Le 9 décembre 1904, à Hexham, en Angleterre, un loup s’attaqua à un troupeau de moutons. Des hommes le poursuivirent sur plusieurs kilomètres, mais il parvint à s’échapper. Le lendemain, The Hexham Courant, un journal local, publia un article au titre inquiétant : Un Loup au large d’Allendale. « Les agriculteurs du village d’Allendale, près d’Hexham, ont rapporté que les pertes affectant leur bétail étaient si graves que beaucoup faisaient rentrer leurs moutons à l’écurie la nuit pour les protéger. Un berger a découvert que deux de ses bêtes avaient été attaquées. Les entrailles de l’une sortaient de son ventre et tout ce qui restait de l’autre étaient la tête et les cornes. De nombreux moutons ont été mordus au cou et aux pattes, dans ce qui ressemble aux attaques d’un loup. »
Le même jour, l’animal revint rôder dans les alentours, et un groupe de volontaires sortit le chasser en vain. Le loup du capitaine Bainde, de Shotley Bridge, qui s’était enfui de sa propriété, fut un moment soupçonné, mais il n’avait que quatre mois et il était incapable de dévorer des moutons entiers. L’hystérie commença alors à gagner les esprits. Les femmes et les enfants reçurent pour consigne d’éviter les chemins peu fréquentés et de regagner leurs maisons avant le crépuscule, et des lanternes furent allumées et maintenues toute la nuit pour effrayer la bête. Les jours suivants, les attaques continuèrent.
Le 15 décembre, les Haydon Hounds, une célèbre meute de chiens de pistage dirigée par le limier Monarch, tentèrent de suivre sa piste sans y parvenir. De nouvelles carcasses sanglantes furent néanmoins retrouvées, suggérant qu’il rôdait toujours dans les environs. Le 20 décembre, les éleveurs de la région se réunirent, et une récompense de cinq livres sterling fut offerte pour la peau du loup. Le 29 décembre, deux hommes le traquèrent, mais il parvint à s’enfuir en bondissant par-dessus un mur. Le lendemain, des témoins le virent attaquer une brebis noire, la poussant à sauter dans un ravin. Le 31, des femmes et des enfants, qui l’avaient croisé sur leur chemin, l’effrayèrent de leurs cris affolés. De nombreux témoins avaient maintenant vu le loup, mais étonnamment, personne n’était d’accord sur sa couleur. Certains le décrivaient comme noir, d’autres cuivré, d’autres gris foncé, d’autres gris clair, etc. Les habitants de la ville mirent alors en place un comité spécial, le Comité du Loup d’Hexham, et ils organisèrent de nombreuses battues. Le loup fut repéré à plusieurs reprises, mais il réussit toujours à échapper à ses poursuivants et à leurs balles.
Les membres du comité engagèrent alors M. W. Briddick, un pisteur indien réputé. Interrogé par le Newcastle Evening Chronicle, M. Briddick déclara qu’il retrouverait le loup d’Allendale en se servant de la science. Cependant, malgré son expérience et ses grandes prétentions, il fut incapable de tenir sa promesse. « De façon surprenante, » rapporta-t-il, « le loup ne laisse aucune trace ni odeur sur son passage. »
Le 7 janvier 1905, des poseurs de rail découvrirent la carcasse d’un loup coupé en deux par un train, à environ quarante-huit kilomètres à l’ouest du Hexhamshire. Ils l’enterrèrent, mais après avoir discuté avec le chef de la gare de Cumwhinton, ils sortirent son corps de terre et le ramenèrent en ville. Dès qu’il apprit la nouvelle, le capitaine Bain se précipita sur place, mais l’animal était bien trop âgé pour être le sien. De nombreuses personnes commencèrent alors à se rassembler pour voir le monstre, qui étaient devenu une célébrité, certains allant même jusqu’à proposer quarante livres pour emporter sa tête comme trophée. Bien évidemment, toutes leurs offres furent rejetées. A la place, le cadavre fut envoyé à l’inspecteur des travaux de chemin de fer de Midland, la ligne où il avait été trouvé, afin d’être exposé dans une salle de réunion de Derby. Le même jour, The Hexham Courant rapporta que le loup de Cumwinton n’était pas le même que celui d’Allendale. Des preuves avaient été apportées au comité, qui ne laissaient aucune place au doute : l’animal était toujours en fuite.
Au cours de la même période, un journal londonien, The Bystander, parla du massacre continuel perpétré par le loup d’Hexham. La presse locale rapporta prudemment des extraits de l’article, sans le confirmer ou l’infirmer. Le 21 janvier, les journaux locaux signalèrent que des chiens avaient été envoyés dans les bois, mais que le gel les avait empêchés de suivre la piste du loup, et que la chasse avait été avortée. Cependant, ils soulignaient que l’animal avait été vu par de nombreux témoins, dont un facteur. Au fil du temps, les attaques commencèrent à se raréfier, et la presse se désintéressa du loup… jusqu’à l’hiver 1971.
Un après-midi du mois de février 1971, Colin Robson, onze ans, arrachait les mauvaises herbes dans le jardin de ses parents, au 3 Rede Avenue, à Hexham, quand il découvrit une petite pierre ronde de la taille d’une balle de tennis. Intrigué, il essuya sommairement la terre qui la recouvrait, et un visage aux traits grossièrement sculptés apparut. Colin appela aussitôt son frère cadet, Leslie, qui le regardait par la fenêtre de sa chambre, pour lui montrer sa trouvaille. Les deux garçons commencèrent alors à ratisser le jardin dans l’espoir d’en trouver d’autres, et Leslie finit par en découvrir une lui-aussi. Vaguement sphériques, les deux têtes présentaient à la base du cou une sorte de saillie laissant à penser qu’elles étaient autrefois reliées à quelque chose, un corps ou un piédestal. La première avait des cheveux courts, plaqués vers l’arrière, et des traits plutôt masculins. De couleur gris-vert, elle était particulièrement lourde, bien plus lourde que du ciment ou du plâtre, et elle semblait enchâssée de petits cristaux de quartz. La seconde avait les yeux globuleux, un nez crochu, et ses cheveux, parsemés de traces jaunes et rouges, paraissaient attachés par quelque nœud. De l’avis des deux garçons, elle ressemblait à une sorcière.
Après avoir nettoyé les deux têtes, ils les emportèrent chez eux, et des phénomènes étranges commencèrent à se produire. La nuit, elles semblaient bouger toutes seules, se tournant d’un côté ou de l’autre de leur propre volonté. Des objets étaient retrouvés brisés, des bouteilles en verre explosaient, et des bibelots se fracassaient sur le sol. Un jour, alors qu’elle se trouvait dans sa chambre en compagnie de sa sœur, l’une des petites filles de la famille vit une pluie de petits morceaux de verre s’abattre sur son lit. Suite à cette mésaventure, les deux filles demandèrent à changer de chambre.
Une de leurs voisines, Mme Ellen Dodd, connut une expérience plus troublante encore. « J’étais allée dans la chambre des enfants pour dormir avec l’un d’eux, qui était malade. Mon fils de dix ans, Brian, n’arrêtait pas de me dire qu’il sentait quelque chose le toucher. Je lui ai demandé d’arrêter de dire des bêtises et brusquement, j’ai vu cette silhouette. Elle est venue vers moi et j’ai vraiment senti qu’elle me touchait les jambes. Puis, elle a quitté la pièce à quatre pattes. Horrifiés, nous nous sommes mis à hurler, mais la créature, mi-homme, mi-bête, a disparu dans les escaliers. » La nuit précédant l’incident, Mme Dodd avait entendu un fort craquement et des cris en provenance de la maison de la famille Robson. Elle était descendue au rez-de-chaussée, et elle s’était aperçue que sa porte d’entrée était grande ouverte. Le lendemain matin, elle en avait parlé à un voisin, qui avait lui-aussi remarqué les cris et les avait comparés à ceux d’un loup-garou. Terrifiés, Mme Dodd et ses enfants furent rapidement relogés par la municipalité.
Peu de temps après, des rumeurs, que les journaux locaux rapportèrent, se mirent à courir que les têtes étaient maudites. Les deux pierres, « Le Garçon » et « La Fille, » comme elles avaient été surnommées, furent alors confiées à l’abbaye d’Hexham pour y être examinées, puis au Musée des Antiquités de la ville, et finalement au Dr Anne Ross, experte en objets celtiques. Après les avoir étudiées, elle en conclut que les têtes devaient avoir dans les mille huit cents ans et qu’elles avaient probablement été utilisées lors de rituels celtiques.
Le Dr Ross, qui faisait collection d’objets anciens et qui possédait des têtes semblables, décida de les emporter chez elle pour les comparer aux siennes. Une fois arrivée, elle les déposa près des autres pièces de sa collection et elle alla se coucher sans plus y penser. Quelques jours plus tard, vers deux heures du matin : « Je n’ai pas fait le lien avec les têtes à ce moment-là. Nous gardions toujours une lumière allumée et les portes ouvertes car notre petit garçon était un peu effrayé par l’obscurité. De ce fait, il y avait toujours une certaine quantité de lumière dans notre chambre. Cette nuit-là, quand je me suis réveillée, j’ai eu très peur. En fait, je me suis sentie effrayée et j’ai eu terriblement froid. Il y avait une sorte de terrible atmosphère glaciale tout autour de moi. Quelque chose m’a poussée à regarder vers la porte, et comme je le faisais, j’ai vu cette créature sortir de la pièce. Elle faisait environ deux mètres de haut, légèrement voutée, et elle était noire sur la porte blanche. Elle était moitié-animal, moitié-homme. La partie supérieure, dirais-je, était celle d’un loup, et la partie inférieure était humaine. Elle était recouverte d’une sorte de fourrure noire très sombre. Je l’ai vue très clairement alors qu’elle sortait puis elle a disparu et quelque chose m’a poussée à courir derrière elle. Jamais je n’aurais agi ainsi de moi-même, mais je me sentais obligée de le faire. Alors je suis sortie du lit et j’ai couru. J’ai pu l’entendre descendre les escaliers, puis elle a disparu à l’arrière de la maison. Quand je suis arrivée en bas des escaliers, j’étais terrifiée. »
Quelques jours plus tard, le Dr Ross et son mari firent un voyage à Londres. A leur retour, ils découvrirent leur fille Berenice, qui était encore une adolescente, dans un état de panique extrême. En rentrant de l’école, elle avait vu une créature terrifiante. « Elle venait d’ouvrir la porte d’entrée quand une chose noire, qu’elle a décrit comme plus proche d’un loup-garou que d’autre chose, a sauté par-dessus la rampe pour atterrir avec une sorte de plop sur ses lourds pieds d’animaux, » rapporta sa mère. « Puis le loup-garou s’est précipité vers l’arrière de la maison et elle s’est sentie obligée de le suivre. Il s’est engouffré dans la salle de musique, à droite au bout du couloir, mais quand elle est arrivée là, il avait disparu. Alors soudain, elle s’est sentie terrifiée. »
Le loup-garou se montra un certain nombre de fois dans la maison, souvent dans les escaliers. Il descendait quelques marches, puis il sautait la rambarde et s’enfuyait dans le couloir. Parfois, le Dr Ross apercevait sa silhouette sombre, ou elle l’entendait courir sans le voir, et à plusieurs reprises, la porte de son bureau s’ouvrit sans raison apparente. Alors, comme elle avait entendu parler de la mésaventure de Nelly Dodd, elle finit par se demander si les phénomènes n’étaient pas reliés aux têtes de pierre.
Invitée sur le plateau de la BBC, elle raconta que sa maison de Southampton était hantée par un énorme loup-garou qui semblait avoir suivi les têtes depuis le nord-est de l’Angleterre. Elle rajouta que la créature qu’elle avait vue durant ces mois éprouvants était bien réelle, qu’elle n’était pas une ombre vague entrevue du coin de l’œil mais quelque chose de bruyant et que toutes les personnes qui étaient venues chez elle avaient senti sa présence maléfique. Elle rajouta que bien qu’il n’ait jamais pu l’observer directement, son mari avait été, lui-aussi, pleinement conscient de la présence de leur hôte indésirable, alors qu’habituellement il se montrait peu sensible aux phénomènes psychiques.
Après réflexion, elle décida de se débarrasser des deux pierres gravées, et pour plus de sûreté, elle mit également en vente toute sa collection. « Le jour où les têtes ont été enlevées de la maison, tout le monde, même mon mari, a dit que c’était comme si un nuage s’était dissipé. Depuis, il n’y a plus vraiment de manifestations. »
La collection de têtes celtiques du Dr Ross fut achetée par un collectionneur, et celles d’Hexham par le British Museum, où elles furent exposées pendant un temps. Malheureusement, les visiteurs s’en plaignaient tellement que le musée se retrouva dans l’obligation de les retirer de la salle d’exposition. Au cours de la même période, les pierres gravées furent analysées à plusieurs reprises, mais personne ne réussit jamais à les dater. Le professeur Frank Hodson, de l’Université de Newcastle, les avait examinées à la demande du Dr Ross, et il en avait déduit que les deux têtes étaient faites du même matériau, un grès très grossier avec des grains de quartz arrondis. Le professeur Dearman estima qu’elles avaient été moulées plutôt que gravées, sans rien rajouter de plus, et le Dr Robson en conclut qu’elles étaient en ciment artificiel, un matériau qui ne ressemblait en rien à du grès naturel.
En 1972, Desmond Craigie, un chauffeur de camion qui avait autrefois habité la maison où avaient été trouvées les têtes, déclara dans un journal, The Evening Chronicle, qu’il avait fabriqué ces fameuses statues en 1956 : « Je les ai faites il y a environ seize ans. J’ai fait les têtes avec des morceaux de pierre et du mortier, tout simplement, pour amuser ma fille quand elle était petite. En fait, j’en ai fait trois, mais la dernière me semble avoir été perdue. Elles ont traîné dans le jardin pendant des années. Je les ai vraiment faites. J’ai ri dans ma tête, je ne comprenais pas pourquoi toute cette attention leur était accordée. » Pour prouver ses dires, il fabriqua un couple de têtes ressemblant vaguement aux originales, utilisant des pierres, de l’eau et du sable.
Desmond Craigie avait-il vraiment réussi à duper des scientifiques avec de petites statues fabriquées par ses soins ? Comment expliquer les différents phénomènes rapportés par les témoins dans ce cas ?
En 1977, les têtes furent prêtées à Don Robins, un chimiste, qui les conserva à des fins d’analyse jusqu’à l’année suivante. Il pensait que les pierres contenaient de grandes quantités de quartz, et qu’elles étaient capables, un peu comme un ordinateur, de lire des images du passé. Durant cette période, il prétendit avoir été témoin de phénomènes inexplicables de faible intensité, puis son chien finit par en mordre une, et il les confia à Frank Hyde, radiesthésiste. Personne ne les revit jamais.