Au début du XIXe siècle, en Angleterre, deux membres du clergé d’Oxford avaient rédigé un document écrit qui engageait le premier qui viendrait à mourir à rendre visite à son ami, si cela lui était permis, afin de confirmer sa croyance dans le monde invisible. L’un d’eux, le Dr W., était membre de son collège et l’autre, M. P., un universitaire qui vivait retiré à une trentaine de kilomètres d’Oxford. Les deux hommes s’intéressaient au surnaturel, qu’ils avaient très sérieusement étudié à travers de nombreux ouvrages, et ils croyaient que les anges se préoccupaient de la vie terrestre, intervenant parfois dans son déroulement.
Au mois de novembre 1815, le Dr W. rêva à deux reprises de son ami, M. P., qui lui apparut très pâle et souffrant visiblement de grandes douleurs, et qui lui hurla, la seconde fois: » W., ils sont en train de m’enterrer! » Troublé par la vive impression que lui avait laissé ce rêve, le Dr W. décida de passer à la maison de son ami dès le lendemain mais un certain travail pressant à l’université demanda son temps et son attention, ce qui l’obligea à repousser sa visite.
La nuit suivante, le Dr W. dormit d’un sommeil paisible puis il se leva comme à son habitude mais alors qu’il venait de déjeuner et qu’il était assis près du feu, lisant un livre, un coup résonna à la porte de la pièce, qui ressemblait à celui que son serviteur avait l’habitude de donner avant de se présenter. Absorbé par son ouvrage, le docteur l’invita machinalement à rentrer et brusquement une voix angoissée s’éleva près de lui, qu’il entendit distinctement et qu’il reconnut comme étant celle de son ami, M. P. : » W., ils sont en train de m’enterrer! «
Quelque peu troublé, le Dr W. se leva rapidement de son fauteuil et il s’empressa de fouiller la pièce et les chambres voisines, mais ce fut en vain. Le serviteur, qu’il avait envoyé en service, n’était toujours pas revenu et personne d’autre que lui ne se trouvait dans l’appartement. Il songeait à ce dilemme quand ses rêves lui revinrent en mémoire et s’inquiétant soudainement pour son ami, il ordonna que son cheval lui soit immédiatement amené. Après un long et difficile voyage, le Dr W. arriva enfin à la maison de l’ecclésiastique où, à son grand étonnement, les volets des fenêtres étaient tous fermés, puis il remarqua le corbillard empanaché de plumes et les deux chevaux qui attendaient devant la porte d’entrée et un sombre pressentiment s’insinua en lui.
Demandant des nouvelles de M. P., il apprit qu’il était mort subitement, que son cercueil était déjà fermé, que ses proches se trouvaient dans la maison et que l’enterrement devait avoir lieu à trois heures de l’après-midi. Le Dr W., qui voulait voir son vieil ami une dernière fois, supplia ses parents de faire dévisser le couvercle du cercueil, ce à quoi ils consentirent, mais quand il se pencha pour lui embrasser le front, il lui sembla sentir des signes de vie. Il mit alors sur oreille sur sa poitrine, puis il examina son visage, et soudain il s’écria: » P., m’entendez-vous? Ceci est une transe! Il respire! Il n’est pas mort! Il n’est pas mort! «
A ce moment-là, mais peut-être n’était-ce qu’un hasard, les muscles du coin de la bouche du malheureux tressaillirent, semblant lui adresser une réponse silencieuse, et aussitôt des ordres furent donnés pour que son corps soit levé du cercueil et allongé sur son lit. Des applications chaudes lui furent ensuite prodiguées, puis ses pieds et ses mains furent massés, et bien qu’il soit encore en état de transe, les signes de vie se devinrent sans équivoque. M. P. reprit conscience trois jours plus tard et il expliqua alors à l’assistance que dans la première partie de sa maladie, alors qu’il était en transe comme il le disait, il pouvait entendre les remarques des gens mais qu’il était totalement incapable de bouger. Par la suite, il perdit toute conscience de cette période et aucun effort mental ne put l’aider à s’en souvenir. Peu à peu il récupéra de la force, mais sa santé en resta cruellement affaiblie et il dut démissionner de ses fonctions.
Il mourut en 1825, à Bath, mais d’une étrange manière il se montra toujours extrêmement réticent à commenter l’incident, qui lui avait pourtant épargné une mort cruelle. Selon certains de ses amis, il en parlait en ces termes: » La voix suppliante entendue à Oxford était peut-être ma voix spirituelle. De cela, je ne peux rien dire, car je ne sais rien… ou elle était peut-être celle de mon ange gardien, et si tel fut le cas, alors Laus Deo! «
Source: Glimpses in the Twilight, Frederick George Lee, 1885.