Le film When The Lights Went Out, de Pat Olden, raconte l’histoire d’une famille hantée par une entité maléfique et il s’inspire d’événements qui se sont déroulés à la fin des années 1960 et au début des années 70, à Pontefract, en Angleterre. Moins réputée que d’autres, cette hantise est pourtant considérée comme la plus violente jamais constatée en Europe. Elle est connue sous le nom: Le Moine Noir de Pontefract.
En 1966, Joe et Jean Pritchard louaient une grande maison perchée sur une colline au 30, East Drive Chequerfield à Pontefract. Durant le mois d’août, Joe, Jean et leur fille Diane, âgée de douze ans, partirent en vacances une semaine à Devin. Phillip, leur fils de quinze ans, demanda à rester à la maison et ils le confièrent à sa grand-mère, Sarah Sholes, la mère de Joe. Un jeudi matin, le soleil brillait dans le ciel et Phillip en profita pour sortir lire un livre dans le jardin. Assise sur le canapé du salon, Sarah tricotait un cardigan, quand soudain la pièce lui parut étrangement froide. Puis brusquement, une forte bourrasque fit vibrer toutes les fenêtres et la porte de derrière se mit à claquer violemment. En voyant Phillip rentrer dans la maison, sa grand-mère lui demanda si le vent se levait mais il lui répondit qu’il n’y avait pas un souffle d’air puis il se dirigea vers la cuisine pour lui préparer un thé et se faire un café. Dix minutes plus tard, quand il ouvrit la porte du salon, le jeune homme resta un moment interdit devant le singulier spectacle qui s’offrait à lui. Sa grand-mère, absorbée par son tricot, semblait ne rien avoir remarqué mais tout autour d’elle, une poudre blanchâtre flottait dans l’air. Levant les yeux, elle aperçut son petit-fils à travers la poussière qui formait une fine brume et leurs regards se tournèrent machinalement vers le plafond, qui venait d’être retapissé. D’une étrange manière, la pluie de poudre ne tombait pas du plafond, qui était totalement dégagé, mais qu’elle surgissait du néant, à mi-hauteur de la pièce. Tout cela était étrange mais Sarah n’en fut pas effrayée mais déroutée. Comme elle ne trouvait aucune explication rationnelle au phénomène, la vieille dame décida d’aller consulter sa fille, Marie Kelly, qui habitait juste en face.
Quelques minutes plus tard elle revint, accompagnée de sa fille. La poudre continuait et elle formait maintenant une fine pellicule blanche sur les meubles. Stupéfaite, Marie la regarda voltiger pendant quelques minutes, puis elle suggéra de nettoyer mais au moment où elle entrait dans la cuisine, son pied glissa dans une énorme flaque d’eau qui s’étalait sur le plancher. Personne ne savait d’où elle venait. Marie prit une serpillière dans le placard sous l’évier et commença à éponger mais quelques instants plus tard, elle essorait la serpillière, quand soudain elle aperçut une autre flaque sur le linoleum. Elle se baissait pour la nettoyer quand une nouvelle flaque apparut un peu plus loin et Marie réalisa alors qu’elle n’y arriverait jamais. Les flaques se créaient plus vite que ce qu’elle pouvait les éponger. Comme le problème se trouvait forcément sous le linoléum, la jeune femme l’attrapa par un coin et commença à le tirer en arrière mais dessous, le plancher était parfaitement sec.
L’une de leur voisine, Enid Pritchard, était mariée au frère de Joe et quand elle entendit le vacarme, elle vint proposer son aide. Sans hésiter, Enid chercha le robinet sous l’évier et elle coupa l’arrivée d’eau, ce qui ne changea absolument rien au problème. Marie téléphona alors à l’Office des Eaux, leur expliquant que le numéro 30 subissait une inondation, et ils lui promirent d’envoyer quelqu’un immédiatement après le déjeuner.
Au moment où l’employé de l’Office des Eaux se présenta, la poudre avait cessé de tomber au salon et Sarah avait nettoyé la pièce. Par contre, les flaques d’eau apparaissaient toujours sur le sol de la cuisine.
L’homme souleva le linoléum, vérifia que le plancher était bien sec pour exclure toute possibilité d’une rupture de canalisation, puis il examina les drains et les tuyaux, en vain. Alors, l’air ennuyé, il leur suggéra que ce phénomène était peut-être du à de la condensation, vu que le temps était chaud et moite. Les trois femmes étaient bien trop polies pour lui dire ce qu’elles pensaient de cette idée et l’homme repartit en leur disant qu’il signalerait le problème à ses supérieurs. Une heure plus tard, les flaques d’eau cessèrent d’apparaitre.
Vers 19 heures, Sarah regardait la télévision quand soudain Phillip s’écria: » Grand-mère, ça recommence. » Dans la cuisine, la surface de travail près de l’évier était recouverte de sucre et de feuilles de thé séchées. Le distributeur semblait s’actionner de lui même, faisant pleuvoir le thé. Ils restèrent immobiles un moment, sidérés, à regarder le bouton aller et venir, puis Sarah cria: » Arrêtez ça! » et un grand bruit résonna dans le couloir. Ils se se regardèrent, effrayés à l’idée que quelqu’un se soit introduit dans la maison mais quand ils ouvrirent la porte, personne ne se cachait derrière. Puis, alors qu’ils s’avançaient dans le couloir, la lumière s’alluma et ils découvrirent qu’une plante en pot avait été projetée dans les escaliers menant au premier.
Au même moment, dans la cuisine, l’armoire à vaisselle se mit à trembler et à vibrer, comme si quelqu’un était enfermé à l’intérieur et essayait d’en sortir. Phillip s’approcha, ouvrit brusquement la porte et immédiatement, les vibrations cessèrent. Puis un nouveau bruit résonna, quelque part dans la maison, et Sarah décida d’aller chercher sa fille. Phillip, qui n’avait aucune intention de rester seul dans la maison, la suivit.
Dès que Marie pénétra dans la cuisine, elle comprit qu’ils n’avaient rien imaginé. L’armoire à vaisselle tremblait encore, les tasses et les assiettes cliquaient et des coups retentissaient, semblant venir de nulle part. Puis brusquement, toutes les manifestations cessèrent. Ils discutèrent un moment et avant de partir, Marie leur proposa de venir chez elle si jamais quelque chose d’autre arrivait pendant la nuit. Phillip monta se coucher et avant de gagner sa chambre, sa grand-mère s’arrêta pour lui souhaiter bonne nuit. Comme elle l’embrassait, soudain elle remarqua que le jeune homme regardait par dessus son épaule, les yeux écarquillés. Dans un coin de la pièce, l’armoire chancelait et se balançait comme un homme ivre. Sans hésiter, Sarah demanda à Phillip de s’habiller et ils coururent se réfugier chez Marie. Là, la jeune femme leur installa des lits de camp et ils s’endormirent rapidement, épuisés.
Vic Kelly, qui était marié à Marie, avait perdu toute envie de dormir, tout comme sa femme. Au début, il avait pensé qu’il y avait une explication naturelle à leurs problèmes mais maintenant, il croyait qu’il leur fallait de l’aide. Il téléphona au poste de police, raconta son histoire et dix minutes plus tard, une voiture se garait devant chez eux. L’inspecteur Taylor et les deux agents en uniforme qui l’accompagnaient fouillèrent méthodiquement la maison, regardant chaque chambre, inspectant sous les lits, cherchant des signes d’effraction, mais tout était normal. Après le départ des policiers, Vic et Marie marchèrent un moment dans la rue, discutant des événements, et soudain Vic s’écria: » Et qu’en est-il de ton ami M. O’Donald? Il s’intéresse aux fantômes n’est-ce pas? «
Après avoir écouté leur histoire, M. O’Donald les suivit sans hésiter. Pour un enquêteur du paranormal, la situation semblait prometteuse. En pénétrant dans la maison, ils furent accueillis par une explosion d’air glacé. Ils avaient l’impression de marcher dans un réfrigérateur. Mais alors qu’ils espéraient quelque manifestation, le fantôme refusa de se montrer. Pendant qu’ils attendaient, assis dans le salon, M. O’Donald leur expliqua la différence entre les fantômes et les poltergeits, qui étaient des manifestations de l’esprit de quelqu’un, probablement celui de Phillip dans cette affaire, et Vic s’exclama: » Dans ce cas, nous perdons notre temps assis ici. Il est dans notre maison. » M. O’Donald acquiesça et tout le monde se dirigea vers la porte. Avant de prendre congé, l’enquêteur leur signala qu’en général, les poltergeists faisaient des choses amusantes et qu’ils aimaient particulièrement déchirer les photos. Ils étaient en train de fermer la porte derrière eux quand soudain, ils entendirent un bruit de verre. La photo de mariage de Jean et Joe avait été sortie de son cadre et lacérée d’un côté à l’autre. Apparemment, l’entité avait entendu M. O’Donald et elle possédait un certain sens de l’humour.
Quand Sarah et Phillip retournèrent dans la maison le lendemain après-midi, tout était calme. Le samedi, Joe et Jean rentrèrent de voyage et ils leur expliquèrent les événements des jours précédents. Joe les écouta avec surprise, soupçonnant quelque exagération, quand soudain trois coups puissants retentirent. Au même moment, les cadres des fenêtres se mirent à cliqueter sous le souffle d’un vent glacé puis le silence s’abattit brusquement sur la maison et la température revint à la normale. L’entité venait de les saluer, mais c’était loin d’être un adieu.
Deux années s’étaient écoulées. Phillip avait quitté l’école, il travaillait dans le magasin de son père et Diane était devenue une ravissante jeune fille. Sarah, qui avait soixante-douze ans, passait la plupart de ses week-ends chez sa fille. Peut-être l’approche du mois d’août lui rappelait-elle le passé car juste avant, elle recommença à parler de la hantise mais Joe, qui trouvait le sujet lassant, entreprit immédiatement de la décourager.
Jean avait décidé de redécorer la chambre de Diane. Un après-midi où elle y travaillait, elle s’interrompit un moment pour faire du thé mais alors qu’elle le buvait en compagnie de sa mère, cette dernière relança le sujet: » Je n’arrête pas d’entendre des bruits. «
Jean lui répondit qu’elle était dans la maison pratiquement tout le temps, et que pourtant, elle n’entendait rien mais sa mère semblait s’entêter: » Tu n’as pas entendu quelque chose alors? » Non, lui répondit sa fille, avait de sortir dans le couloir. Soudain, elle se figea. Au pied de l’escalier, se trouvait son couvre-lit. Elle était sure qu’il n’y était pas dix minutes auparavant et les deux femmes étaient seules dans la maison. Jean ramassa le couvre-lit et le monta à l’étage mais quelques instants plus tard, il y eut un grand fracas. Regardant en bas des escaliers, elle aperçut une couverture, celle du lit de Phillip cette fois. Non loin de cette couverture, des pots de fleurs avaient été renversés sur le tapis. Il y avait de la terre partout. Dans la cuisine, Sarah était en larmes: » Je te l’avais dit. Ça recommence. «
Peut-être était-elle angoissée par les incidents de la journée où peut-être était-elle incommodée par la chaleur, mais cette nuit-là, Jean n’arrivait pas à dormir. Elle se glissa hors du lit et sortit de la pièce. Tout était silencieux mais étrangement, le couloir était glacial. Soudain, dans la pénombre, il lui sembla apercevoir quelque chose du coin de l’œil, une chose qui se balançait et bruissait. Elle alluma la lumière et au même moment, un pinceau rasa son visage, le manquant de quelques millimètres. Puis un sceau de pâte explosa contre le mur d’en face, dispersant son contenu sur le tapis, et un rouleau de papier peint qui était appuyé contre le mur se redressa, se balançant comme un cobra. Personne ne le tenait. Rassemblant son courage, Jean avança et tenta de l’attraper mais dès qu’elle l’effleura, le rouleau s’effondra sur le sol, inerte.
Au même moment, un balai mécanique s’éleva dans les airs et commença à se balancer comme un club de golf. Jean aurait voulu crier, mais en était incapable. Elle s’écroula à genoux et parvint à se glisser jusqu’à sa chambre à quatre pattes. Un rouleau de papier peint la suivait. En passant, il heurta la porte et Jean se mit à crier. Immédiatement, Joe s’assit sur son lit et cria: » Qu’est-ce qui se passe? » Phillip et Diane sortirent précipitamment de leurs chambres mais alors qu’ils se tenaient dans le couloir, des pinceaux et autres ustensiles commencèrent à voler autour d’eux. Une brosse frappa violemment l’épaule de la jeune fille, mais de manière surprenante, elle la sentit à peine.
Puis l’entité se déplaça dans la chambre de Diane. Phillip, regardant par la porte, vit la corniche de bois qui se trouvait au dessus de la fenêtre être arrachée du mur et voler par la fenêtre. Brusquement en colère, Joe se leva et fit claquer la porte de la chambre. De l’intérieur, des bruits sourds et des martellements leur parvenaient. Diane passa la nuit dans la chambre de ses parents, qui fermèrent leur porte à clef. Bien évidemment, il s’agissait d’une mesure illusoire mais elle leur donnait un sentiment de sécurité.
La famille Pritchard allait passer neuf mois en compagnie du fantôme et pendant cette période, ils allaient apprendre à le connaitre. Ils l’avaient surnommé M. Personne et en dépit de la nature angoissante de ses perturbations, ils s’installèrent peu à peu dans une sorte de routine. M. Personne ne se montrait que rarement en journée. Le phénomène débutait souvent en soirée, par une série de coups qui ressemblaient à ceux qu’aurait fait un enfant sur un tambour. Généralement, des objets volaient et des lumières s’éteignaient. Comme il s’amusait parfois à couper le compteur électrique Jean avait tenté de le bloquer avec du ruban adhésif mais une demi-heure plus tard, la maison s’était retrouvée brusquement plongée dans l’obscurité. Quand au morceau de ruban, il avait tout simplement été arraché.
Peu de temps après le début des manifestations, Phillip proposa d’exorciser l’esprit et tous trouvèrent son idée géniale. Vic Kelly appela un pasteur local, le révérend Davy, qui lui expliqua qu’il ne pouvait pas effectuer un exorcisme immédiatement car il avait besoin d’une autorisation de l’évêque. En outre, comme dans certains cas, les exorcismes étaient accusés de faire empirer les choses, l’évêque pouvait refuser. Néanmoins, il lui promit de le rappeler le jeudi suivant, à 19h, et toute la famille se sentit soulagée.
Quelques jours plus tard, le révérend vint leur rendre visite. Jean avait préparer des sandwichs et du thé et elle avait invité Marie, Vic et Kelly. En attendant que M. Personne se décide à apparaitre, ils discutaient des manifestations, parlaient d’exorcisme, mais rien ne semblait se passer, même pas un petit coup sur un mur. Au bout d’une heure et demi le révérend regarda sa montre, puis il déclara qu’il devait rentrer chez lui. Jean s’excusa de l’avoir fait venir pour rien mais alors qu’elle parlait, soudain s’élevèrent de grands coups du premier étage et un petit chandelier sauta de la cheminée au sol. Comme le révérend regardait pensivement le chandelier, émettant quelques doutes quand à la nature surnaturelle de sa chute, l’autre chandelier se souleva du rebord de la cheminée, flotta jusqu’au visage du vicaire, puis une une fois devant son nez, il tomba à ses pieds. Soudain, un vacarme effroyable s’éleva du salon et tous s’y précipitèrent. Dispersés sur toute la moquette, se trouvaient toutes les tasses, les soucoupes et les carafes du service en porcelaine de chine. Pourtant, aucune n’était cassée ni même fissurée.
Le révérend Davy en était maintenant convaincu: il y avait quelque chose de mauvais dans cette maison et il leur conseilla de quitter les lieux. Jean s’insurgea, demandant pourquoi elle partirait de sa maison pour un fantôme et le révérend la mit en garde, lui expliquant que parfois, ils pouvaient causer de réels dommages et pas seulement aux biens, mais aussi aux personnes.
Après le départ du révérend Davy, M. personne décida de se livrer à une petite démonstration de ses talents. Diane, qui voulait aller se coucher, se dirigeait vers son lit quand les lumières s’éteignirent. Elle se tenait là, debout dans la pénombre du couloir quand brusquement l’atmosphère devint glaciale et une ombre gigantesque commença à se dessiner sur le mur. La commode, un lourd meuble en bois de chêne, flottait dans les airs et se dirigeait vers elle. Affolée, la jeune fille trébucha en arrière, vers les escaliers, et le meuble fonça alors sur elle, l’épinglant au sol. Elle tenta de le repousser, mais il semblait peser une tonne. Fort heureusement, il ne reposait pas de tout son poids sur elle, sinon il l’aurait écrasée. Soudain, les lumières se rallumèrent et Diane se mit à crier. Ses parents et son frère se précipitèrent, tirant et poussant sur le meuble, mais rien ne semblait pouvoir le faire bouger. Diane gémissait. Sa mère lui conseilla de se détendre et peu à peu, la jeune fille parvint à se calmer. Brusquement, elle sentit un changement dans la force qui la maintenait et elle dit: » Essayez maintenant. » Ils tirèrent alors sur la commode, et parvinrent à la libérer.
Diane avait été particulièrement secouée par l’agression et elle était allée s’allonger de suite après. Elle venait tout juste d’éteindre la lumière quand ses couvertures se retrouvèrent brusquement arrachées du lit et projetées dans un coin de la chambre. La pièce était glaciale et bien que la lumière soit éteinte elle avait le fort sentiment que quelqu’un d’autre se trouvait avec elle. Soudain, son matelas se souleva dans les airs et Diane se retrouva sur le sol, le matelas sur elle. La scène avait duré une seconde et elle allait se reproduire à quatre reprises durant la nuit.
L’esprit qui hantait Pontefract semblait d’humeur changeante. Parfois il se montrait inventif, faisant pleuvoir de la poussière de craie, parfois il était destructeur, faisant dévaler l’horloge de grand-mère dans les escaliers, parfois il se montrait charmant, embaumant la pièce d’un parfum raffiné mais le plus souvent, il était bruyant. Les coups qu’il donnait étaient si forts et si frénétiques qu’ils pouvaient être entendus à plusieurs rues de là. En septembre 1968, les journaux locaux s’emparèrent de l’affaire. Dans leurs articles, ils décrivaient comment Diane avait été maintes fois jetée hors de son lit, la destruction de l’horloge et comment le micro avait été retiré du magnétophone de Phillip quand il avait tenté d’enregistrer les manifestations de M. Personne. Ils expliquaient aussi que la maison des Pritchard était devenue une attraction pour chasseurs de fantômes et que des inconnus frappaient à leur porte pour leur demander s’ils pouvaient passer la nuit à écouter le fantôme.
La maison était devenue célèbre. Un voisin avait entendu un chauffeur de bus la présenter comme la maison hantée à ses passagers. Un groupe d’étudiants avait demandé à Jean la permission de camper dans le jardin de devant, mais elle avait refusé. Quand il faisait chaud, les curieux se rassemblaient sur le grand rond point en face de la maison et ils dormaient sur l’herbe. Généralement, M. Personne les contentait, faisant retentir des coups et brisant des objets durant une partie de la nuit. Souvent, quand ils partaient travailler tôt le matin, les gens s’arrêtaient près de la clôture et écoutaient les manifestations du fantôme.
Peu de temps après, Jean rencontra l’une de ses connaissances, Rene Holdel, la sœur de Vic, dans High Street et se souvenant qu’elle avait la réputation d’être un peu médium, elle l’invita à venir observer les phénomènes.
Le jour suivant, Rene se présenta au domicile des Pritchard et Jean lui montra les ravages que l’esprit pouvait causer en quelques minutes. Le chaos régnait dans toutes les chambres. Les draps étaient en tas, les tiroirs avaient été ouverts, leur contenu dispersé et toutes les chaises étaient à l’envers. Hors, Jean avait rangé les trois chambres une demi-heure avant. Les deux femmes s’entendaient particulièrement bien et Rene allait assister à la plupart des événements des prochains mois.
Le samedi suivant, Jean avait invité Rene à passer la soirée avec elle. Les deux femmes se trouvaient dans la cuisine, elles faisaient des sandwichs au poulet, quand soudain les lumières s’éteignirent. Jean souligna: » Ça commence. «
Quelques instants plus tard, les lumières revinrent d’elles-mêmes, ce qui était étrange car d’habitude, ils devaient les rallumer. Les sandwichs et la théière furent placés sur un plateau et transportés au salon où les attendaient Phillip et Diane. Soudain, ils se retrouvèrent plongés dans la pénombre, puis une bourrasque sembla traverser la pièce, des objets commencèrent à léviter, la température chuta brusquement et un crépitement s’éleva de la fenêtre. Quand les lumières se rallumèrent, le salon était dans un état indescriptible. Les décorations et les coussins trainaient sur le sol, le plateau repas se trouvait toujours sur la table, mais vide et les sandwichs semblaient avoir complètement disparu. Inspectant la pièce, Rene finit par en découvrir deux cachés derrière le poste de télévision. L’un des deux montrait de monstrueuses traces de dents.
Le week-end suivant, les Pritchard invitèrent Rene à une soirée après quoi ils lui proposèrent de venir chez eux prendre un café. Mais alors qu’ils étaient au salon, M. Personne décida de donner son spectacle habituel: l’électricité fut brusquement coupée, les choses se mirent à voler et des coups répétés commencèrent à retentir dans la maison. Au même moment, Rene eut soudain l’impression que ses cheveux étaient remplis de minuscules créatures, comme si des fourmis couraient sur sa tête, et un coussin la frappa au visage. Quelques secondes plus tard, quand Joe ralluma le compteur, le salon avait été ravagé. Les objets décoratifs gisaient sur le sol, les chaises avaient été renversées et les photos avaient sauté des murs.
Rene fit alors une remarque pertinente. Les enfants souffraient de maux à l’estomac et ce problème semblait amplifier à chaque manifestation de l’esprit. Peut-être tirait-il son énergie des enfants. Ou de la rivière souterraine, qui passait sous la maison, tout était possible. Elle pensait qu’il serait intéressant de tenter de communiquer avec lui car les esprits aimaient souvent à s’exprimer, ce qui semblait être une bonne idée. Pour tenter d’entrer en contact avec lui, ils s’installèrent dans le hall et, se tenant par la main, ils se concentrèrent, l’invitant à se manifester. L’esprit voulut bien leur répondre, mais pas vraiment de la manière dont ils l’espéraient. Le vent sembla souffler en haut des escaliers puis une pluie d’objets divers, des boites, de la literie, des décorations, des matelas, enfin tout ce qui pouvait bouger au premier étage, s’abattit sur eux. La réponse était claire: M. Personne n’avait aucune envie de leur parler.
Un soir de neige, Maud Peerce, la sœur de Joe, vint les visiter afin, disait-elle, d’étudier le poltergeist en personne. Elle pensait qu’il existait une explication logique à tous les phénomènes, et cette explication avait forcément pour noms Phillip et Diane. Quand elle soumit sa théorie, Joe lui répondit qu’elle ne savait pas de quoi elle parlait, ce qui ne sembla guère la convaincre.
Comme ils étaient assis à la cuisine, soudain la pièce devint glaciale, les lumières s’éteignirent et Jean comprit qu’il était là. La lueur rouge du four faisait juste assez de lumière pour leur permettre de voir ce qui se passait. La porte du réfrigérateur s’ouvrit, une bouteille de lait en sortit, traversa la pièce en volant et quand elle arriva au-dessus de Maud, elle s’inclina lentement, inondant la malheureuse de lait. Maud sauta sur ses pieds et se mit à crier. Pendant ce temps, Jean était arrivée jusqu’au placard sous l’escalier et elle avait remis la lumière. Pour Maud, qui était très énervée, cet incident prouvait la culpabilité des enfants: ils avaient éteint la lumière avant d’agir. Jean tenta de lui dire qu’ils étaient restés près d’elle tout le temps, puis, comme ses paroles n’étaient pas entendues, elle proposa à Maud de passer la nuit à la maison. Ainsi, elle verrait.
Maud prit son manteau, son chapeau et chercha ses gants autour d’elle. Ils avaient disparu. Jean lui conseilla de ne pas s’inquiéter: tout ce qui disparaissait était toujours retrouvé. Brusquement, les deux femmes se retrouvèrent plongées dans l’obscurité et il y eut un claquement violent. Maud en cria d’indignation et la lumière revint. Le contenu du réfrigérateur avait été éparpillé autour de la pièce, saucisses comprises. Phillip et Diane entrèrent alors dans la cuisine, et se mirent à rire, ce qui agaça passablement Maud qui demanda à Jean pourquoi elle ne fermait pas la porte du placard pour empêcher les enfants d’y accéder. Jean la regarda un moment, et secouant la tête, elle lui répondit: » Nous le faisons, mais ça ne fait aucune différence. » Après cet incident, M. Personne se montra discret pour le reste de la soirée.
Jean venait tout juste de s’allonger quand la lampe de chevet s’éleva dans les airs, flotta lentement à travers la pièce et sortit par la porte. Puis quelque chose se mit à bouger vers les escaliers. Quatre petites ampoules brillaient d’une lumière douce, flottant dans les airs. Deux semblaient danser en haut de la porte, deux en bas. Alors les mains apparurent et pendant quelques secondes, ils en restèrent pétrifiés. Une main se matérialisa au dessus de la porte, tandis qu’une autre surgissait en bas, à environ quinze centimètres du sol. Un examen plus approfondi leur permit de comprendre qu’elles portaient les gants de Maud.
Quand elle vit les mains gantées, Maud, qui était un membre actif de l’Armée du Salut, prit l’une de ses bottes et la jeta vers la porte en criant d’un ton accusateur: » Va-t-en! Tu es le mal! » et les mains disparurent. Jean, cynique, lui dit alors: » Penses-tu toujours que ce sont les enfants qui le font? «
Puis les gants réapparurent en flottant dans la chambre. L’un d’eux commença à leur faire des signes, comme s’il leur demandait de les suivre, mais personne n’osa s’y risquer. Alors le gant serra le poing et le secoua vers Maud de manière menaçante. En voyant ça, Maud se mit à chanter » Onward Christian Soldiers » et, moqueurs, les gants se mirent à battre la mesure. Jean ne put s’empêcher de sourire. Une fois la chanson terminée, Maud se tourna vers Jean et lui dit d’un air solennel: » Vous avez le diable dans cette maison. «
Le lendemain matin, Maud quitta la maison disant qu’elle n’y resterait pas pour tout l’or du monde. Quand à ses gants, Jean les retrouva bien plus tard mais quand elle voulut les lui rendre, Maud refusa d’y toucher. Elle les porta jusqu’au jardin avec une pince à charbon et les fit brûler.
Peu de temps après, M. Personne fit une démonstration de ses nouveaux talents. Un soir, alors que toute la famille se trouvait au salon, un œuf arriva en flottant dans les airs, passa par la porte et tomba sur le sol. Comme il explosait, la salle fut brusquement remplie d’une odeur merveilleuse, qui rappelait un jardin plein de fleurs. Jean se leva précipitamment, elle courut jusqu’au réfrigérateur, sortit tous les œufs, les mit dans une boite en bois et s’assit sur le couvercle d’un air de défi. Quand un nouvel œuf se matérialisa dans les airs et explosa comme une bombe parfumée, elle regarda dans la boite: un œuf manquait. Elle se rassit sur la boite jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’œufs. M. Personne pouvait dématérialiser les objets et les faire réapparaitre à sa guise.
L’esprit possédait son propre sens de l’humour, juvénile et destructeur. Comme Jean était particulièrement ordonnée et qu’elle réagissait à toutes ses provocations, il semblait prendre plaisir à tout déranger. Une nuit, à quatre heures, alors qu’un orage venait de la réveiller, elle découvrit, en sortant de la chambre, que les poignées des portes avaient été barbouillées de confiture et décorées de papier hygiénique. En bas de l’escalier, s’étalait un mélange de confiture et de moutarde. Joe lui dit de revenir dormir, lui assurant qu’il l’aiderait à tout nettoyer le lendemain matin, mais Jean ne put s’y résoudre.
Vic Kelly, qui était catholique, pensait toujours qu’un exorcisme était la réponse à leurs problèmes aussi un jour, décida-t-il d’en parler à son propre prêtre, le Père Hudson. Le prêtre, qui semblait mieux informé que certains de ses collègues, souligna que l’exorcisme n’était pas un remède infaillible contre les poltergeists et que parfois, il pouvait même aggraver leurs manifestations. De plus, avant d’agir, il devait demander une autorisation à l’évêque. Il proposa néanmoins à Vic de saupoudrer la maison d’eau bénite tout en disant quelques prières comme il l’aurait fait lui-même. Finalement, si cette chose pouvait être exorcisée, un profane pouvait le faire aussi bien qu’un prêtre.
Sitôt l’eau bénite en sa possession, Vic se précipita chez sa belle-sœur. Les sentiments de Jean étaient ambivalents. Elle pensait que l’esprit risquait de leur en vouloir pour cette tentative, mais elle ne pouvait empêcher son beau-frère, qui avait pris la peine de se renseigner et d’aller chercher de l’eau bénite, d’essayer. Vic dispersa quelques gouttes d’eau bénite dans chaque pièce de la maison, commençant par la cuisine, passant par le salon, qui semblait être le repaire de M. Personne, sans oublier les chambres, puis il redescendit et récita quelques prières. Jean se demandait combien de temps elle devrait attendre avoir de savoir si le rituel avait été efficace quand elle remarqua que de l’eau coulait sur les murs comme de petits ruisseaux. Apparemment, elle avait sa réponse: l’exorcisme était un échec.
La nuit suivante fut particulièrement éprouvante. Des coups retentirent jusqu’à cinq heures du matin, les meubles furent renversés, les couvertures arrachées et Diane se retrouva extirpée de son lit à maintes reprises. Le lendemain, Diane resta à la maison pour se reposer. En début d’après-midi, M. Personne lui accorda quelque répit et la jeune fille parvint à dormir quelques heures. Pourtant, il ne leur avait toujours pas pardonné leur audace et il comptait leur faire savoir.
Alors que Diane se tenait près de la cheminée, se peignant les cheveux devant un miroir, ce dernier commença doucement à glisser de la table et brusquement, une force invisible le projeta à travers la pièce. Il frappa Diane dans le bas du dos, si violemment qu’elle en eut le souffle coupé. Cependant, la jeune fille n’en fut pas surprise. Depuis quelques temps, quand quelque chose allait se passer, elle le sentait.
Sur la hotte de la cheminée, se trouvait un crucifix en laiton avec une image du Christ. Comme Diane se trouvait au centre de la salle, soudain le crucifix sauta sur l’étagère et vint se coller sur son dos. Quand elle tenta de l’enlever, l’opération se révéla impossible. Le crucifix était solidement attaché à elle, et rien ne sembler pouvoir les séparer. Prise de panique, elle se mit à crier: » Enlevez-moi ça! «
Un jour, Jean nettoyait la cheminée de la cuisine. Elle se trouvait juste en dessous du conduit de fumée quand soudain une pluie de clefs s’abattit sur sa tête. M. Personne avait rassemblé toutes les clefs de la maison. Joe et Jean identifièrent chacune des clefs, il y en avait 19 en tout, sauf une grosse clef un peu ancienne. Jamais ils ne découvrirent ce qu’elle ouvrait.
A partir de ce moment-là, M. Personne commença à se montrer. Il réserva à Jean et Joe l’honneur de sa première apparition. Une nuit, la porte s’ouvrit brusquement et une silhouette sombre apparut dans l’embrasure. L’homme semblait très grand, et il portait une capuche sur la tête. Mais dès qu’ils allumèrent leurs lampes de chevet, il disparut.
Mme May Moutain, qui possédait une maison mitoyenne, fut le témoin suivant. Le fantôme semblait considérer les deux maisons comme faisant parties de son domaine et des bruits de tambour résonnaient chez elle comme ils le faisaient chez ses voisins. Un matin, May faisait la vaisselle dans l’évier de sa cuisine quand soudain, elle sentit quelqu’un derrière elle. Elle n’avait entendu personne rentrer, aussi supposa-t-elle que c’était son neveu qui s’était glissé silencieusement jusqu’à elle pour la faire sursauter. Se tournant brusquement, elle se retrouva en face d’une grande silhouette vêtue d’un habit de moine, une capuche sur la tête. Sa position l’empêchait de voir son visage mais étrangement, May ne ressentit aucune crainte, juste de la curiosité. Un peu plus tard, M. Personne se montra brièvement à Rene sous la forme d’un homme vêtu d’une longue robe noire.
Durant cette période, il devint évident que l’esprit gagnait en puissance. Ses bruits de tambour étaient maintenant assourdissants et il avait ajouté de nouveaux sons à son répertoire. Il imitait des bruits de basse-cour et des ronflements. A la nuit tombée, Jean gardait une grande torche près d’elle en permanence mais souvent son ampoule grillait ou ses piles se vidaient quand elle avait besoin de s’en servir.
Et puis un soir, les phénomènes se firent plus violents. Diane se trouvait dans la cuisine, elle faisait du café quand les lumières s’éteignirent. Jean tâtonnait autour d’elle, à la recherche de sa torche, quand soudain elle entendit sa fille hurler. C’était le crépuscule, et il y avait encore assez de lumière pour pouvoir progresser dans la maison. Quand Jean et Phillip arrivèrent dans le hall, ils comprirent que Diane était trainée de force dans les escaliers, apparemment par la gorge. Ils se précipitèrent à sa poursuite et saisissant la jeune fille ils tentèrent de la tirer vers l’arrière. Elle hurlait de terreur. Phillip, en essayant de toucher l’invisible agresseur, parvint probablement à le perturber car il relâcha immédiatement son emprise. La gorge de Diane était couverte de traces de doigts rouges.
Durant la même période, Jean descendit un matin et s’aperçut que le tapis était imbibé d’eau. Sur toute sa surface, se trouvaient d’énormes empreintes de pieds. Un jour, Phillip et Diane étaient au salon, ils regardaient la télévision quand le jeune homme, regardant autour de lui, aperçut une silhouette se dessiner derrière la porte en verre dépoli qui séparait la salle à manger de la cuisine. Il ouvrit la porte juste à temps pour voir la grande silhouette de moine disparaitre dans le plancher de la cuisine.
L’un des amis de Joe, qui venait de rentrer d’Écosse, leur expliqua que les fermiers pendaient des gousses d’ail sur les portes et les fenêtres pour empêcher les esprits d’entrer et aussitôt Phillip se porta volontaire pour aller en acheter. Apparemment, la méthode fut efficace car les manifestations cessèrent aussi brusquement qu’elles avaient commencé. Durant son séjour, l’esprit avait endommagé les murs, fissurés les plafonds, détruit une horloge et brisé assez de vaisselle pour en remplir une caisse mais en dehors de cela, il n’y avait pas d’autres dommages. Diane avait été sa victime favorite, mais d’après elle, il n’avait jamais vraiment voulu lui faire de mal. Par la suite, elle avoua avoir vu d’autres choses, à d’autres moments de sa vie. A l’âge de six ans, elle avait aperçu une vieille dame vêtue de gris devant la porte de la chambre de sa mère et durant son adolescence, elle avait vu deux femmes habillées de crinolines flotter sur l’herbe du parc d’un hôpital voisin.
Au cours de ces mois de hantise, l’un des amis des Pritchard, Alan Williams, leur avait signalé que leur maison semblait être entourée d’un faible halo lumineux, ce que leur avait confirmé un voisin. Cette lueur était probablement due à M. Personne car de son apparition, en août 1968, à sa disparition, en mai 1969, leurs factures d’électricité s’étaient retrouvées divisées par deux.
Dix ans plus tard, Tom Cunniff, un jeune homme passionné d’histoire, entendit parler du poltergeist de Pontefract et il se demanda s’il avait un lien avec le prieuré qui avait existé de 1090 à 1539. Au cours d’une discussion avec les Pritchard, Jean lui apprit que l’un de leurs voisins avait trouvé à la bibliothèque municipale un livre qui mentionnait qu’un moine avait été pendu pour le viol d’une jeune fille à l’époque d’Henri VII. Quelques recherches lui avait permis de découvrir que sa potence avait été érigée au sommet de la colline où il se trouvaient, et que leur maison avait été construite sur le site d’un ancien pont, le Pont du Prêtre. Malheureusement, il n’existe aucune preuve historique qu’un moine de Pontefract ait jamais été pendu pour viol et si l’histoire est entrée dans la légende, le Moine Noir de Pontefract garde toujours ses secrets.
Source: Poltergeist A Classic Study in Destructive Hauntings by Colin Wilson.