La ville de Bodie, en Californie, est abandonnée depuis bien longtemps mais si ses rues poussiéreuses et ses maisons de bois semblent désertes, elles ne le seraient pas vraiment.
L’Histoire de Bodie
» Une mer de péchés, fouettée par les tempêtes de la luxure et de la passion. «
Révérend Warrington, 1881
En 1859, en Californie, quatre prospecteurs, parmi lesquels William S. Bodey, découvrirent de l’or sur les contreforts orientaux de la Sierra Nevada et ils établirent un camp à proximité du gisement. Les quatre hommes avaient décidé de garder le silence jusqu’au printemps suivant mais au mois de novembre, alors qu’il revenait de Monoville où il était allé chercher du ravitaillement, William Bodey se retrouva coincé dans une tempête de neige et jamais il n’en revint. Quelques mois plus tard, une ville fut créée, qui devait porter le nom du disparu, mais comme personne ne savait vraiment comment il s’écrivait, Bodey se transforma en Body, puis en Bodie, et ainsi fut baptisé l’endroit.
En 1861, une mine fut officiellement ouverte, qu’une vingtaine de mineurs vinrent travailler. Pour une mystérieuse raison, alors que les chercheurs d’or rejoignaient en nombre d’autres villes minières, très peu choisissaient de s’installer à Bodie. En 1877, quatre hommes achetèrent la mine, formant la Standard Consolidated Mining Compagny, et ils en furent bien inspirés car peu de temps après un monstrueux éboulement s’y produisit, qui révéla une importante veine d’or. La nouvelle se répandit rapidement et certains, qui rêvaient de fortune, se précipitèrent à Bodie, qui connut alors une brusque expansion. Durant l’hiver 1878, qui fut particulièrement dur, le froid et la maladie décimèrent la population, prenant des centaines de vie mais ne décourageant personne car malgré ces conditions difficiles, l’année suivante, plus de 10 000 hommes et femmes arpentaient la poussière des rues, le cœur plein d’espoir.
De nombreux migrants s’installèrent alors autour du lac Mono et les éleveurs connurent un grand succès. Un hebdomadaire fut lancé, puis une ligne de télégraphe vint relier la ville à la civilisation, et tous les journaux de la région s’accordèrent à dire que Bodie était promise à la postérité. Au cours des années suivantes, la ville continua à grandir et à son apogée elle pouvait se vanter de proposer soixante-cinq saloons, de nombreuses maisons closes, des salles de jeux et un certain nombre d’entreprises plus respectables, parmi lesquelles trente mines d’or, plusieurs hôtels, des restaurants, des magasins généraux, des salles de danse, trois journaux, deux banques, une école, une prison, un cimetière, une morgue et quatre compagnies de pompiers volontaires. Dans la rue principale, qui faisait 1,5 kilomètres de long, se trouvait également le Miners Union Hall, qui servait de lieu de rencontre aux syndicats et de centre de divertissement à la ville, accueillant des bals, des concerts, des pièces de théâtre et des récitals scolaires. Neuf usines fabriquaient des lingots d’or, qui étaient expédiés à Carson City sous la surveillance attentive d’hommes silencieux armés de fusils de chasse à canon scié.
L’odeur de l’argent avait attiré dans une ville une foule d’individus peu recommandables, qui effrayaient les honnêtes citoyens et animaient les rues: » Outre les hommes d’affaires, les professionnels, les opérateurs de mines, les mineurs etc., il y avait des centaines de propriétaires de saloons, des centaines de joueurs, des centaines de prostituées, de nombreux chinois, un nombre considérable de Mexicains, et un nombre inhabituel de ce que nous avons l’habitude d’appeler de mauvais hommes, des desperados, des personnages violents en tout, qui vivaient par le jeu, les armes, le pillage et autres moyens douteux. Le Mauvais Homme de Bodie était une expression courante au temps du Far West. Dans ses grands jours, Bodie était plus largement connue pour son anarchie que pour ses richesses. » Smith, 1925. Les barrages, les fusillades, les meurtres, et les hold-up faisaient partie du quotidien de la ville, dont la réputation était si abominable qu’une fillette, apprenant que sa famille devait déménager à Bodie, aurait dit dans ses prières » Au revoir Dieu, nous allons à Bodie. «
A l’extrémité nord de la ville, se trouvaient les maisons closes, toutes réunies dans un même quartier. L’histoire raconte que lors d’une grave épidémie, Rosa May, une prostituée, vint en aide aux malades et qu’elle en sauva un grand nombre. Malheureusement, aux yeux de ses concitoyens son abnégation ne racheta en rien ses fautes car lorsqu’elle mourut son corps fut enterré en terre impie, à l’extérieur des grilles du cimetière.
La construction des puits de mine demandait énormément de bois et comme les rares arbres de la région ne suffisaient pas à assurer les besoins de la ville plusieurs hommes d’affaires décidèrent de créer la Bodie & Benton Railroad, uniquement dans le but d’acheminer du bois, du bois de chauffage et du bois de mine à Bodie. A cette époque, la plupart des entreprises de chemins de fer de l’Ouest des États-Unis embauchaient de la main-d’œuvre chinoise qu’ils payaient une misère, et la Bodie & Benton Railroad ne fit pas exception, ce qui provoqua un certain émoi parmi les plus désœuvrés. Plusieurs centaines de chinois s’installèrent alors dans un même quartier, construisant un temple taoïste et de nombreuses fumeries d’opium.
En 1880, de nouveaux gisements miniers prometteurs furent découverts dans différents états, attirant les aventuriers loin de Bodie. Certaines sociétés minières, parmi les plus modestes, firent alors faillite, ce qui entraîna une nouvelle vague de départs, et la population s’effondra. Bodie, qui ne comptait plus que 3000 habitants, devint alors une ville des plus tranquille. Deux églises furent construites, une méthodiste et une catholique, pour le Révérend Hinkle et le Père Cassin qui assuraient jusque là leurs offices dans des bâtiments privés.
En 1887, les principales mines de la ville fusionnèrent ensemble, et elles continuèrent à fonctionner avec succès durant les deux décennies suivantes. Au début des années 1890, Bodie connut une courte renaissance, les progrès technologiques contribuant à soutenir l’activité de la ville, puis en 1892, la société Standard Mining, qui était toujours présente, construisit une centrale hydroélectrique, qui fut ravagée par un incendie en 1898, et même si elle fut reconstruite l’année suivante, deux ans plus tard la population de Bodie n’était plus que de 698 personnes, en majorité de vieilles familles qui résistaient comme elles le pouvaient à l’appel d’une vie meilleure.
La plupart des mines étaient contrôlées par James Stewart Cain, qui était arrivé à Bodie à l’âge de 25 ans et qui avait lancé une affaire, transportant du bois sur des barges à travers le lac Mono. Son entreprise avait eu tellement de succès qu’il avait acheté la banque, l’usine de la Standard Mining et les chemins de fer, devenant ainsi le plus grand propriétaire de la ville. Malheureusement rien ne semblait pouvoir arrêter le déclin de Bodie et en 1916 James Cain dut se résoudre à fermer l’usine et les chemins de fer.
La ville agonisait, et durant la dépression, elle finit de mourir. Certaines mines continuèrent néanmoins à être exploitées, les mineurs se servant de cyanure pour extraire de l’or de vieux résidus, mais elles n’affichaient plus que de faibles profits. En 1932, un enfant de deux ans et demi jouait avec des allumettes quand il déclencha un incendie dévastateur qui ravagea une grande partie du quartier des affaires, poussant les plus courageux à partir. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, quand la dernière mine fut fermée, six habitants restaient encore à Bodie, dont la plupart allaient mourir dans d’étranges circonstances. La légende raconte qu’un jour, un homme assassina sa femme en lui tirant dessus et que pour venger sa mort, trois des habitants de la ville tuèrent le mari. Peu de temps après, l’esprit du mari vint visiter les trois hommes, leur apparaissant sous la forme d’un fantôme et menaçant chacun d’eux de son poing. Suite à cette expérience, ils périrent tous les trois, le corps dévoré par un mal mystérieux. Des vandales commencèrent alors à se montrer, et la famille Cain, qui possédait toujours une grande partie de la ville, engagea des gardiens pour la protéger.
A la fin des années 40, Bodie était une ville fantôme que les touristes visitaient déjà, curieux de son histoire. Elle resta abandonnée pendant des années, se détériorant dans l’indifférence générale, puis elle devint la propriété du State Historic Park et en 1964, des travaux furent entrepris pour protéger les 168 bâtiments restants et le cimetière. De nos jours, un garde forestier et des membres du personnel occupent certaines des vieilles maisons de la ville afin de garder Bodie en état, quelques uns y habitant en permanence et d’autres qui se relayant. Un musée a été ouvert dans l’ancien Miners Union Hall, qui sert également de boutique de souvenirs, et de nombreux passionnés viennent régulièrement visiter la ville qui est présentée comme hantée et maudite.
La Hantise
» Une ville fantôme qui est vraiment une ville fantôme. » (Myers, 1990)
Bodie connait de nombreuses histoires de hantise et son activité paranormale est réputée comme effrayante, même pour les plus aguerris des enquêteurs du paranormal. Les plus populaires de ces histoires concernent la maison de Jim Cain, qui serait particulièrement animée. D’après la légende, M. Cain avait engagé une jeune chinoise comme domestique, mais peu de temps après des rumeurs s’étaient répandues dans la ville qu’elle était sa maîtresse, et il l’avait congédiée. Déshonorée, la jeune femme ne serait jamais parvenue à retrouver du travail, et elle aurait fini par mettre fin à ses jours.
Selon certains, l’esprit de la malheureuse hanterait toujours la maison de son prétendu amant, et elle serait responsable de la plupart des incidents. Elle serait apparue à des enfants dans leur chambre à coucher du deuxième étage, et elle aurait affolé la femme d’un garde forestier: » Je me suis couchée dans le lit avec mon mari dans la chambre du rez-de-chaussée et j’ai senti une pression sur moi, comme si quelqu’un se trouvait juste au-dessus de moi. J’ai commencé à me débattre. Je me suis débattue si fort que j’ai fini sur le sol. Ça m’a vraiment effrayée. «
Gary Walters, un garde forestier, aurait rapporté la même expérience, qui l’aurait laissé suffocant, et la fille d’un ranger aurait été victime d’un étrange incident. Un soir, alors qu’elle venait de se glisser dans son lit, les lumières de sa chambre, qu’elle avait préalablement éteintes, se seraient brusquement rallumées. La jeune fille se serait alors relevée, les aurait éteintes à nouveau, mais inexplicablement, les lumières se seraient rallumées d’elles-mêmes. Après avoir répété la même manœuvre un certain nombre de fois, elle se serait enfuie de la pièce en larmes, criant aux fantômes de la laisser tranquille.
D’autres phénomènes inexplicables pourraient parfois être observés dans l’ancienne maison de Jim Cain, comme le son d’une musique ou des bruits étranges dans une certaine chambre, le visage d’une femme à une fenêtre du deuxième étage, des portes qui s’ouvrent ou se ferment d’elles-mêmes etc…
Une autre bâtisse, la maison Mendocini, est réputée ses esprits conciliants, ses rires d’enfants et ses odeurs de cuisine italienne. Un rôdeur, qui avait trouvé refuge dans le bâtiment, aurait connu une singulière expérience. Il rapporta qu’un jour, alors qu’il lisait, du bruit s’était élevé à l’extérieur, laissant penser à une fête. Intrigué, l’homme était sorti de la maison, mais une fois dehors les bruits avaient gagné en intensité, semblant venir de l’intérieur. Il était alors retourné dans la maison, qu’il avait trouvé déserte, et comprenant qu’il avait affaire à des esprits, il leur avait demandé le silence. Alors brusquement, le calme serait revenu.
Au cimetière de Bodie, il est une petite statue de marbre blanc, » L’Ange de Bodie, » qui surplombe la sépulture d’un enfant de trois ans qui aurait été tué accidentellement d’un coup à la tête par un mineur. Un visiteur, qui se trouvait devant la tombe avec sa petite fille, raconta que sa fille riait et jouait, apparemment avec une entité invisible. A la maison Dechambeau, une femme regarderait parfois d’une fenêtre de l’étage et un peu partout dans la ville des objets se déplaceraient tout seuls, témoignant de la présence de ses anciens habitants. Mais si tant d’esprits sont supposés se manifester à Bodie, ils ne le feraient pas sans raison.
La Malédiction de Bodie
Autrefois, il n’existait pas d’entreprise de déménagement dans la région et quand les gens décidaient de partir de Bodie, ils laissaient la plupart de leurs biens derrière eux. Ils emballaient simplement ce qu’ils pouvaient emporter dans leur charriot ou dans leur camion, et ils abandonnaient le reste. De ce fait, de nombreux bâtiments contiennent encore certaines de leurs affaires, donnant l’étrange sentiment que le temps s’est arrêté juste après leur départ. La légende rapporte que les esprits des anciens habitants de Bodie protègent les vestiges de la ville, veillant jalousement sur leurs biens. Si un imprudent ose emporter un souvenir de la ville lors de sa visite, ne serait-ce qu’un caillou, alors la Malédiction de Bodie s’acharnerait sur lui jusqu’à ce que l’objet retourne à sa juste place.
» Les habitants de Bodie étaient farouchement possessifs de ce qu’ils avaient construit dans ce désert aride, et il est dit que les esprits morts depuis longtemps veulent que tout reste intact. Selon la légende, quiconque enlève quoi que ce soit de grand ou de petit à la ville est maudit par la malchance. Le malheur et la tragédie s’abattent alors sur la victime jusqu’à ce que l’objet volé soit rendu. Certains prétendent que les fantômes de Bodie patrouillent dans les tas de ruines pour se prémunir contre les voleurs. » (Beyond, 2000)
Selon le garde forestier J. Brad Sturdivant, les anciens visiteurs reviennent souvent à Bodie pour y rapporter les vieux clous et autres souvenirs liés à la ville qu’ils ont emportés, espérant ainsi se débarrasser de la malédiction. Cependant, tous n’ont pas le courage d’affronter le courroux des esprits et la plupart des objets sont retournés dans des boites anonymes. Parfois, des lettres les accompagnent, qui témoignent du désespoir des victimes: » Nous recevons encore des lettres… Les gens disent: Je suis désolé d’avoir pris ceci, en espérant que ma chance va tourner. «
Les messages de ceux qui se pensent maudits sont conservées au musée de la ville, dans l’ancien Miners Union Hall. Ainsi témoignait un homme en 1994, qui s’adressait directement aux fantômes: «
Chers Esprits de Bodie,
Je suis désolé! Il y a un an environ, le 4 juillet, je visitais la ville fantôme. J’y étais allé plusieurs fois auparavant, mais j’avais toujours suivi les règles. Ce voyage était différent, j’ai ramassé quelques articles ici et là, et je les ai ramenés à la maison. Cette année, j’y suis retourné, et alors que j’étais au musée, j’ai lu les lettres des autres personnes qui avaient ramassé des choses et avaient eu de la malchance. Alors l’ai commencé à penser à l’accident de voiture, à la perte de mon travail, à ma maladie permanente et aux autres mauvaises choses qui ont hanté l’année écoulée depuis ma visite et ma violation. Je ne suis généralement pas superstitieux mais… S’il vous plait, trouvez ci-joint les objets de collection sans lesquels » je ne pouvais pas vivre » et faites remarquer aux esprits mon grand regret.
Signé: Quelqu’un avec une conscience coupable. «
Il serait intéressant de savoir si la qualité de vie de ce malheureux s’est améliorée par la suite, mais l’histoire ne le dit pas. Les témoignages de ce genre sont nombreux et il est déconseillé, si vous visitez Bodie, d’emporter un souvenir. Ne serait-ce que pour éviter le courroux des gardes-forestiers…
Sources: CSI et autres.