants, menaçants, ou s’insinuer dans l’esprit de leur victime et leur donner l’envie irrésistible d’accéder à leur demande. Ceux qui avaient croisé leur chemin parlaient de la terreur sans nom qui les avait submergés, eux et leurs animaux de compagnie, et des phénomènes électriques inexpliqués qui s’étaient produits en leur présence. Certains, qui avaient eu le malheur d’accéder à leur demande, disaient les voir partout, dans leur maison comme à l’extérieur.
L’Expérience de Craig
En 2009, Craig Besand, un américain originaire du Missouri qui suivait des études à l’Université d’East Anglia, à Norwich, en Angleterre, passa la soirée à boire quelques verres chez un ami jusque tard dans la nuit. « Mon ami m’a demandé si je préférais retourner à chez moi ou si je voulais rester dormir sur son canapé. Je lui ai dit que je me sentais bien, que j’allais juste rentrer à la maison et me coucher. Il était une heure du matin passé. » Il marchait depuis quelques minutes à peine quand deux silhouettes s’avancèrent vers lui. « Ils ressemblaient à de jeunes garçons. L’un avait environ treize ans, l’autre environ neuf ans. Ils portaient tous les deux des sweats à capuche, des baskets ; des trucs typiques pour les enfants. » En arrivant à sa hauteur, le plus âgé l’interpella : « Nous cherchons le cimetière, nous sommes perdus. Pourriez-vous nous y emmener, s’il vous plaît ? »
Craig connaissait bien le cimetière situé sur Dereham Road. Son ami habitait une rue adjacente, et il passait devant à chaque fois qu’il allait le voir. « J’ai pensé qu’il était étrange que de jeunes enfants aient envie d’aller traîner dans un cimetière à cette heure de la nuit. Mais les enfants aiment tout, alors j’ai accepté de les emmener là-bas. Ils me l’avaient demandé très poliment, et de toute façon, le cimetière était sur le chemin du retour. »
Alors qu’ils se dirigeaient vers le cimetière, il les observa de plus près. Leurs cheveux étaient noirs de jais, et leur peau de porcelaine blanche veinée. Puis brusquement, il remarqua leurs yeux. « Ils avaient tous les deux des yeux aussi sombres que du charbon, sans aucune trace de blanc. Leurs yeux étaient leurs traits les plus distincts. C’était comme s’ils n’avaient pas eu d’âme, ou rien à l’intérieur d’eux. » Il leur demanda où ils habitaient, et ils lui indiquèrent une rue du quartier. « J’ai pensé que c’était étrange parce que ce cimetière est immense et presque tout le monde en ville sait où il se trouve. »
En arrivant devant les portes du cimetière, les deux garçons se tournèrent vers lui.
— Accompagnez-nous à l’intérieur, lui proposa alors l’aîné.
— Non, lui répondit Craig. Je retourne chez moi.
— Accompagnez-nous à l’intérieur.
— Non.
Le plus jeune ne disait rien, mais il semblait particulièrement nerveux. Son ami esquissa alors un sourire, et ce sourire terrifia Craig au-delà des mots. « La frustration sur le visage de cet enfant essayait de se cacher derrière l’un des sourires les plus diaboliques que je n’avais jamais vus. Mon cœur s’est mis à battre dans ma gorge quand il m’a dit : « nous ne vous ferons pas de mal », avec ce sourire sur son visage. » Craig trouvait son sourire effrayant, mais étrangement fascinant. « Curieusement, je me sentais de plus en plus attiré par lui et je commençais à penser que je devais aller avec eux. Puis le jeune enfant silencieux a dit quelque chose qui m’a effrayé. « Nous ne devrions pas faire ça. » Immédiatement après qu’il ait parlé, je suis sorti de ma transe. Mon instinct de fuite ou de combat s’est déclenché, et j’ai couru aussi vite que possible. J’ai regardé en arrière pour voir s’ils couraient après moi, mais ils avaient disparu. J’ai couru jusqu’à la maison. »
Environ une semaine plus tard, Craig entra dans une boutique de magie dont la propriétaire, apprit-il par la suite, était wiccane. « J’ai acheté de l’encens, puis j’ai entamé une conversation à propos de moi en tant qu’Américain en voyage, et sur les endroits hantés de la ville. Je lui ai donc raconté mon histoire des enfants aux yeux noirs. »
— Vous n’avez rien imaginé.
— Vous connaissez ces enfants ? Qui sont-ils ?
— Personne ne connait leur véritable nature. Les gens qui l’ont découvert ne sont plus là pour en parler. Ils peuvent être n’importe quoi… des démons aux fées.
— Mais pourquoi voulaient-ils que je les suive de mon plein gré dans le cimetière ?
— Ils attendaient surement quelque chose de vous… ou bien peut-être espéraient-ils vous emmener dans leur royaume. Vous avez bien fait de vous enfuir. Vous ne découvrirez jamais ce qu’ils étaient, ni ce qu’ils voulaient. Vous feriez mieux de continuer votre vie sans trop y penser.
Craig a continué sa vie, mais jamais il n’a pu oublier les enfants aux yeux noirs. « J’en ai parlé à d’autres personnes, mais soit elles ont esquivé, soit elles ont rigolé à mes dépens. »
L’Histoire de Beth
Un jour du début du mois d’avril 2009, Beth Stringfield, une mère au foyer de Lawson, dans le Missouri, était en train de déjeuner dans la cuisine lorsqu’elle entendit frapper à sa porte d’entrée. « Personne ne frappait jamais à notre porte d’entrée. Nous utilisons généralement la porte de derrière et tous ceux que nous connaissons le savent. Nous n’avons presque jamais de visiteurs devant. J’ai ouvert la porte et il y avait une petite fille debout là. Je ne l’ai pas reconnue. »
Beth habitait une petite ville de deux mille habitants, et elle connaissait tout le monde. « Elle avait environ sept ans et elle regardait ses chaussures. Elle avait des cheveux blonds et était vêtue d’une robe blanche terne de style ancien avec des oiseaux bleus brodés sur les bords. » Craignant que la fillette ne soit blessée, ou en danger, Beth ouvrit la porte grillagée, et elle s’agenouilla pour lui parler. « Elle a regardé mes mains et a dit : « J’ai besoin d’aide. Puis-je entrer à l’intérieur, s’il vous plaît ? » Elle était si polie et parlait si bien. Elle n’avait pas l’air de venir de la ville. J’ai soudainement eu très peur. » Elle parcourut la rue du regard, mais personne ne se trouvait là. « J’ai regardé derrière elle. Je pensais que j’avais peur parce que quelqu’un la poursuivait, ou que ses parents ou l’un de ses proches étaient contrariés parce que je lui parlais. Les pensées me venaient rapidement à l’esprit, et je ne pouvais pas réfléchir très clairement tout d’un coup. »
Elle se retourna vers la petite fille pour lui demander où se trouvaient ses parents et où elle habitait, quand soudain elle vit ses yeux. « Elle m’a regardée et j’ai immédiatement remarqué que ses yeux semblaient faux ou quelque chose. Comme s’ils étaient d’encre. Comme si quelqu’un avait versé de l’encre dans ses yeux. Ce n’étaient pas des yeux d’enfants normaux. Ils étaient noir charbon, noir d’un côté à l’autre et ils me fixaient. »
La fillette lui demanda une nouvelle fois à rentrer, et un frisson parcourut Beth. « Je pouvais entendre une sorte de fausse douceur dans sa voix. Elle avait une voix de petite fille, mais un vocabulaire et une force d’adulte. Je me suis immédiatement relevée et j’ai su que je devais me protéger et protéger mes filles, qui se trouvaient à l’intérieur. J’ai commencé à fermer la porte. « Qu’ai-je fait de mal ? Pourquoi ne m’avez-vous pas invitée à rentrer ? » a demandé la fillette. C’est alors que ma fille de cinq ans est entrée dans le salon, et j’ai su qu’elle ne devait pas la voir. J’ai fermé la porte sur cette petite fille, et je l’ai fermée à clef. J’ai attrapé Ellen et j’ai couru vers la porte de derrière, dans la cuisine. Je l’ai verrouillée, et je me suis assise à la table. Mon enfant de seize mois dormait à l’étage, et je devais vérifier que tout allait bien. » Les jambes tremblantes, Beth courut au premier en tenant fermement sa fille dans ses bras. Son bébé dormait toujours. « J’ai sorti mon téléphone portable et j’ai appelé mon mari pour lui en parler. Il a trouvé que mon histoire était folle. »
Mais Beth avait vu la petite fille aux yeux noirs sous son porche, et elle se souvenait de la terreur qu’elle avait ressentie. « Cette petite fille était réelle. J’ai commencé à avoir pitié d’elle parce qu’elle avait une mauvaise haleine et des cheveux vraiment sales, mais je sais que d’une manière ou d’une autre, elle nous aurait fait du mal. Je n’ai plus vraiment envie d’en parler. Je préférerais tout oublier, mais je crains qu’elle ne revienne. Je ne laisserai plus les filles jouer dehors maintenant. Je ne suis pas allée seule au magasin depuis. Je ressens toujours cette peur, ce sentiment de peur que je ressentais quand la fille était sous mon porche. Je sais que si je l’avais laissée entrer, je l’aurais regretté. Mes filles et moi, nous aurions été en quelque sorte en danger. »
La Mésaventure de Carris
Au cours de la même année, à Lisburn, en Irlande du Nord, Carris Holdsworth passa la soirée chez un ami avant de retourner chez elle. À l’époque, elle occupait un petit appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble situé dans un quartier difficile. En arrivant au coin de sa rue, vers 22h45, elle remarqua immédiatement la présence de deux garçons sur la petite parcelle d’herbe qu’elle qualifiait de cour. Ils avaient entre treize et seize ans, et lui tournaient le dos. Elle fit quelques pas dans leur direction, mais semblant sentir sa présence, ils se tournèrent vers elle d’un même mouvement. Mal à l’aise, elle s’arrêta, et elle a mis sa main dans son sac pour attraper sa bombe lacrymogène. Elle était prête à se défendre, mais aucun d’eux ne fit le moindre geste. « Pas besoin de ça », lui dit l’aîné d’une voix calme. « Nous voulons juste emprunter votre téléphone, mademoiselle. »
Un frisson d’horreur la parcourut, et ses doigts se refermèrent sur la bombe lacrymogène. De manière tout à fait irrationnelle, elle avait l’impression qu’ils lisaient dans ses pensées. Pourtant, ils ressemblaient à n’importe quels autres adolescents de leur âge. Sweat à capuche, jeans et baskets sales. Elle se concentra sur leurs visages, et brusquement, elle remarqua leurs yeux. Ils étaient d’un noir absolu. Aucune trace de blanc ou de pupille. De nouveaux frissons la traversèrent, et sa respiration se fit plus rapide. Elle se sentait en danger. Elle devait partir, immédiatement. Comme elle ne savait pas exactement quoi faire, elle marcha vers sa porte d’entrée en ignorant les deux garçons. Elle fouilla rapidement son sac pour essayer de trouver ses clefs, et le plus jeune l’interpella. « S’il vous plait mademoiselle. Ma mère va s’inquiéter si elle ne sait pas où nous sommes. » L’idée de les laisser rentrer s’insinua alors dans son l’esprit, mais elle la repoussa. Elle aurait voulu les aider, mais leurs yeux noirs la terrifiaient, et elle savait que si elle cédait, elle allait sérieusement le regretter. « Non. Je, je, je… » balbutia-t-elle, incapable de prononcer une parole de plus.
Ses mains attrapèrent les clefs. Elle ouvrit rapidement sa porte, et se glissa à l’intérieur. Son cœur cognait violemment dans sa poitrine. Secouée, elle se servit une tasse de café, puis elle s’assit sur le canapé de son salon et elle alluma la télévision pour essayer de se calmer. Elle ne prit pas la peine de vérifier si les garçons étaient toujours là. Elle avait peur de voir leurs « yeux sans âme ».
Soudain, un coup retentit à la porte d’entrée, puis un autre, et elle finit par se lever. Elle s’approcha de la porte, et trois nouveaux coups résonnèrent, beaucoup plus forts que les précédents. Surprise, elle recula de quelques pas. Elle attendit un moment, et comme elle n’entendait plus rien, elle regarda par le judas. Les deux garçons la fixaient de leurs yeux d’un noir absolu. « Mademoiselle, nous ne vous ferons pas de mal. Nous vous le promettons », murmura l’un des garçons. En entendant ces mots, une bouffée de colère la traversa, et elle ouvrit la porte. Debout sur le palier, ils lui souriaient innocemment.
— Qu’est-ce que vous voulez ? leur demanda-t-elle.
— Nous voudrions utiliser votre téléphone, répondit le plus âgé.
— Non.
— Laissez-nous simplement utiliser le téléphone. Nous ne vous ferons pas de mal. Nous n’avons pas d’armes pour vous blesser.
— Partez de chez moi ! cria-t-elle avant de leur claquer la porte au nez.
En sécurité derrière sa porte en bois massif, elle regarda à travers le judas. Les garçons étaient toujours là, mais ils ne souriaient plus. L’horrible sensation de terreur absolue la submergea une nouvelle fois. Elle traversa son appartement pour s’assurer que toutes les portes et toutes les fenêtres étaient bien verrouillées, puis elle décrocha son téléphone pour appeler son amie Jessie. Elle lui annonça qu’elle avait un problème urgent, et qu’elle avait besoin de son aide. Elle aurait pu téléphoner à la police, mais elle préférait éviter pour des raisons personnelles. Jessie arriva dix minutes plus tard. Elle lui expliqua que deux adolescents se trouvaient dans sa cour à son arrivée, qu’ils lui avaient fait peur, mais qu’ils étaient maintenant partis.
Depuis, Carris a déménagé dans un quartier différent, mais elle n’a jamais oublié les enfants aux yeux noirs. « Je regarde toujours par le judas avant d’aller me coucher. Je ne sais pas exactement qu’elle était la nature de ces garçons, mais je sais qu’ils m’auraient fait du mal et qu’ils n’étaient en aucune façon humains. J’ai toujours peur d’y penser. »
Le Dilemme de David
En 2010, David travaillait comme ingénieur informatique dans l’Ohio. Parfois, les week-ends, il restait seul de 23h30 à midi, mais jamais il ne s’inquiétait. Le bâtiment était bien sécurisé. Des caméras de surveillance filmaient en permanence le parking et les différentes portes, et il pouvait suivre les images sur l’un de ses moniteurs. De plus, la fenêtre de son bureau donnait sur la rue. Le soir, il voyait les gens traverser la petite place pour aller au bar, ou longer la rue pour rejoindre leur appartement. Le samedi 31 juillet, à cinq heures du matin, il sortit fumer une cigarette sur le parking. Il allumait sa cigarette quand il aperçut deux adolescents à quelques mètres de lui. Les deux garçons se tournèrent immédiatement dans sa direction, et ils commencèrent à le fixer. Mal à l’aise, il tenta de se rassurer en se disant qu’il les avait probablement effrayés en sortant soudainement de l’immeuble à cinq heures du matin, et qu’ils le regardaient pour cette raison. « J’ai fumé ma cigarette tout en les surveillant. Je l’ai finie, et je suis retourné dans le bâtiment. »
Dix minutes plus tard, l’interphone se mit à bourdonner. « J’ai regardé le moniteur, et c’était ces deux enfants. » Il appuya sur le bouton de l’interphone pour leur demander ce qu’ils voulaient, et l’un des garçons tenta de le convaincre de venir à la porte d’entrée. « J’ai appuyé sur le bouton de conversation, et je leur ai dit que j’étais occupé, que je n’avais pas le temps de jouer, et qu’ils devaient quitter la propriété. Au lieu de cela, ils se sont juste avancés devant la porte. »
David aurait voulu ignorer les deux garçons, mais il n’y arrivait pas. Il descendit dans le hall pour les observer à travers la vitre sans tain. Il pouvait les voir, mais pas eux. Ils ressemblaient à des adolescents normaux, shorts, sweats à capuche foncés et chaussures de tennis. Il leva ensuite les yeux vers leurs visages, et il s’aperçut qu’ils avaient les yeux complétement noirs. « La seule chose qui les distinguait des autres enfants, c’est qu’ils avaient des yeux profonds et complètement noirs. Cela m’a vraiment fait peur. J’avais le sentiment qu’ils pouvaient réellement me voir. » David ouvrit la porte du hall. Il voulait les menacer d’appeler la police s’ils ne partaient pas, mais l’un des garçons l’interpella immédiatement.
— Ce ne sera pas nécessaire monsieur, nous devons simplement utiliser votre téléphone, pouvez-vous nous laisser entrer ?
— Je ne laisse entrer personne, répondit David.
— Non, vous allez nous inviter, riposta l’adolescent d’une voix teintée de colère.
Au même moment, l’autre garçon lui sourit, d’un petit sourire étrange et tordu. « Quelque chose clochait. J’ai presque instantanément ressenti cela. « Menacé » est le meilleur mot que je puisse utiliser. Je n’avais jamais été à court de mots, mais à ce stade, j’ai peut-être été un peu pris de court par l’agressivité de l’enfant. » David les menaça une nouvelle fois d’appeler la police, et il sortit son téléphone portable de sa poche. Il referma ensuite la porte du hall, et il courut jusqu’à son bureau pour observer leur réaction sur son moniteur. Le garçon qui lui avait parlé se contenta de lever les yeux, et il se mit à fixer la caméra. L’autre se dirigea tranquillement vers la porte de derrière, et il commença à regarder l’autre caméra. Il était maintenant près de six heures du matin. David appuya sur le bouton de l’interphone, et il leur signala que la police était en route. L’enfant sourit, et il lui dit : « J’ai besoin d’utiliser le téléphone, laissez-nous entrer ». Il attendit un moment, puis il partit retrouver son ami à l’arrière du bâtiment. Ils se mirent alors à bouger tous les deux, et ils rentèrent dans un cul de sac, un endroit qui n’était pas surveillé par les caméras de sécurité. David ne les voyait plus, ils avaient disparu de son écran. « Si vous allez dans ce cul-de-sac, vous ne pourrez pas en sortir, » leur signala-t-il interphone interposé. « Vous devez retourner à nouveau devant la caméra. »
David resta devant son écran jusqu’à l’arrivée de la police. Des agents fouillèrent le cul-de-sac, mais les deux garçons avaient mystérieusement disparu. Pourtant, pour sortir de la propriété, ils auraient dû passer devant la caméra et sauter la clôture, et il les aurait forcément remarqués. David ne se remit jamais de cette rencontre. « Je me souviens encore de leurs yeux flippants, de la façon dont le garçon parlait et se comportait ainsi que ce sentiment étrange et troublant. À l’époque, je citais le film The Crow pour décrire cet enfant. En fait, je me sentais comme un petit ver sur un gros hameçon. Cela m’a fait flipper. »
La Forêt de Cannock Chase
La forêt de Cannock Chase, en Angleterre, serait un haut lieu d’apparition. En juillet 2013, une mère et sa fille ont été alertées par des pleurs. Elles se sont précipitées dans leur direction, et elles sont tombées nez à nez avec une étrange petite fille : « Elle avait les mains devant les yeux comme si elle attendait une surprise pour son anniversaire. Je lui ai demandé si tout allait bien et c’était elle qui avait crié. Elle a baissé les bras sur le côté et elle a ouvert les yeux. C’est là que j’ai vu qu’ils étaient complètement noirs, pas d’iris, pas de blanc, rien. J’ai attrapé ma fille par la main et j’ai pris mes jambes à mon cou… Quand j’ai regardé à nouveau, l’enfant était parti. C’était tellement étrange. »
Au cours de la même période, une petite fille présentant les mêmes caractéristiques fut observée au même endroit. « Le samedi 13 septembre, mon épouse et moi-même nous promenions dans la forêt de Cannock Chase avec notre chien. Après nous être enfoncés dans les bois en laissant la route derrière nous, nous avons entendu ce qui ressemblait au rire d’une petite fille. A notre stupéfaction, une fillette d’une dizaine d’années est apparue juste devant nous, semblant sortie de nulle part. Nous nous sommes arrêtés net en remarquant ses yeux entièrement noirs. Elle avait aussi la tête penchée sur l’épaule comme un pendu. Elle nous a regardés fixement pendant quelques minutes avant de partir en courant dans un épais bosquet. Ma femme voulait la suivre, mais je m’y suis opposé. »
Lee Brickley, enquêteur du paranormal, ne sait pas vraiment pourquoi les enfants aux yeux noirs se manifestent fréquemment à Cannock Chase. « Il y a plusieurs théories pour expliquer ces apparitions. La première est qu’elles sont liées à la présence autrefois d’une tribu celtique, les Cornovii, qui pratiquait des sacrifices humains. L’autre hypothèse met en cause l’armée qui serait responsable, selon la rumeur, de quelques expériences bizarres, source d’hallucinations ou de mutations atroces. Certains relient les apparitions des enfants aux yeux noirs à une histoire tragique et, hélas, authentique. Entre 1965 et 1967, Raymond Leslie Morris, un père de famille d’une trentaine d’années, a violé et assassiné trois fillettes de cinq, six et sept dont les corps ont été retrouvés dans les bois de Cannock Chase. Leurs esprits continueraient à arpenter les lieux de leur martyr. »
De l’existence des Enfants aux Yeux Noirs
La multitude de blagues, de vidéos truquées et de faux témoignages postés sur Internet ont cruellement entaché la crédibilité des victimes, sans parvenir à les réduire au silence. Les sceptiques prétendent que toutes les histoires sont inspirées du témoignage de Brian, mais David Weatherly, qui a consacré un livre au phénomène, souligne que des rencontres avaient déjà été rapportées avant la naissance d’Internet.
Dans les années 1950, Harold était âgé de seize ans. Un soir, alors qu’il revenait de chez un ami, il descendit un chemin de terre menant à l’entrée de sa maison, et il remarqua une petite silhouette appuyée contre la clôture. En s’approchant, il vit que l’inconnu était de sexe masculin. Étant d’une petite ville, il connaissait tout le monde, mais il n’avait jamais vu cet enfant auparavant. Perplexe, il commença à lui parler, mais il ne reçut aucune réponse. Finalement, il lui demanda s’il allait bien, et le garçon lui répondit : « Je veux aller chez toi. Emmène-moi chez toi. » Un frisson parcourut Harold. Il ne savait pas quoi répondre. Au même moment, le petit inconnu releva la tête, et ses grands yeux complétement noirs le fixèrent insistance. Horrifié, Harold se retrouva collé au sol, incapable de bouger. Il leva les yeux vers la route, prévoyant de se mettre à courir, mais le garçon parut lire dans ses pensées, car il lui dit : « Maintenant, ne t’enfuis pas. Tu vas m’accompagner chez toi. » Harold se sentait menacé. Il s’élança sur le chemin, et passant devant l’enfant, il courut jusqu’à la maison. Soudain, il entendit un hurlement déchirant, comme celui d’un animal sauvage. Trop effrayé pour se retourner, il se demanda si le cri venait de l’enfant. Était-il en colère parce qu’il n’avait pas obéi à ses ordres ? Il ne tenait pas vraiment à le savoir. Harold ouvrit la porte, et il se précipita dans la maison. Surpris, ses parents se mirent à le questionner, et il leur expliqua en balbutiant ce qu’il avait vu. Son père attrapa alors un fusil de chasse, et il se précipita vers la route. Il chercha le garçon pendant un moment, mais il s’était volatilisé. Personne ne sut jamais vraiment ce qu’il avait vu cette nuit-là. Sa mère, qui était croyante, se disait qu’Harold avait dû croiser le Diable déguisé, et cette pensée l’épouvantait. Finalement, elle le traina à l’église locale pour le faire bénir.
En 2017, un enquêteur du paranormal qui pensait sa propriété hantée, a installé une caméra de surveillance sous son porche. En voyant les images, il s’est exclamé : « Je ne peux pas croire que cela ait fonctionné. C’est un vrai enfant aux yeux noirs, c’est un véritable enfant aux yeux noirs ! » L’apparition en question est restée plus d’une heure à fixer l’intérieur de la maison avant de se volatiliser dans les airs.
La Nature des Enfants aux Yeux Noirs
Fantômes, démons, extraterrestres, vampires, créations de l’esprit, quelle est la véritable nature des enfants aux yeux noirs ? Que veulent-ils ? Quelles sont leurs intentions ? Existent-ils vraiment ? Personne n’a de réponse à ces questions. Interrogé, Brian, qui a toujours soutenu l’authenticité de son histoire et qui continue à le faire, a déclaré : « Je n’en suis pas sûr. Ce que je sais, c’est que ce sont des prédateurs, et que nous sommes la nourriture. Je ne pense pas qu’ils nous mangent au sens propre du terme, mais ils veulent quelque chose de nous. Peut-être qu’ils veulent juste tuer, mais j’ai tendance à penser que l’histoire est beaucoup plus complexe que ça. Tant que vous n’avez pas vu ces terribles yeux sombres, remplis de haine et arrachés au plus profond de la nuit et du temps, je ne suis pas sûr que vous puissiez comprendre. Les gens avec qui j’ai parlé et qui les ont vraiment vus comprennent parfaitement. Ce sont des entités dangereuses, bien sûr, mais nous avons quelque chose qu’ils n’ont pas. Quelque chose qu’ils veulent désespérément. Je crois que c’est la lumière en nous, l’âme humaine, qu’ils recherchent. Qu’ils souhaitent la corrompre ou la consommer, je ne le sais pas. Mais c’est cette chose même qu’ils désirent qui nous donne un avantage sur eux. C’est quelque chose qu’ils ne peuvent apparemment pas prendre. Il faut donner la permission, et c’est là notre force. Je vais vous donner un bon conseil. Méfiez-vous de ceux que vous autorisez à rentrer dans votre vie et n’ouvrez pas votre porte à n’importe qui. Soyez perspicace. Soyez conscient. Et le plus important, restez en sécurité. »
Christine Hamlett, médium, pense que les enfants aux noirs sont des fantômes. Elle les considère dangereux, et elle déconseille de s’en approcher. « Je pense que ce sont des esprits avec des affaires inachevées. Ils ont une histoire à raconter. Une fois qu’ils auront dit ce qu’ils veulent, ils seront prêts à passer de l’autre côté. Cela m’intrigue qu’il semble y avoir autant de fantômes en ce moment. Cela doit être terrifiant pour les personnes qui les voient. Ces enfants aux yeux noirs sont des porteurs de mauvaises nouvelles. Donc, mon conseil serait de ne pas interagir avec eux à moins que vous ne sachiez ce que vous faites. Ces enfants sont des âmes troublées et ils ne traînent pas pour rien. »
Cliff, enquêteur du paranormal, a la certitude que les enfants aux yeux noirs et les enfants aux yeux blancs sont des démons, et que la couleur de leurs yeux reflète leur statut au sein de la hiérarchie diabolique. Les soldats et les sbires auraient les yeux noirs, les négociateurs les yeux rouges les généraux les yeux jaunes, les chefs d’état-major les yeux blancs, et les sept princes de l’Enfer une couleur spécifique en fonction du péché qu’ils représentent. L’or pour l’orgueil, le rose pour la luxure, le rouge pour la colère, le orange pour la gourmandise, le bleu pour l’envie, le vert pour la cupidité, et le violet pour la paresse. Sa théorie expliquerait la fréquence des rencontres avec des enfants aux yeux noirs, et la rareté des enfants aux yeux blancs, qui seraient beaucoup plus dangereux. Les démons prendraient l’apparence d’enfants, considérés comme innocents et inoffensifs, pour inspirer confiance.