Le 4 août 1892, par une chaude matinée d’été, Andrew Borden et sa femme Abby étaient sauvagement assassinés à coup de hache dans leur maison de Fall River, au Massachusetts.
« … L’un des crimes les plus ignobles et les plus diaboliques qui ait jamais été commis dans le Massachusetts … Qui a pu commettre un tel acte? Dans le calme de la maison, en plein milieu d’une journée du mois d’Août, dans une rue populaire de la ville, avec des maisons à un jet de pierre, que dis-je, se touchant presque, qui a pu le faire? «
Quelques jours plus tard, Lizzie, la fille d’Andrew, une respectable vieille fille qui enseignait le catéchisme à la paroisse locale, était accusée de ces crimes. Son procès allait déchainer les passions et si aucune preuve n’a jamais pu être apportée quand à sa culpabilité ou à son innocence, Lizzie Borden et sa célèbre hache restent à jamais gravées dans les mémoires. Son esprit errerait toujours dans le sous-sol de la maison Borden, qui est réputée pour ses phénomènes de hantise.
Lizzie Borden prit une hache
Et en donna quarante coups à sa mère.
Et quand elle vit ce qu’elle avait fait,
Elle en donna quarante-et-un à son père.
Lizzie Borden, la Vraie Histoire
Elizabeth Andrew Borden avait vu le jour le 19 juillet 1860, à Fall River, dans le Massachusetts, aux États-Unis. Elle était la fille de Sarah Morce Borden et d’Andrew Jackson Borden, de riches notables de la ville. Andrew avait grandi dans un environnement modeste et il avait connu de nombreuses difficultés financières dans sa jeunesse mais il avait réussi à prospérer grâce à la fabrication et à la vente de meubles et de cercueils. Par la suite, il était devenu promoteur immobilier, et il dirigeait également plusieurs usines de textiles. Malheureusement, deux ans après la naissance de Lizzie, sa mère perdit la vie, laissant la fillette aux bons soins de sa sœur, Emma Lenora, qui était alors âgée de 12 ans.
Trois ans après la mort de sa femme, Andrew se remaria avec Abby Durfee Gray, une jeune femme issue d’une famille bourgeoise désargentée. Abby était une petite femme ronde, timide, une vieille fille de trente-six ans qui s’était consacrée à sa jeune demi-sœur Sarah Whitehead pendant des années. Durant toute son enfance, et malgré la présence d’Abby, Emma servit de mère de substitution à Lizzie. Les deux sœurs suivirent la même éducation religieuse classique mais une fois adulte, alors qu’Emma désertait les bancs de l’église, Lizzie s’impliquait dans les activités de sa paroisse, enseignant l’école du dimanche aux nouveaux immigrants et participant à diverses associassions chrétiennes. Elle était même la secrétaire-trésorière de l’une d’elles.
Les jeunes femmes ne prenaient que rarement leurs repas en famille, préférant éviter leur belle-mère, qu’elles n’appréciaient guère, et que Lizzie appelait cérémonieusement Mme Borden. Elles n’avaient pas confiance en elle, ni en sa famille, dont elles pensaient qu’elle cherchait à soutirer de l’argent à leur père. En 1892, Andrew Borden était âgé de 70 ans et il était l’un des hommes les plus riches de Fall River. En plus de ses différentes entreprises, il siégeait au conseil d’administration de plusieurs banques de la ville et sa fortune était estimée à 300,000 $, ce qui équivaudrait à 7.874.444 $ en 2014. Mince, les cheveux blancs, il avait la réputation d’être un homme dur, intransigeant, et s’il était admiré pour ses capacités commerciales, au cours de sa carrière il ne s’était pas fait que des amis.
Andrew était connu pour sa frugalité. Alors qu’il aurait pu habiter The Hill, le quartier à la mode où résidaient les familles les plus fortunées de la ville, sa maison se trouvait un quartier plus modeste, non loin de ses intérêts financiers. Il se montrait modérément généreux envers sa femme, qu’il semblait tenir en grande estime, et ses deux filles, mais ses choix frustraient Lizzie, qui le trouvait avare et mesquin. La jeune femme, qui avait 32 ans à l’époque, rêvait d’une autre vie. Elle avait eu de nombreux prétendants, mais aucun qui puisse la satisfaire socialement. Elle aspirait à s’unir à un homme qui habitait The Hill, mais comme son père refusait de faire étalage de sa fortune et qu’il faisait fuir les chasseurs de dot, elle savait que personne ne lui proposerait jamais un tel mariage. De ce fait, elle se pensait, tout comme sa sœur, condamnée au célibat et elle lui en voulait terriblement.
Au cours des premiers mois de l’année 1892, Lizzie et Emma reprochèrent à leur père les cadeaux immobiliers qu’il faisait aux différents membres de la famille de sa femme. Après que la sœur de leur belle-mère ait reçu une maison, les deux sœurs demandèrent à leur père que la demeure où elles avaient vécu avant la mort de leur mère leur soit donnée, ce qu’il leur accorda. Andrew leur céda la propriété pour 1$ et, un peu plus tard, elles la lui revendirent pour 5000$. A cette même époque, Abby aurait découvert le chat de Bridget, leur employée de maison, décapité à la cave. La légende raconte que le malheureux avait importuné les invités de Lizzie.
Un jour du mois de mai 1892, Andrew, qui jugeait que les pigeons de la grange attiraient tous les gamins du quartier, les tua à la hache. Malheureusement, Lizzie, qui avait récemment construit un perchoir pour ces pigeons, fut bouleversée par leur mort. En juillet, suite à une dispute familiale, Lizzie et Emma décidèrent de prendre des » vacances » prolongées à New Bedford. Apparemment, ce séjour ne suffit pas à l’apaiser son courroux car fin juillet, quand elle revint à Fall River, la jeune femme préféra louer une chambre dans une pension de famille de la ville plutôt que de retourner chez elle.
Au début du mois d’août, toute la famille tomba gravement malade. Un ami de la famille spécula que le mouton, qui trainait sur le poêle depuis plusieurs jours, était peut-être la cause de leurs tourments, mais Abby, qui savait que son mari n’était pas très populaire, craignait plutôt une tentative empoisonnement.
Le 3 août 1892, John Vinnicum Morse, le frère de la défunte Sarah, vint visiter Andrew pour discuter affaires et ce dernier lui proposa de rester quelques jours. Le sujet dont ils souhaitaient débattre n’est pas connu, mais leur conversation fut houleuse. Pendant des années, les deux hommes s’étaient peu fréquentés car même s’il avait passé son enfance à Fall River, une fois adulte, John s’était déplacé vers l’ouest, d’abord dans l’Illinois puis dans l’Iowa où il avait élevé des chevaux pendant 25 ans. Il était revenu dans la région deux ans auparavant et depuis, il passait de temps en temps voir ses nièces.
Le 4 août 1892, après le petit déjeuner, Andrew et John Morse allèrent s’assoir à la salle de séjour et ils y parlèrent pendant une heure. Après cette discussion John quitta la maison pour visiter un parent en ville et, comme à son habitude, Andrew sortit faire sa promenade quotidienne. Après le départ de son mari, Abby ordonna à Bridget Sullivan, une solide jeune femme de 26 ans qui travaillait pour les Borden depuis 1889, de laver les vitres puis elle monta au premier faire le lit de la chambre d’amis. Normalement, le nettoyage des chambres était le travail de Lizzie et d’Emma, mais comme ils avaient un invité, elle s’était dévouée.
A son retour, Andrew ne réussit pas à ouvrir la porte d’entrée avec sa clef. Il faut dire que l’année précédente, la maison familiale avait été victime d’un cambriolage, différents objets et de l’argent avait été dérobés dans la chambre d’Andrew et il avait fait installer un système de verrouillage automatique sur toutes les portes, extérieurs et intérieures. Comme rien ne semblait vouloir y faire, Andrew frappa pour attirer l’attention et Bridget vint lui ouvrir la porte qui semblait coincée. A ce moment-là, le rire de Lizzie retentit au premier. Un peu plus tard, quand Andrew demanda à sa fille où se trouvait Abby, la jeune femme lui répondit qu’un message lui était parvenu et qu’elle était partie visiter un ami malade. Le vieil homme décida alors de se reposer un peu en attendant son retour et il s’étendit sur le canapé du salon pour y faire une sieste.
Rejoignant Bridget, Lizzie lui annonça qu’un grand magasin faisait une braderie et elle lui proposa d’aller y faire un tour. Malheureusement, la servante ne se sentait pas très bien et elle préféra aller s’allonger dans ses appartements, au troisième étage. Un peu plus tard plus tard, vers 11h10, Bridget se reposait dans sa chambre quand elle entendit Lizzie l’appeler: » Maggie, descends. «
» Quel est le problème? » répondit Bridget. » Descends vite! Père est mort! Quelqu’un est venu et l’a tué! «
Bridget descendit précipitamment l’escalier mais lorsqu’elle voulut rentrer au salon, Lizzie, qui se tenait debout devant la porte de derrière, l’arrêta de ces quelques mots: » Ne rentre pas là-dedans. Va et ramène le docteur. Cours. «
La servante se précipita alors chez leur voisin, qui était également leur médecin de famille, le Dr Bowen. Comme il était absent, elle prévint sa femme que M. Borden venait d’être assassiné puis elle retourna à la maison en courant mais à peine arrivée Lizzie l’envoya prévenir l’une de ses amies, Mlle Alice Russel, qui vivait à quelques pâtés de maisons de là.
En voyant cette agitation inhabituelle, Mme Adelaide Churchill, qui habitait tout près, comprit qu’il se passait quelque chose chez les Borden. Apercevant Lizzie près de la porte, elle lui demanda si tout allait bien et la jeune femme lui répondit: » Oh, Mme Churchill, venez s’il vous plait! Quelqu’un a tué Père! » Mme Churchill lui demanda alors où était sa mère, et Lizzie lui dit qu’elle l’ignorait mais qu’un peu plus tôt, sa belle-mère avait reçu une note lui demandant de se rendre au chevet d’un malade. Quand elle lui expliqua que sa servante avait été incapable de trouver le médecin, Mme Churchill proposa d’envoyer son homme à tout faire prévenir les secours et quelques minutes plus tard, à 400 mètres de là, le poste de police du quartier recevait un message leur indiquant que leur intervention était demandée au 92, Second Street.
Mme Churchill rejoignit Lizzie dans la cuisine et peu de temps après, le Dr. Bowen se présenta, suivie de Bridget, qui revenait de chez Mlle Russell. Après avoir examiné le corps, le Dr Bowen demanda une couverture et le recouvrit: » En tant que médecin je suis accoutumé à voir toutes sortes de choses horribles, mais quand j’ai vu le visage du mort, ça m’a rendu malade. «
Lorsque Bridget souligna avec regret qu’elle ne savait toujours pas où se trouvait Mme Borden, qu’il fallait faire prévenir, Lizzie lui répondit d’une manière surprenante: » Maggie, je suis presque certaine de l’avoir entendue rentrer. Allez voir à l’étage. «
Pensant probablement que le meurtrier se dissimulait toujours dans la maison, la jeune femme refusa d’y monter mais lorsque Mme Churchill proposa de l’accompagner, elle se sentit contrainte d’accepter, ce qu’elle fit à contrecœur. Les deux femmes gravirent les marches ensemble mais juste avant d’arriver sur le palier elles aperçurent Abby couchée sur le plancher de sa chambre. Mme Churchill se précipita vers elle et, comprenant qu’elle était morte, elle redescendit l’escalier en criant: » Il y en a un autre! «
Pendant ce temps, Mlle Russel était arrivée. Le Dr Bowen s’absenta un moment pour télégraphier à Emma, qui était partie passer la journée chez des amis et, à son retour, il reprit l’examen du corps d’Andrew. Il était allongé sur son côté droit sur le canapé du salon, et ses pieds reposaient sur le sol. Sa tête était légèrement penchée vers la droite et onze coups d’un instrument tranchant avaient été assénés sur son visage. L’un de ses yeux, qui avait été coupé de moitié, sortait de son orbite et son nez avait été sectionné. La plupart des entailles s’étalaient entre le nez et l’oreille et elles saignaient encore. Il y avait des taches de sang sur le sol, sur le mur, et sur un tableau qui était accroché. Ses blessures indiquaient que l’agresseur était arrivé dans son dos et qu’il se tenait au-dessus de lui au moment de l’attaque. Andrew devait dormir car il n’avait pas bougé.
Abby, quand à elle, avait été frappée plus d’une douzaine de fois à l’arrière du crâne. L’autopsie révéla plus tard qu’il y avait eu dix-neuf coups de portés. Sa tête avait été écrasée par le même instrument, peut-être une hache, qui avait servi à tuer son mari. Le sang était rare, sombre, ce qui laissait à penser qu’elle avait été assassinée avant lui et qu’elle était morte sous l’impact du premier coup, probablement celui qui lui avait brisé la nuque.
Dès qu’il reçut le message, Rufus B. Hilliard, le marshall de la ville, envoya l’officier W. Allen chez les Borden. Le policier courut les quatre cents mètres qui le séparait de la maison et constatant la mort de M. Borden, il demanda à un passant, Charles Sawyer, de monter la garde pendant qu’il retournait chercher de l’aide. A 11h45, William Dolan, médecin légiste, passait devant la maison quand il remarqua l’incroyable agitation qui y régnait. Quelques instants plus tard, il rejoignait les sept agents qui venaient d’arriver sur les lieux et l’enquête pouvait commencer.
L’agent Mullaly demanda à Lizzie s’il y avait des haches entreposées dans la maison et d’une manière surprenante la jeune femme lui répondit qu’il y en avait partout, puis elle ordonna à Bridget de lui montrer où elles se trouvaient. La domestique mena le policier au sous-sol et là ils trouvèrent deux haches, deux axes et une tête de hache. Une était pleine de sang et de poils de vache, une était rouillée et les deux autres étaient recouvertes de poussière. Par contre, la dernière hache était étrange. Son manche paraissait avoir été récemment brisé et des cendres fraiches avait été déposées sur le métal, probablement pour faire croire que l’instrument se trouvait à la cave depuis un certain temps. Pour une étrange raison, le policier, qui pensait avoir trouvé l’arme du crime, ne prit la peine de l’emporter.
Au même moment, John, qui était revenu pour le repas de midi comme Andrew le lui avait demandé, se promenait dans la cour, cueillant des poires. Il ignorait le drame qui venait de jouer et il déclara plus tard qu’il n’avait pas remarqué si la porte de la cave était ouverte ou fermée.
Les réponses que donnait Lizzie aux questions des officiers de police étaient bizarres et contradictoires. La jeune femme déclara tout d’abord avoir entendu un gémissement, puis un raclement ou un appel de détresse, et deux heures plus tard, elle jura ne rien avoir entendu. Aussi, après l’avoir interrogée sur ses allées et venues matinales, le sergent Harrington et un autre officier, qui doutaient fortement de la véracité de ses propos, demandèrent à examiner la grange. Une fois sur place, ils constatèrent que le plancher était plein de poussière et que rien ne laissait supposer que quelqu’un y soit venu récemment.
Les policiers avaient du mal à comprendre l’attitude de Lizzie. Pour une jeune femme dont les parents avaient été assassinés de la plus horrible des manières, elle se montrait étrangement calme. Néanmoins, malgré ce comportement inhabituel, aucun ne pensa à vérifier si ses vêtements, ou elle-même, n’étaient pas tachés de sang.
A 15h, les corps d’Andrew et Abby furent disposés sur la table de la salle à manger pour que le Dr Dolan puisse les autopsier. Pendant ce temps, au premier étage, le sous-commissaire John Fleet interrogeait Lizzie. A part cet homme inconnu avec qui son père avait eu une dispute quelques semaines auparavant, la jeune femme ne voyait pas qui pouvait avoir commis les meurtres. Mais quand lui policier lui demanda si John ou Bridget pouvaient avoir assassiné son père et sa mère, Lizzie ne manqua pas de lui faire remarquer qu’Abby n’était pas sa mère, mais sa belle-mère.
Peu avant 19 heures, lorsque Emma, une petite femme timide de quarante-deux ans au visage maigre et osseux, revint de Fairhaven, les corps de son père et de sa belle-mère se trouvaient toujours étendus sur la table de la salle à manger, attendant l’arrivée de l’entrepreneur des pompes funèbres.
Tout au long de la journée, le Dr Bowen s’était montré très présent, soutenant la famille, prescrivant du sulfate de morphine, un tranquillisant, à Lizzie, et assistant le Dr Dolan lors de l’autopsie. Avant de quitter les lieux, les policiers décidèrent de placer un cordon de sécurité autour de la maison pour en éloigner les curieux qui s’agglutinaient dans la rue depuis midi. Ce soir-là, Alice Russell décida de rester auprès de ses amies, Bridget alla dormir chez une voisine et John Morse hérita de la chambre du grenier. Tard dans la nuit, un policier qui était posté près de la maison put observer Lizzie alors qu’elle descendait au sous-sol et se penchait au-dessus des seaux contenant les vêtements ensanglantés de ses parents. Personne ne sut jamais pourquoi.
Tout au long de la journée les policiers avaient interrogé les différents témoins et ils avaient pu retracer les emplois du temps de chacun. Le 3 août, à sept heures du matin, Abby Borden était allée voir le Dr Bowen, lui déclarant que son mari et elle avaient été gravement malades durant la nuit et qu’elle soupçonnait vivement un empoisonnement. Le docteur, qui ne pensait pas leurs nausées et leurs vomissements étaient graves, l’avait renvoyée chez elle. Un peu plus tard, par acquis de conscience, il avait traversé la rue pour ausculter Andrew mais ce dernier lui avait grossièrement signifié qu’il n’était pas malade et qu’il ne voulait pas payer pour une visite à domicile non sollicitée. Ce matin-là, Bridget avait également été incommodée pendant des heures et elle avait du s’arrêter de travailler à plusieurs reprises.
Le même jour, Lizzie avait tenté d’acheter dix cents d’acide prussique à Eli Bence, commis à la pharmacie de Smith. Elle prétendait avoir besoin de ce poison pour tuer les insectes qui s’étaient réfugiés dans sa cape en peau de phoque mais le jeune homme avait refusé de lui en vendre sans ordonnance. Deux témoins, un client et un autre commis, confirmèrent la déclaration de M. Bence, assurant avoir vu Lizzie à la pharmacie entre 10 et 11h du matin. La jeune femme admit être sortie ce matin-là, mais elle nia avoir voulu acheter de l’acide prussique et même être allée à la pharmacie. Un peu plus tard, elle changea son histoire, affirmant que le 3 août, elle n’avait pas quitté la maison jusqu’au soir.
En début d’après-midi, John Morse était arrivé sans aucun bagage mais avec l’intention de passer la nuit dans la maison car il devait visiter des parents le lendemain. Bizarrement, alors qu’ils dormaient dans la même maison, celui que les deux sœurs appelaient oncle John n’avait pas croisé Lizzie avant le lendemain midi. Dans la soirée, Lizzie avait rendu visite à son amie Mlle Russel. Selon cette dernière, la jeune femme était agitée, inquiète. Elle parlait d’une menace qui planait sur son père et craignait que quelque chose de terrible ne se passe. En rentrant chez elle, vers neuf heures du soir, Lizzie avait entendu son oncle John et ses parents discuter d’une voix forte au salon et elle était montée se coucher sans s’arrêter.
Au matin du 4 août, Bridget avait commencé à travailler vers 6h15 puis John s’était levé. Abby était descendue à sept heures, son mari quelques minutes plus tard et ils avaient pris leur petit-déjeuner ensemble. Lizzie était restée à l’étage jusqu’au départ de John, à environ 8h45, puis Andrew avait quitté la maison pour aller faire le tour de ses affaires vers 9h. Selon Mme Chrchill, ce jour-là, il avait visité les différentes banques où il était actionnaire et l’un de ses magasins qu’il faisait rénover. Les ouvriers qui travaillaient à la boutique rapportèrent qu’il avait quitté les lieux vers 10h40.
Peu avant 9h, Abby avait chargé Bridget de laver les fenêtres puis elle était montée remettre en ordre la chambre d’amis. Quelques temps plus tard, entre neuf et dix heures, probablement vers 9h30, Abby était tuée dans cette même chambre. Contrairement à ce qu’avait affirmé Lizzie, il semblait qu’elle n’en soit jamais ressortie. La note dont la jeune femme avait parlé, celle qu’Abby avait soi-disant reçue d’un ami malade, ne fut jamais retrouvée et Lizzie déclara qu’elle l’avait peut-être brûlée par inadvertance.
Lorsque Andrew était revenu, peu après 10h40, Bridget faisait toujours les vitres. Comme la porte d’entrée était fermée de l’intérieur par trois serrures et qu’il ne parvenait pas à ouvrir, elle avait du s’arrêter un moment pour le faire rentrer et à ce moment-là elle avait entendu Lizzie rire en haut des escaliers. Cependant, quand la police l’interrogea à ce sujet, Lizzie nia être montée au premier étage, assurant que lorsque son père était rentré, elle se trouvait dans la cuisine.
Andrew, qui gardait sa chambre à coucher fermée depuis le cambriolage, avait ensuite sorti la clef de la poche de son manteau et il était monté au premier. Pendant ce temps, Lizzie avait avait commencé à repasser des mouchoirs et la servante était retournée à ses fenêtres.
Vers 10h55, alors que Bridget se trouvait dans sa chambre et qu’Andrew faisait une sieste sur le canapé du salon, Lizzie était allée chercher du métal dans la grange car elle voulait fabriquer quelques plombs pour aller pêcher avec Emma à Fairhaven… ou peut-être était-elle allée dans la cour… ou était-elle montée au grenier de la grange… Les réponses de la jeune femme étaient vagues et elles variaient d’un moment à l’autre. Quand elle était revenue dans la maison, à 11h10, elle avait retrouvé son père gisant sur le canapé du salon.
Devant d’aussi horribles meurtres, la ville de Fall River était en émoi et les journaux s’en faisaient l’écho. Le 5 août, Hiram Harrington, qui était mariée à Luna, la sœur d’Andrew, donna une interview dans laquelle il déclara que la veille au soir, alors que ses parents venaient tout juste d’être assassinés, sa nièce n’avait pas montré la moindre émotion ou douleur.
Ce même jour, le sergent Harrington interrogea Eli Bence sur la visite de Lizzie à la pharmacie et Emma alla mander les services de M. Andrew Jennings, l’un des plus éminents citoyens de Fall River. Il avait été l’avocat d’Andrew Borden et tout naturellement, il devint celui de sa fille. Il était un homme au caractère taciturne et jusqu’à sa mort, trente ans plus tard, jamais il ne parla de l’affaire.
Au cours de la nuit, John Morse tenta de quitter la maison mais les centaines de curieux qui attendaient dans la rue l’assaillirent, l’obligeant à faire demi-tour. Il parvint à retourner à la résidence Borden grâce à l’intervention efficace des hommes en faction.
Le samedi 6 août, des agents de police effectuèrent une fouille approfondie de la maison. Ils inspectèrent les vêtements des deux sœurs et confisquèrent la tête de hache au manche cassé. Bridget et plusieurs témoins dignes de foi rapportèrent que le matin du drame, ils avaient vu un inconnu rôder près de la maison des Borden. Le Dr Handy, qui circulait non loin de là, avait remarqué un étranger qui marchait très lentement vers la maison. Il le décrivit comme un homme d’un mètre soixante, de poids moyen, qui portait une moustache noire et dont le visage, rond et plein, était blanc comme la mort. Il semblait âgé d’une vingtaine d’années.
Joseph Hyde, qui travaillait pour la police de Fall River, avait vu lui-aussi un homme correspondant à cette description, tout comme Ellan Eagen, une jeune femme qui se promenait dans une rue près de la maison. Elle rapporta avoir aperçu l’inconnu dans la cour des Borden. Sa description était moins précise que celle des autres témoins mais elle était sure d’une chose: en passant près de lui, elle avait senti une odeur atroce. Elle le pensait portugais ou irlandais, ce qui n’était qu’une supposition correspondant aux aprioris de l’époque.
Ce même jour devaient se tenir les funérailles d’Andrew et Abby Borden mais si le service se déroula comme prévu, l’enterrement ne put avoir lieu. Alors que les cercueils se trouvaient près des tombes, des policiers vinrent informer la famille que le Dr Wood souhaitait se livrer à une nouvelle autopsie. Lors de cette seconde autopsie, les têtes d’Andrew et d’Abby furent retirés de leurs corps et des moulages en plâtre furent réalisés de leurs crânes. Après le procès, leurs restes furent enterrés au pied des tombes. Le soir venu, un officier de police, accompagné du maire se présentèrent à la maison Borden et ils informèrent Lizzie qu’elle était suspectée du meurtre de ses parents.
Le dimanche 7 août, durant la matinée, Mlle Russel observa Lizzie brûler l’une de ses robes dans le poêle de la cuisine et elle lui dit: » Si j’étais vous, je ne laisserais pas quelqu’un me voir faire cela, Lizzie. » La jeune femme lui répondit alors que cette robe était tachée de peinture et qu’elle ne lui était plus d’aucune utilité.
Le 8 août, Lizzie comparut à l’audience d’enquête. Une loi prévoyait que la cession devait se tenir à huit clos, aussi la demande qu’elle fit pour que son avocat soit présent fut-elle refusée. Au cours de cette séance, Lizzie se comporta d’une étrange façon, refusant souvent de répondre à des questions, même si la réponse lui était bénéfique. Elle se contredisait fréquemment, affirmant un moment s’être trouvée dans la cuisine quand son père était revenu, déclarant ensuite qu’elle était en train de repasser dans la salle à manger ou qu’elle descendait les escaliers. Elle prétendait également l’avoir aidé à enlever ses bottes et à mettre ses pantoufles alors que les photographies prises par la police indiquaient clairement qu’Andrew portait toujours ses bottes au moment de sa mort. Le comportement du procureur, agressif et conflictuel, n’arrangeait rien.
Le 11 août, Lizzie fut placée en garde à vue et dès le lendemain, elle était interpellée. La jeune femme plaida non-coupable mais elle fut néanmoins incarcérée à la prison de Taunton, qui disposait de facilités pour les femmes.
Du 22 au 28 août, l’audience préliminaire eut lieu, présidée par le juge Blaisdell qui avait secrètement mené une enquête. Au terme de cette audience, le juge Blaisdell, visiblement très ému, déclara la culpabilité probable de Lizzie et livra son sort entre les mains du Grand Jury.
Du 7 novembre au 2 décembre le Grand Jury se pencha sur l’affaire. Le procureur Hosea Knowlton termina son discours en invitant de manière surprenante l’avocat de la défense à présenter son dossier et, alors que tous pensaient que l’accusation portée contre Lizzie allait être rejetée, le 1 décembre, Mlle Russell témoigna de la crémation de la robe. Le lendemain, de surprenante manière, Lizzie était inculpée pour trois assassinats: celui de son père, celui de sa belle-mère et celui des deux. La date du procès était fixée au 5 juin 1893.
L’affaire dépassait les frontières de la ville et même celles du Massachusetts. Les plus folles rumeurs étaient reprises par les journaux, qui publiaient sans état d’âme que Lizzie était enceinte, qu’Andrew avait des rapports incestueux avec sa fille Emma ou que John et Bridget entretenaient une relation. Des associations féministes et des organisations religieuses soutenaient inconditionnellement Lizzie, que personne ne croyait capable d’une telle barbarie. Comme la date du procès approchait, Arthur Pillsbury, procureur général du Massachusetts, encouragea Hosea Knowlton à accepter le poste de procureur, lui assignant William Moody pour le seconder.
Le procès de Lizzie se déroula à New Bedford, durant le mois de juin 1893. Andrew Jennings, Melvin Adams et George Robinson, trois avocats de renom, assuraient sa défense mais pour beaucoup de témoins, William Moody fut le plus compétent. Sa plaidoirie, qui visait à démontrer la culpabilité de la jeune femme, était claire, ferme et logique. Il accusait Lizzie d’avoir prémédité ses crimes et d’avoir assassiné son père et sa belle-mère, ce que prouvaient son comportement étrange et ses témoignages contradictoires, qui ne ressemblaient en rien à ceux d’un innocent.
Au cours de l’instruction la partie civile tenta de démontrer que M. Borden avait l’intention d’écrire un nouveau testament, ce que confirma John, son beau-frère. Selon lui, Andrew prévoyait de laisser à ses filles 25 000$ chacune et tout le reste de sa succession, plus d’un demi-million de dollars, devait aller à Abby. L’accusation demanda à ce que soit validée la déclaration que Lizzie avait faite au juge, mais comme la jeune femme n’avait pas été inculpée à ce moment-là elle fut jugée irrecevable, tout comme le témoignage d’Eli Bence, l’employé de la pharmacie, la cour estimant que la question de l’achat de poison par Lezzie la veille du crime n’était pas pertinente car trop ancienne. De plus, en raison de la mystérieuse maladie qui avait frappé la famille peu de temps avant les meurtres, les estomacs d’Andrew et d’Abby avaient été expertisés mais aucune trace de poison n’y avait été découverte.
Montrant la hache retrouvée au sous-sol, M. Moody expliqua comment, avec un tel instrument, une femme avait pu commettre les crimes, mais comme rien ne prouvait que le meurtrier s’était bien servi de cette arme, l’argument ne fut pas retenu. Des agents de police décrivirent l’absence d’empreinte sur le sol poussiéreux de la grange et la chaleur insupportable qu’il y faisait, Mlle Russel vint expliquer comment elle avait vu l’accusée brûler une robe dans le poêle, peu de temps après les crimes, mais si leurs témoignages étaient troublants, ils ne constituaient pas une preuve formelle.
A un moment donné, M. Moody jeta une robe dont il pensait se servir comme preuve sur la table de l’accusation, ce qui fit se soulever le papier de soie qui recouvrait pudiquement les cranes des deux victimes. Leur aspect terrifiant témoignait de la violence avec laquelle les coups avaient été assénés. A ce moment-là, Lizzie s’effondra sur le sol et le procès fut suspendu.
Le mardi 20 juin, le juge Knowlton demanda à Lizzie si elle avait quelque chose à dire et la jeune femme répondit: » Je suis innocente. je laisse mon avocat parler pour moi. » Ce fut ses uniques paroles de tout le procès. A 15h24, le jury prêta serment et se retira pour délibérer. A 16h32, soit un peu plus d’une heure plus tard, le jury, uniquement constitué par des hommes d’âge moyen, rendait son verdict, innocentant Lizzie Borden des trois chefs d’accusation. Pour eux, une femme, qui était de plus une aussi bonne chrétienne, ne pouvait avoir commis un crime aussi abominable.
Après le procès, Bridget retourna dans son Irlande natale. Elle revint aux États-Unis quelques années plus tard et en 1905, à l’âge de 35 ans, elle épousa John Sullivan, à Butte, dans le Montana, où elle vécut dans la plus grande modestie le reste de sa vie. L’histoire raconte qu’un jour, Bridget, qui se pensait à l’agonie, fit envoyer une lettre à son meilleur ami, lui demandant de venir à son chevet au plus vite. Elle voulait, pour soulager sa conscience, lui révéler un secret sur les meurtres des Borden. Quand son ami arriva, Maggie se sentait beaucoup mieux et elle se ravisa. Si elle avait gardé ce secret aussi longtemps, elle pouvait continuer. Elle mourut sans jamais l’avoir révélé.
Lizzie avait passé 10 mois en prison et elle avait été libérée mais si les tribunaux l’avaient disculpée, les habitants de Fall River la pensaient coupable et tout le monde l’évitait. Comme le nouveau testament de leur père demeurait introuvable, Lizzie et Emma héritèrent de tous ses biens. Quelques semaines plus tard, elles achetèrent une grande maison victorienne de pierres grises au 306 French Street, dans un quartier chic de la ville, et s’y installèrent, embauchant une domestique et un cocher. Peu de temps après, Lizzie décida de se faire appeler Lizbeth puis elle surnomma sa nouvelle demeure Maplecroft, et fit graver ce nom sur la première marche de l’escalier du perron.
Non loin de la maison, au 263, Belmont Street, la famille Vestale possédait une grange et, outre leur entreprise familiale, ils élevaient des vaches et des poules dont ils vendaient les produits aux voisins. Lizzie était l’une de leur cliente et souvent elle leur achetait du lait et des œufs. Laura Vestal, une toute jeune fille, assurait les livraisons et quand elle amenait les produits à Maplecroft, Lizzie la saluait de la porte arrière. La jeune fille était en admiration devant elle, elle trouvait qu’elle avait des yeux magnifiques, de beaux cheveux et qu’elle était toujours habillée des plus beaux vêtements. Parfois, Lizzie faisait des biscuits pour les enfants du quartier, mais beaucoup avaient peur d’elle et ils n’osaient pas approcher de sa cour. Laura et son frère Mert leur disaient qu’elle était la plus gentille des femmes mais ils ne la croyaient pas. Tighman et Sarah, leurs parents, leur interdisaient de parler en mal de Lizzie Borden. Sa mère disait d’elle: » Elle est une gentille femme, ne parle pas d’elle! «
En 1897, Lizzie attira de nouveau l’attention quand elle fut accusée du vol de deux tableaux de faible valeur à Providence, dans le Rhode Island, mais l’affaire se régla en privé et fut vite oubliée.
Lizzie, qui aimait les arts, fréquentait des acteurs et des saltimbanques, les invitant fréquemment à Maplecroft, ce que son père n’aurait jamais toléré. En 1904, elle fit la connaissance de Nance O’Neil, une jeune actrice aux gouts de luxe dont les orientations sexuelles étaient, en dépit de son mariage, bien connues dans le milieu du spectacle, et très vite les deux femmes devinrent inséparables. En 1905, peu de temps après une dispute qui avait comme sujet la somptueuse fête que Lizzie avait donnée en l’honneur de Nance, Emma quitta définitivement Maplecroft et s’installa chez le révérend Buck. Leur querelle était si grave que les deux sœurs n’allaient plus jamais s’adresser la parole. L’année suivante, en 1906, la relation entre Nance et Lizzie prit fin et cette dernière eut beaucoup de mal à s’en remettre.
En 1924, les Peterson firent construire une maison non loin de Maplecroft et Annie Peterson et Lizzie devinrent rapidement amies. Annie avait un fils, Peter, qui était intrigué par la gentille dame aux cheveux roux: » Elle me rappelait ma grand-mère. Je ne l’ai jamais appelée Lizzie. J’avais reçu des ordres directs de ma mère. Son nom était Miss Lizbeth, et c’était en ces termes que je m’adressais à elle. «
Les deux femmes allaient souvent à l’église ensemble et Peter ne comprenait pas pourquoi personne ne parlait à Miss Lizbeth. » J’ai demandé à ma mère pourquoi les gens ne nous parlaient pas comme ils le faisaient avec les autres. Elle m’a répondu que personne n’aimait Miss Lizbeth. Ma mère et tous nos amis pensions que c’était une vraie disgrâce. Ils savaient que Lizzie n’avait pas fait ça. «
Peter travaillait sur un marché et souvent, Lizzie venait y faire ses courses: » Lizzie avait l’habitude d’acheter ici, et je livrais ses commandes à sa maison, sur ma bicyclette. Elle me donnait toujours un nickel, et si elle n’était pas chez elle, Hannah, sa servante, me le donnait aussi. J’ai reçu d’elle tellement de nickels que je pensais que j’étais un foutu millionnaire! Un jour, elle m’a donné une dime et j’ai pensé que j’étais au paradis. «
Depuis bien des années, des rumeurs rapportaient que William Borden, un agriculteur qui vivait à East Tauten, un petit village à plusieurs kilomètres au nord de Fall River, était le fils illégitime d’Andrew, un fils qu’il aurait eu avec la femme de son frère alors qu’il était encore marié avec Sarah. Bien entendu, les Borden, qui étaient tous au courant de cette histoire, la démentaient catégoriquement. William était décrit comme un homme excentrique, peu sociable et un peu » spécial « . Il parlait sans cesse, surtout quand il buvait trop de cidre, de ses sœurs fortunées, expliquant qu’un jour, cet argent serait sien.
William vivait de ses récoltes de pommes, il en fabriquait du cidre, et des chevaux qu’il élevait, mais ces activités laissaient sur lui une si terrible odeur que souvent sa femme Rebecca était obligée de dormir dans la grange. Peu de temps après le drame, William fit un séjour en asile psychiatrique et le 17 avril 1901, son corps fut retrouvé pendu à un arbre de sa propriété par une lourde chaine. L’autopsie révéla qu’il avait également ingéré du poison et l’enquête conclut à un suicide.
En 1927, Lizzie était malade depuis le retrait de sa vésicule biliaire, un an auparavant. Elle mourut d’une pneumonie le 1 juin 1927, à Fall River. Elle était âgée de 67 ans. Aucune annonce officielle ne parut pour ses funérailles, et peu de personnes assistèrent à son enterrement. Neuf jours plus tard, sa sœur Emma décédait d’une mauvaise chute alors qu’elle se trouvait dans une maison de soins infirmiers de Newmarket, dans le New Hampshire. Elle s’y était réfugiée en 1923 en raison de ses problèmes de santé et elle y vivait dans la plus grande discrétion, cherchant à échapper à la curiosité malsaine du public et des médias dont l’intérêt avait été relancé après la publication d’un livre sur l’affaire Borden. Les deux sœurs furent enterrées l’une à côté de l’autre dans la parcelle familiale du cimetière d’Oak Grove, non loin de leur mère, de leur père, de leur belle-mère et d’une sœur morte en bas âge.
Les deux femmes léguèrent leurs biens à des causes charitables. Lizzie fit don de la majeure partie de sa fortune à une organisation pour la défense des animaux, une somme coquette fut allouée à son ami le plus proche et à l’un de ses cousins, son chauffeur hérita de sa voiture et elle s’assura de l’entretien perpétuel de la tombe de son père. Emma, quand à elle, distribua son argent à diverses organisations humanitaires de Fall River.
Les Phénomènes de Hantise
La maison Borden est désormais célèbre, autant pour l’histoire de Lizzie que pour ses rumeurs de hantise, mais beaucoup ignorent que vingt ans avant le drame, une tragédie s’était déroulée entre ses murs. Vers le milieu des années 1800, Lawdwick Abraham Bowen Borden, le frère du père d’Andrew Borden, habitait une demeure tout proche. Au cours de son existence, Lawdwick se maria à quatre reprises, ce qui n’était pas inhabituel à une époque où les femmes mouraient souvent en couches. L’histoire raconte qu’Eliza Darling Borden, la deuxième femme de Lawdwick, avait eu trois enfants se succédant. Un jour de 1848, alors qu’elle était âgée de 37 ans, elle monta jusqu’à une petite maison, qui allait devenir la maison Borden en 1872, elle jeta ses trois enfants dans la citerne d’eau de la cave et se trancha la gorge avec un rasoir appartenant à son mari. De ces trois enfants, un seul survécu, une petite fille nommée Maria.
Emma et Lizzie avaient vendue la maison du 92, Second Street en 1918 et de nombreuses décennies s’étaient écoulées quand les McGinn en héritèrent de leur grand-mère. Après l’avoir restaurée, lui redonnant l’aspect qu’elle avait au moment du drame, ils y placèrent des meubles d’époque, les disposant exactement comme ils s’y trouvaient en cette sinistre journée d’août 1892, et, en 1996, ils ouvrirent le Lizzie Borden Bed and Breakfast, espérant que des curieux seraient intéressés pour y passer la nuit. Un mois après la fin des travaux, une employée découvrit l’empreinte d’un corps dans la chambre d’amis, qui avait été surnommée la chambre John Morse. Cette vision l’aurait tellement secouée qu’elle en aurait quitté son travail. Apparemment, la rénovation de la maison Burden avait réveillé les esprits qui y sommeillaient. Depuis, des phénomènes inexpliqués se dérouleraient dans toutes les pièces, plus particulièrement dans le petit salon, celui où Andrew a été assassiné, dans la chambre d’amis, où Abby a été tuée, et au sous-sol, où seraient morts les deux jeunes enfants.
Des courants d’air glacés ou brûlants balayeraient certains endroits de la maison, des lumières s’allumeraient et s’éteindraient toutes seules, des portes s’ouvriraient et se refermeraient, des objets changeraient de place, des bruits de pas retentiraient à l’étage, des murmures étouffés et des sanglots amers s’élèveraient de chambres vides et le miaulement désincarné d’un chat briserait parfois le silence. Ce chat, qui roderait dans les chambres, serait des plus amical et il se frotterait affectueusement aux jambes des visiteurs. Des silhouettes sombres, qui apparaitraient souvent dans l’escalier menant au premier, se déplaceraient dans différentes parties de la maison, furtives et silencieuses.
Andrew vaquerait à ses occupations, comme il le faisait de son vivant, et de nombreuses personnes auraient vu Abby les contempler alors qu’elles étaient allongées dans leur chambre. L’ombre d’une mystérieuse femme hanterait la cave, une autre aux cheveux gris se montrerait parfois, s’affairant dans la maison, alors qu’une dernière, habillée comme une servante, s’activerait inlassablement à la tâche. Les différents propriétaires, tout comme les membres du personnel et quelques invités, auraient tous vu Lizzie errer au sous-sol. Elle semblait y chercher quelque chose. Deux jeunes enfants se manifesteraient également à différents endroits de la maison, riant ou jouant aux billes. Leanne Wilbur, la propriétaire actuelle de la maison Burden, aurait senti le contact glacé d’un doigt courir le long de son dos. Elle se serait rapidement retournée, mais personne ne se trouvait derrière elle… personne de visible du moins.
Ces manifestations attirent un grand nombre de visiteurs, et tout autant de chercheurs du paranormal qui espèrent assister à quelque phénomène. Lors des enquêtes menées par ces équipes de recherche, de nombreuses photos montrant des orbes, des lumières et des formes humanoïdes brumeuses auraient été prises, en particulier au salon, et les appareils d’enregistrement auraient capturé des voix, le plus souvent celles de Bridget ou de Lizzie. Si certaines de ces voix semblent revivre des scènes du passé, d’autres répondraient parfois aux questions posées. Ainsi, au cours du tournage d’un épisode de Ghost Lab, à la question: » Est-ce que Lizzie vous a tué pour votre argent? « , une voix masculine aurait répondu: » Vous avez raison! «
L’histoire de Lizzie Borden a été reprise par de nombreux auteurs et elle a également inspiré un téléfilm en 1975: La Légende de Lizzie Borden (The Legend of Lizzie Borden). Dans ce téléfilm, qui propose une réponse très personnelle à l’énigme, Elizabeth Montgomery, célèbre pour son rôle dans Ma Sorcière Bien-Aimée, interprétait Lizzie sans savoir que cette dernière faisait partie de sa famille. En effet, Elizabeth Montgomery et Lizzie Borden étaient cousines au sixième degré. Elles étaient toutes deux les descendantes de John Luther, un homme qui habitait le Massachusetts au 17e siècle.
Un autre téléfilm basé sur la vie de Lizzie Borden, Lizzie Borden took an Ax (Lizzie Borden Prit une Hache), a été tourné récemment et diffusé en 2014 aux États-Unis. Suite au succès de ce téléfilm, une série de six épisodes est prévue pour 2015. L’histoire, qui serait totalement fictive, raconterait comme une série de morts mystérieuses remettrait en question l’innocence de Lizzie.
Si l’histoire est ancienne, le mystère est loin d’être résolu et aujourd’hui encore, de nombreux passionnés émettent les plus folles théories quand au coupable et à ses motivations.
Lizzie Borden prit une hache
Et en donna quarante coups à sa mère.
Et quand elle vit ce qu’elle avait fait,
Elle en donna quarante-et-un à son père.