« Communauté, Identité, Stabilité »
(Devise planétaire du Meilleur des Mondes : Des mots grandioses…)
Dans un futur plus ou moins proche, la société a évolué dans un sens plus que contestable. Tout est planifié, tout est régulé. Les principales sources d’anxiété ont été éradiquées, le monde est devenu stable et sécurisant et rien n’est plus le fruit du hasard.
Les citoyens « s’épanouissent » dans des villes protégées et si jamais ils ont le malheur de ressentir quelque inconfort moral ou quelque état d’âme, ils peuvent toujours avaler une pilule de Soma, une drogue qui apporte une illusion de bonheur. Ce qu’ils s’empressent de faire avec joie. Il est fort mal vu d’être malheureux, ce n’est pas l’attitude d’un bon citoyen ; ce n’est pas NORMAL et rien ne leur était plus désagréable que de rester en proie à ce sentiment angoissant. Aucun individu sain d’esprit n’a envie d’être différent.
Les notions de reproduction telles que nous pouvons les entendre sont taboues, tout comme la notion de couple d’ailleurs, et y faire allusion est jugé particulièrement obscène. Par conséquent, les individus sont créés dans des cuves, au Centre d’Incubation et de Conditionnement, suivant le Procédé Bokanovsky, l’un des instruments majeurs de la stabilité sociale. Des hommes et des femmes conformes au type normal, en groupe uniforme. Chacun à sa place, chacun ayant un programme qui définira leur futur… et qui fera leur bonheur, accessoirement.
Dès leur création cellulaire un programme génétique conditionne les futurs individus, aussi bien physiquement que psychologiquement, afin de leur permettre d’intégrer l’une ou l’autre des castes dans les meilleures conditions possibles. Les Alphas représentent la classe la plus haute et les Epsilons la plus basse.
Plus la caste est basse, moins le fœtus sera alimenté en oxygène. Le premier organe touché est le cerveau, ensuite le squelette. Chaque être humain est prédestiné à exercer un métier prédéfini, et il est donc préparé en fonction de celui-ci.
Par exemple le ralentissement de la circulation sanguine quand ils sont en position normale et doublement de l’afflux sanguin lorsqu’ils ont la tête en bas apportera un bien-être immédiat aux futurs mécaniciens d’avions-fusées, alors que l’inoculation de poisons et maladies aux futurs travailleurs des tropiques est une technique qui a fait ses preuves. Afin de créer des hommes épanouis, satisfaits de leur vie et de leur éviter toute éventuelle et déplaisante frustration, des décharges électriques se chargent d’apprendre à chacun ce qui est bon pour lui, ce qu’il doit aimer comme ce qu’il doit haïr ou désirer.
Dans ces conditions, ils comprennent fort vite où se trouve leur intérêt, et il est inutile de préciser que ce programme se révèle fort efficace depuis bien des générations.
Tout en haut de la pyramide sociale, destinés aux plus hautes fonctions, se trouvent donc les Alphas. Ils sont beaux, intellectuellement développés, attirés par les arts et la culture. À l’opposé, les Epsilons, destinés quant à eux aux métiers les plus ingrats, sont petits, ingrats et ils font preuve d’une aversion viscérale pour toute forme de savoir. Nul n’envie ou ne fréquente les individus des autres castes, et quel que soit son rôle, ses goûts ou son physique, chacun se trouve satisfait de son sort et de sa condition. Tout est pour le mieux dans le Meilleur des Mondes.
Mais Bernard, qui est pourtant un Alpha, n’a pas eu de chance… Ou peut-être en a-t-il eu, tout est une question de point de vue. Son programme génétique a partiellement échoué. Son conditionnement hypnotique a été interrompu, et son cerveau moins oxygéné. Il est un peu moins beau, un peu plus étrange que les autres Alphas, et il ne peut que ressentir et souffrir de cette différence dans cette société uniformisée.
D’ailleurs, il n’appartient plus vraiment à sa caste, il n’appartient à aucune caste. Et s’il lui arrive de l’oublier, nombreux sont ceux qui se chargent de le lui rappeler.
Cette errance identitaire lui donne un certain libre arbitre. Il pense, trop, il souffre mais refuse le Soma, ce bonheur à tout prix. Il remet en question la société et ses bases, il s’instruit de manière autonome, en étudiant les coutumes de l’ancien monde, jugées ignobles, mais qu’il les comprend.
Il n’accepte pas l’idée d’une sexualité obligatoire et diverse, la seule prônée, inculquée depuis l’enfance (il est fortement immoral de vouloir une exclusivité sexuelle ou sentimentale, et les citoyens doivent, qu’ils le désirent ou non, doivent changer de partenaire assez fréquemment, de manière à ce que tous soient satisfaits), et il rêve… Il rêve à un autre monde, un monde où il serait libre… libre d’être différent, libre d’aimer, de penser, de souffrir, de choisir…
Mais quelle place pourrait-il trouver dans cette société et peut-on vraiment changer quoi que ce soit à un monde qui est déjà pour tous :
…Le Meilleur des Mondes…
Titre Original : Brave New World
Auteur : Aldous Huxley
Date de Parution : en 1932 aux États-Unis et en 1932 en France.