En 1903, pour tenter de freiner » l’épidémie de faiblesse d’esprit » qui s’étendait inexorablement aux États-Unis, des responsables de la santé publique décidèrent d’enfermer les déficients intellectuels dans des établissements spécialisés. Pennhurst était l’un d’entre eux. Depuis, l’hôpital a été fermé mais les cris accusateurs des fantômes de son passé résonnent toujours entre ses murs.
Pennhurst, l’Histoire
Depuis le 18e siècle, les personnes souffrant d’une déficience intellectuelle étaient qualifiées de dégénérées, d’inaptes, de défectueuses, et elles étaient rejetées par la société. Craignant que les établissements spécialisés existants, comme celui d’Elwyn ou de Polk, ne soient submergés par ce qu’ils considéraient une marée montante de la » faiblesse d’esprit » héréditaire, les responsables de la santé publique de Philadelphie, Martin Barr, Joseph Neff et George Stanley Woodward, parvinrent à convaincre le conseil d’état de la nécessité de les isoler pour enrayer l’épidémie.
En 1903, l’État de Pennsylvanie donna son accord pour que soit construite une institution pour faibles d’esprit et une commission fut chargée d’enquêter sur leur nombre. Le recensement qui s’en suivit permit de déterminer que 1146 de ces malheureux étaient internés dans des asiles d’aliénés et que 2627 autres étaient enfermés dans des hospices, des hôpitaux, des maisons de corrections ou des prisons, ce qui soulignait le besoin urgent d’une structure spécialisée.
Les membres du comité en conclurent que le futur établissement devrait être capable d’accueillir cinq cent personnes et proposer deux sections distinctes, l’une consacrée à l’éducation et à la formation professionnelle, l’autre aux soins. Ils décidèrent d’un site pour le projet, l’architecte Phillip H. Johnson en dessina les plans, et peu de temps après, la construction des premiers bâtiments commençait. Les travaux aller durer cinq ans.
En 1908, l’Institution d’État de la Pennsylvanie pour les Faibles d’Esprit et les Épileptiques dressait fièrement sa silhouette de briques rouges sur un grand terrain boisé près de Spring City. Si l’ensemble du complexe était loin d’être terminé, ce premier bâtiment proposait déjà de petits dortoirs de deux ou trois lits, de plus grands de huit à dix lits, une salle d’exercice et une vaste salle à manger.
L’hôpital de Pennhurst ouvrit ses portes le 23 novembre 1908. Le besoin d’une structure pour les personnes atteintes de déficience mentale était tel que dès son ouverture, l’établissement se retrouva surpeuplé. Les pensionnaires étaient tous des hommes, les femmes ne furent admises que des années plus tard, surtout des jeunes et des enfants, épileptiques, handicapés mentaux ou autistes, que leurs parents confiaient au centre en désespoir de cause ou qu’ils abandonnaient là sans jamais revenir. Malheureusement, les soins n’étaient pas à la hauteur de leurs espérances et les parents qui visitaient leurs proches étaient souvent consternés de les retrouver dans un état déplorable.
Au sein de l’hôpital de Pennhurst, les pensionnaires étaient répertoriés en plusieurs catégories. Selon son état de santé physique, un résident pouvait être déclaré épileptique ou en bonne santé, bonnes dents, mauvaises dents ou dents traitées, et selon son état mental, fou ou imbécile. Ceux qui souffraient de retard mental étaient classés en trois groupes principaux suivant leur quotient intellectuel: les débiles (59-69), les Imbéciles (20-49) et les Idiots (moins de 20). Chacun de ces groupes occupait un bâtiment différent. Ces termes médicaux étaient vétustes et ils allaient bientôt être remplacés par de nouvelles définitions: retard mental léger, modéré, sévère et profond.
En 1912, les membres du courant eugéniste, qui voulaient retirer aux personnes différentes la possibilité de se reproduire, firent une pression énorme sur Pennhurst pour que l’établissement accepte de prendre en charge ceux dont la société ne voulait pas, les immigrants, les criminels, les orphelins etc… et les premiers rapports pour mauvais traitements commencèrent à fleurir. Au cours de la même année, le surintendant présenta un compte-rendu au Conseil d’administration remettant en cause l’hospitalisation au sein du même établissement d’handicapés mentaux et d’épileptiques: » Il est sans aucun doute très mauvais de placer les faibles d’esprit et les épileptiques dans la même institution. Ils ne sont pas pareils, ils sont aussi différents l’un de l’autre que le jour l’est de la nuit. Ils sont mentalement, physiquement et moralement incompatibles et nécessitent un traitement tout à fait différent. » Malgré ce sage discours, l’admission des personnes atteintes d’épilepsie allait continuer pendant des années.
En 1913, suite aux préoccupations soulevées par le Conseil d’Administration de Pennhurst, le législateur de Pensylvannie nomma une commission chargée d’étudier les soins aux faibles d’esprit. Après s’être penchée sur la question, elle déclara que les handicapés mentaux étaient » impropres à la citoyenneté » et qu’ils » constituaient une menace pour la paix « . Pour résoudre le problème, il suffisait de » briser la chaine de la reproduction sans fin. «
En 1916, le conseil d’administration suggéra de doubler la capacité d’hébergement de l’institution, qui était alors de 1200 lits, en construisant un groupe de bâtiments exclusivement réservés aux femmes. Pennhurst avait été construit à l’écart de la société pour ne pas imposer la terrible vision des simples d’esprits au public mais également pour éviter que leurs gènes ne se mélangent au reste de la population et cette préoccupation se retrouvait également au sein de l’établissement. Ces idées étaient inspirées de l’eugénisme, un mouvement fort en vogue à l’époque. Dans un rapport de l’assemblée, le médecin-chef de Pennhurst cita le Dr Henry H. Goddard, un eugéniste de premier plan, qui disait: » Toute personne faible d’esprit est un criminel potentiel. Le grand public, bien que plus convaincu que jamais qu’il est une bonne chose d’isoler l’idiot et l’imbécile, n’est pas encore convaincu que ce soit le traitement approprié pour un délinquant défectueux, qui est un individu plus brillant et plus dangereux. Il est maintenant généralement admis que la faiblesse d’esprit est, dans la grande majorité des cas, le résultat direct de la transmission héréditaire de la déficience mentale. Il est également connu que la femme faible d’esprit peut souvent avoir des enfants et que ces enfants seront à coup sur déficients ou d’une certaine façon dépendants. La jeune fille faible d’esprit est plus une menace pour la société que le garçon débile. Les statistiques montrent que les filles et les garçons débiles se marient à trois pour un. Il semblerait donc, si l’État n’est pas assez équipé pour prendre en charge tous les faibles d’esprit, que la fille faible d’esprit doive recevoir les soins en établissement de préférence au garçon car elle est une plus grande menace. » Fort heureusement, le mouvement eugéniste fut de courte durée aux États-Unis, discrédité en grande partie par l’idéologie et les expériences du régime Nazi.
En 1921, l’achèvement de l’hôpital concluait le développement du site originel tel qu’il avait été pensé. Au début du siècle, tous les établissements étaient conçus de manière à être pratiquement automnes et Pennhurst n’échappait pas à la règle. Hormis le charbon et les quelques fournitures qui lui étaient régulièrement livrés par chemin de fer, le Pennsylvania Railroad avait construit une station juste à côté quelques années auparavant, Pennhurst produisait tout ce dont il avait besoin. Il possédait sa propre centrale électrique, sa caserne de pompiers, son magasin général, sa salle de cinéma, sa salle de spectacle, sa serre, son terrain de baseball, son hôpital de 300 lits, et même son cimetière. Afin de prévenir tout accident, la plupart des bâtiments, ceux qui étaient réservés aux malades, étaient munis de fenêtres de sécurité et les cages d’escaliers étaient fermées par des barrières. Les différentes parties de l’édifice étaient reliées entre elles par des tunnels anti-feu qui étaient utilisées pour transporter les résidents d’un endroit à l’autre.
Au sein de l’établissement évoluaient du personnel administratif, des comptables, des employés de services sociaux, des membres du clergé, des dentistes, des psychiatres, des infirmiers, deux chirurgiens et plusieurs professeurs spécialisés dans divers domaines éducatifs mais cela restait insuffisant et la situation devenait critique. Comme de nombreux établissements à la même époque, Pennhurst survivait principalement grâce au travail de ses pensionnaires et malgré le nombre élevé de patients nécessitant des soins spécifiques, l’État ne lui fournissait que de maigres subventions. Le personnel médical manquait cruellement, et ce manque se faisait terriblement sentir, surtout pour les plus fragiles.
En 1930, le complexe réservé aux femmes était terminé. Suffisamment éloigné de celui des hommes pour éviter qu’ils ne se croisent, il possédait ses dortoirs, ses salles d’études et sa propre salle à manger.
Le 31 mai 1931, le rapport biennal du conseil d’administration rapportait qu’il y avait 1248 patients et 192 employés hébergés dans la résidence. Il soulignait que même si les nouveaux bâtiments en construction étaient presque terminés, ce qui soulagerait temporairement la surpopulation de l’établissement, ils ne réglaient en rien le problème. Chaque année, 250 nouvelles demandes d’admission venaient s’ajouter aux 900 déjà existantes et Pennhurst ne parvenait à répondre qu’à 120 d’entre elles.
En quelques années, les conditions de vie des malades s’étaient terriblement dégradées. Si certains patients étaient pratiquement autonomes, d’autres ne pouvaient pas se nourrir ou se laver eux-mêmes et les plus gravement atteints furent ceux qui en souffrirent le plus. Toute la journée ils étaient enfermés dans des lits métalliques à barreaux, des lits si petits qu’ils pouvaient à peine bouger ou se retourner. Certains se sentaient tellement seuls qu’ils se blessaient ou se barbouillaient de leurs propres excréments pour attirer l’attention.
D’autres se montraient cruels envers leurs compagnons d’infortune, les intimidant et les brutalisant, ce qui poussait parfois les plus fragiles au suicide. Le personnel surmené répondaient aux patients les plus agressifs en les droguant, en les enchainant à leurs lits ou en les enfermant dans l’une des chambres d’isolement du sous-sol. Ils y étaient parfois emprisonnés pendant de si longues périodes qu’ils régressaient, perdaient toute volonté de se battre ou même de vivre. Les abus sexuels étaient fréquents, aussi bien entre patients que de la part de membres du personnel et les châtiments cruels. Une sanction particulièrement barbare était appliquée à ceux qui mordaient. Si un résident mordait quelqu’un pour la première fois, il était réprimandé mais s’il recommençait, alors il était envoyé au dentiste qui lui retirait toutes ses dents. Des centaines de dents furent ainsi retrouvées dans une chaise de dentiste rouillée qui se trouve toujours dans les tunnels abandonnés de l’hôpital de Pennhurst.
En 1946, il n’y avait que sept médecins pour les 2000 pensionnaires de l’établissement et les demandes d’admission étaient si nombreuses que des listes d’attente avaient du être créées. Malheureusement, les bas salaires, les longues heures, le travail difficile et les locaux surpeuplés freinaient l’enthousiasme des médecins et des infirmières qualifiées qui évitaient d’y postuler, aggravant un peu plus une situation déjà critique. Vers la fin des années 1940, l’ARC, un organisme pour la défense des citoyens atteints de déficience intellectuelle, vit le jour. Créé et dirigé par des familles concernées, ce mouvement, soutenu par les médias, dénonçait les pratiques de Pennhurst et d’autres établissements du même genre.
En 1955, 3500 résidents s’entassaient dans les dortoirs de Pennhurst. Afin de palier au problème, deux annexes furent ouvertes dans d’anciens sanatoriums, une à Gettysburg, l’autre à White Haven, et des centaines de patients y furent transférés. Ces nouvelles mesures permirent à l’institution de porter sa capacité d’accueil à 4100 tout en faisant redescendre le nombre de personnes hébergées au sein de la structure originelle. En 1961, ce nombre était retombé à 3200 mais malheureusement, en raison du manque de personnel qualifié, les deux annexes furent rapidement fermées.
En 1968, Bill Baldini réalisa un reportage en cinq épisode intitulé » Suffer the Little Children » pour la chaine TV10 de Philadelphie. Il y brossait un terrible tableau de Pennhurst, soulignant ses graves dysfonctionnements, ses abus et ses négligences.
A cette époque, l’établissement était ouvert depuis cinquante ans. Sur les 2791 résidents qu’hébergeait Pennhurst, seuls 200 suivaient un programme destiné à améliorer leur condition. Interrogés à ce sujet, les administrateurs reconnurent que la situation était regrettable mais ils expliquèrent qu’avec un bâtiment délabré, un déficit budgétaire de quatre millions de dollars, et seulement 9 médecins et 11 enseignants, leurs mains étaient liées.
Les téléspectateurs découvrirent alors des images que jamais ils n’oublièrent. Des enfants à demi-dévêtus erraient sans but dans les couloirs, des hommes étaient attachés par les pieds et par les mains à des lits à barreaux, d’autres se balançaient, se tordaient ou convulsaient. Certains de ces hommes étaient gravement handicapés, physiquement et mentalement, mais d’autres semblaient tout à fait lucides et cohérents. Ils s’étaient simplement retirés en eux-mêmes pour échapper à la peur et à la souffrance.
Quand le présentateur s’approcha d’un pensionnaire pour lui demander ce qu’il aimerait le plus au monde s’il pouvait obtenir tout ce qu’il désirait, ce dernier répondit tristement qu’il voulait juste » sortir de Pennhurst « .
Les méthodes de l’établissement en matière de discipline étaient spéciales et le personnel ne le cachait pas. Ainsi, l’un des médecins de l’hôpital racontait comment il avait réussi à maitriser un tyran particulièrement vicieux qui brutalisait les autres pensionnaires, expliquant qu’il avait demandé à l’un de ses collègues de lui préparer une piqure du produit qui provoquait le plus d’inconfort possible sans toutefois nuire à la santé de façon permanente, puis qu’il l’avait injecté au persécuteur.
Ce reportage provoqua un vif émoi dans l’opinion publique et la presse se fit l’écho du scandale, titrant: Pennshurt, la Honte de la Pennsylvanie. Pourtant, les journaux avaient déjà souligné les graves problèmes du centre et tout le monde savait ce qui s’y passait, mais les images furent probablement plus explicites que des mots car elles amenèrent un grand nombre de téléspectateurs à appréhender la réalité de l’Institution.
En novembre 1974, après que ses parents, chez qui elle était en visite, aient découvert sur elle des ecchymoses inexplicables, Terry Lee Halderman, qui résidait à Pennhurst, intenta un procès contre l’établissement en son nom et au nom de tous les patients. Sa plainte alléguait que les locaux étaient insalubres et dangereux, les traitements inhumains, les punitions cruelles et que ses conditions de vie violaient le quatorzième amendement. En 1977, après une longue enquête et un procès de 32 jours, l’honorable juge Raymond J. Broderick se prononça en faveur des plaignants, déclarant que l’institutionnalisation forcée des personnes handicapées était inconstitutionnelle et que Pennhurst fournissait » un environnement si misérable et dangereux pour ses résidents que beaucoup d’entre eux subissaient effectivement une détérioration physique et une régression intellectuelle au cours de leur séjour dans l’établissement. «
Le procès Halderman contre Pennhurst permit de lancer une réflexion sur les besoins et les possibilités des personnes atteintes de déficience intellectuelle, ce qui allait grandement changer leur conditions de vie.
Bobby, le cousin de JD était né en 1956 et il avait été admis à Pennhurst en 1963. JD, qui habitait non loin de là, le visita à nombreuses reprises jusqu’à sa sortie, en 1981, et son témoignage était sidérant.
Quand il allait le voir, JD proposait souvent à son cousin d’aller jusqu’à l’administration chercher des Dollars de Pennhurst pour pouvoir acheter des bricoles au magasin, mais quand il prononçait ces mots, le visage de Bobby se décomposait et il refusait énergiquement en disant: » Aller à l’administration. Obtenir des dollars. Ne jamais revenir. » Bien qu’intrigué par cette mystérieuse phrase que son cousin répétait souvent sans véritable raison, JD ne la comprenait pas et il allait mettre des années à la décrypter.
Le cousin de JD avait un ami dont il parlait souvent, et cet ami s’appelait Jimmy. Un jour, à l’occasion d’une visite, JD apprit que Jimmy était allé au magasin et qu’il n’en était jamais revenu. Intrigué, JD téléphona aux parents du disparu qui lui répondirent que leur fils se trouvait au centre et qu’ils ne voulaient plus en entendre parler.
En écoutant Bobby répéter des brides de phrases qu’il avait entendues ici ou là, JD parvint à comprendre que Jimmy n’était pas le seul à avoir à avoir mystérieusement disparu. Apparemment, de nombreux pensionnaires étaient rentrés dans les tunnels mais ils n’en étaient jamais ressortis. Ces tunnels trainaient d’ailleurs une horrible réputation depuis les années 1960, et certains se souvenaient encore des terribles châtiments corporels qui y étaient infligés.
La dernière fois que Jimmy avait été aperçu, il s’engouffrait dans le souterrain en compagnie d’une infirmière aussi JD, qui tenait à savoir ce qui lui était arrivé, décida de s’y faufiler discrètement et de progresser autant qu’il le pourrait, ce qu’il fit dès que l’occasion se présenta. Au sous-sol de la salle à manger, deux hommes assis à une table, la tête en bas. Dans un coin de la pièce, un troisième tapait sur le sol avec une poupée. Un peu plus loin, un homme nu, allongé sur le sol, tremblait et gémissait. Dans la salle de stockage, un autre résident, lui-aussi complément nu, était assis par terre et il frappait inlassablement sur le mur avec un tuyau. Avançant encore, JD croisa deux patients qui, étrangement, portaient des sceaux. Un autre, abandonné sur un fauteuil roulant dans un recoin sombre, riait pour une raison que lui seul connaissait. Les tunnels étaient tellement obscurs qu’il n’en voyait pas le fond. Ils étaient remplis de fauteuils roulants, certains en état de marche d’autres brulés, de chariots pleins de draps et serviettes, de matériel médical, de pots de peinture, de feuilles, de feuilles brûlées, de poupées, de poupées brûlées, de tuyaux, de roches brisées et de morceaux calcinés de lits. Lors de ses deux tentatives, JD ne put tout visiter comme il l’aurait voulu. Des membres du personnel médical surgissaient parfois en petits groupes, l’obligeant à se dissimuler ou à remonter rapidement. Jamais il ne découvrit ce que Jimmy était devenu mais vingt ans plus tard, alors qu’il avait quitté l’établissement depuis des années, Bobby continuait à trembler en entendant parler des Dollars de Pennhurst et du magasin.
En 1983, neuf employés furent inculpés pour avoir donné des coups et des gifles à des pensionnaires, dont certains étaient en fauteuil roulant, qui en agressaient d’autres. Ce procès, qui fut définitivement clos en 1984, conduisit l’hôpital de Pennhurst à fermer ses portes trois ans plus tard. Malgré les mauvais traitements qu’ils avaient subis, la plupart des résidents ne voulaient pas partir de Pennhurst, qui était leur maison, la seule qu’ils connaissaient. Cependant, ils n’eurent pas le choix. Certains reçurent un traitement qui devait, dans l’idéal, leur permettre de se réintégrer la société, alors que d’autres, ceux qui n’étaient pas automnes, furent pris en charge par différentes structures.
A cette époque, le département des affaires militaires avait acheté le nord de la propriété, ils avaient rénové l’un des bâtiments et l’avait transformé en centre pour anciens combattants. La garde nationale utilisait également certaines structures comme armurerie, aussi, à sa fermeture, Pennhurst ne connut-il pas un vandalisme aussi virulent que celui que subirent les hôpitaux du même genre qui fermèrent après lui.
Néanmoins, malgré cette présence dissuasive, l’établissement tombait déjà en ruine depuis quelques années, et sa fermeture accéléra le processus. Année après année, l’humidité envahissait inéluctablement les bâtiments inoccupées où trainaient encore sur le sol de vieux vêtements, du matériel médical et des meubles brisés. De nombreux visiteurs clandestins s’introduisaient discrètement entre ses murs, pillant ce qui pouvait l’être, pulvérisant de la peinture un peu partout et brisant toutes les vitres de l’endroit. Parmi eux, se trouvaient un grand nombre d’anciens pensionnaires de Pennhurst, qui étaient allés grossir les rangs des sans-abris.
Pendant plusieurs années, les membres du conseil d’État de Pennsylvanie tentèrent de déterminer ce qu’il convenait de faire de Pennhurst sans grand succès. En 2001, les responsables approuvèrent un projet de développement privé et l’ancien hôpital fut vendu à un promoteur pour deux millions de dollars. Un organisme visant à protéger le site fut alors créé, et quelques années plus tard, Pennhurst était classé monument historique. De nos jours, une partie de la propriété est utilisée par une entreprise de compostage alors qu’une autre a été vendue à une famille, les Smith, qui se retrouve au centre d’une controverse inhabituelle. En 2010, après avoir partiellement rénové l’ancien bâtiment administratif, les Smith y ont ouvert une attraction, L’Asile de Pennhurst, une sorte de maison hantée, ce que beaucoup jugent choquant et profondément irrespectueux pour tous ceux qui ont souffert en ces lieux. Ils accusent l’Asile de Pennhurst d’exploiter les éléments les plus tragiques de l’histoire pour en tirer profit, de se moquer des personnes handicapées, et de désacraliser une propriété considérée comme le symbole de la victoire juridique qui a permis la ré-intégration des personnes ayant une déficience dans la société. Plus grave encore, ils affirment que la maison hantée détruit le combat âprement disputé par les membres de la communauté pour éviter d’être vus comme des gens différents, des sortes de monstres, quelque chose de moins qu’humain. Les principaux concernés expriment également leur incompréhension, se sentant offensés par l’image qui est donnée d’eux.
Parallèlement à ce problème éthique, les défenseurs du patrimoine estiment quand eux que les propriétaires actuels, qui ont récupéré certains éléments de l’ancien hôpital, comme les refroidisseurs de la morgue, occasionnent de nombreux dommages aux bâtiments, ce que démentent les Smith qui assurent, au contraire, avoir pris des mesures pour inverser les nombreux dégâts causés par le temps et le vandalisme. A l’avenir, ils envisageraient de restaurer une grande partie de la propriété et et de créer un musée.
Pennhurst, la Hantise
Bien évidemment, avec un tel passé, l’hôpital de Pennhurst ne pouvait pas échapper aux manifestations surnaturelles. Timoty Smith, le fils des propriétaires, s’occupe de la restauration des bâtiments et de l’Asile Hanté, mais il est également le président d’une association, Association Paranormal Pennhurst, qui s’intéresse aux phénomènes paranormaux et il prévoit d’ouvrir l’ancien hôpital aux chasseurs de fantômes. La devise de l’association est cependant d’un gout… douteux: » Ils ont vécu ici, ils sont morts ici, et ils sont toujours là. «
Comme semblent le prouver les nombreuses photos d’orbes, d’apparitions translucides et de silhouettes sombres, la propriété serait le refuge d’une multitude d’entités qui aimeraient à se faire entendre. Certains de ces esprits seraient pacifiques et et se contenteraient de partager leurs émotions: » J’ai peur « , mais d’autres n’hésiteraient pas à proférer des menaces de leurs voix désincarnées: » Pars « , » Je vais te tuer « , » Nous sommes en colère « , » Pourquoi es-tu venu ici? » » Pourquoi ne partez-vous pas? «
Parfois, des portes s’ouvriraient et se refermeraient d’elles-mêmes, un rockingchair se balancerait sans que personne ne soit assis dessus, un piano jouerait tout seul, des objets seraient projetés dans l’air, des bruits de pas résonneraient dans les couloirs déserts, et des cris s’élèveraient des chambres vides. De nombreuses silhouettes obscures, dont celle d’une fillette aux longs cheveux noirs, apparaitraient et disparaitraient à volonté, se montrant parfois agressives. Un enquêteur du surnaturel qui visitait les lieux aurait été poussé violemment dans un escalier, ce qui lui aurait laissé une grosse marque rouge en bas du dos, un autre aurait eu le bras griffé et une médium aurait senti la présence très nette d’une entité maléfique.
Une dame en blanc et une jeune fille blonde erreraient dans l’établissement et plusieurs témoins de confiance auraient rapporté l’observation d’une femme habillée comme une ancienne nourrice dans le bâtiment Limerick. Parfois, les Gens de l’Ombre, les fameux Shadow People, effleureraient les visiteurs trop curieux et le bruit d’une chasse d’eau résonnerait entre les murs du bâtiment administratif, qui n’est plus alimenté en eau depuis longtemps. A Hershey, la voix gracile d’une enfant se ferait timidement entendre au troisième étage.
Certains croient que les bâtiments et les galeries souterraines sont hantés par les esprits en colère des anciens patients qui ont souffert et sont morts à Pennhurst mais d’autres pensent que les âmes fragiles des enfants ont été capturées par un démon qui les maintient là prisonniers. Quoi qu’il en soit, l’hôpital de Pennhurst est enchainé à son histoire et même avec un bon exorcisme, comme certains le suggèrent, il restera à jamais hanté par son passé.
Sources: Site de Soutien à Pennhurst, Témoignages, et autres…