Dans la petite ville de Thirsk, située au nord du Yorkshire en Angleterre, se dressait autrefois le Busby Shoop Inn, une taverne qui tenait sa sinistre réputation de l’une de ses chaises que l’on disait hantée.
Vers la fin du XVIIe siècle, Daniel Awety, faux-monnayeur et faussaire notoire, quitta la ville de Leeds pour venir habiter le petit village de Kirky Wiske, dans le nord du Yorkshire, en Angleterre, afin d’y poursuivre ses activités illégales en toute tranquillité. Il acheta une ferme à l’orée du village, et la rebaptisa la Danotty Hall. La maison se trouvait au sommet d’une petite colline. Elle offrait une excellente vue sur toutes les personnes qui gravissaient le sentier, et il l’avait choisie pour cette raison. Une fois installé, il construisit discrètement une pièce secrète sous le bâtiment. Il y accédait par un passage secret qui partait de la cave. Il fit ensuite poser une grande porte en chêne à l’arrière, juste en face du chemin d’accès, et la renforça d’une lourde barre de fer carrée. Cette barre de fer, qui faisait plus de quatre mètres de long, reposait dans un trou dissimulé dans le mur de gauche venait se fixer dans celui de droite. Si des visiteurs indésirables se présentaient, il pouvait barrer la porte rapidement pour les retarder, ce qui lui permettait de dissimuler le matériel de la petite entreprise de fausse-monnaie qu’il avait installée sur les lieux. Daniel prit comme partenaire un homme de la région, Thomas Busby, qui devint rapidement son beau-fils. Il avait la réputation d’être un tyran, un ivrogne et un malfaisant, mais il avait réussi à épouser Elizabeth, la plus jolie fille du village.
Un jour, en rentrant dans l’auberge qu’il tenait avec sa femme, la Busby Shoop Inn, à Thirsk, Thomas découvrit son beau-père assis dans son fauteuil préféré. Il rentra dans une terrible colère, et les deux hommes se disputèrent violemment. A un certain moment, Daniel le menaça de reprendre sa fille et de la ramener avec lui à Danotty Hall, et le visage de Thomas devint blanc comme un linge. Il ne répondit rien, mais son regard était lourd de menaces. Tard dans la nuit, il monta discrètement à la ferme et il défonça sauvagement le crâne de son beau-père à coups de marteau. Après ce meurtre il disparut, se dissimulant dans les bois environnants. Peu de temps après, comme personne ne voyait plus Daniel Awety au village, des recherches furent organisées, qui conduisirent à la découverte du corps et à l’arrestation de son beau-fils. En 1702, Thomas Busby fut jugé par les assises de York et condamné à être pendu. Le gibet se trouvait juste en face de son auberge, sur la grand-route menant à Thirsk. Thomas était en chemin vers la potence quand avisant son auberge, il demanda à boire une dernière bière, assis sur sa chaise. Alors, comme il avait droit à une dernière volonté, cette faveur lui fut accordée. Une fois sur place, il prit place sur son siège, et il déclara d’une voix forte, pour que tous l’entendent : « Que la mort foudroie tous ceux qui oseront s’asseoir sur ma chaise. »
Après sa mort, l’auberge de Thomas Busby fut rebaptisée de son nom et de nombreuses personnes affirmèrent avoir vu son fantôme. Sa chaise, qui était réputée hantée, avait été laissée à sa place. Elle avait été surnommée « Le Fauteuil de la Mort. » Au cours des années suivantes, personne n’osa braver la malédiction. Les habitants du village, qui se souvenaient de ses dernières paroles, ne s’asseyaient jamais sur le fauteuil maudit. Ils proposaient régulièrement aux voyageurs de passage de tenter l’expérience, mais personne ne voulait jamais s’y risquer.
Au fil du temps, certains téméraires finirent par relever le défi. La légende rapporte qu’à la fin du XVIIIe siècle, la chaise avait été responsable d’une dizaine de morts. En 1894, un ramoneur et son camarade s’arrêtèrent pour boire au Busby Stoop. Avisant la chaise libre, le ramoneur s’y assit sans une hésitation, puis il déclara qu’il se sentait parfaitement bien. Après avoir quitté le pub, il se coucha sur le bord de la route pour y passer la nuit. Le lendemain matin, il fut retrouvé pendu par le cou à un portail, juste à côté de l’ancien gibet de Busby. L’enquête conclut à un suicide. Dans les années 1940, en face de l’auberge, se trouvait un aérodrome qui servait de base à quatre escadrons de la Royal Canadian Air Force. Les militaires avaient l’habitude d’aller boire à la taverne tout proche, et ils commençaient tous l’histoire de la chaise maudite. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, de tous les aviateurs qui s’y assirent, aucun ne rentra jamais chez lui. En 1967, deux pilotes de la RAF décidèrent de tenter le sort. Un peu plus tard, leur voiture heurta un arbre et les deux hommes perdirent la vie sur le chemin de l’hôpital.
En 1968, Tony Earnshaw, un homme qui n’avait rien de superstitieux, racheta la vieille auberge. Il connaissait les rumeurs sur la chaise maudite, mais il les jugeait aberrantes. Plusieurs incidents allaient l’obliger à revoir son jugement. Un jour, un homme décida de s’asseoir sur la chaise maudite et il mourut d’une crise cardiaque au cours de la nuit suivante. A une autre occasion, alors qu’elle essuyait le fauteuil, une femme de ménage glissa et tomba dedans. Elle mourut peu après d’une tumeur au cerveau. Tous les motocyclistes et les cyclistes qui utilisèrent la chaise de Thomas Busby furent ensuite impliqués dans des accidents mortels. L’un des jeunes ouvriers d’un groupe de couvreurs qui s’étaient arrêtés à l’auberge à l’heure du déjeuner choisit de s’asseoir dans Le Fauteuil de la Mort. Lorsqu’il retourna sur le chantier, le jeune garçon passa au travers d’un toit et s’écrasa sur le béton. Après sa mort, Tony Earnshaw, le propriétaire de l’auberge, décida de mettre la chaise à la cave pour plus de sureté. En 1978, le livreur d’une brasserie qui était venu apporter des fournitures à la taverne s’assit dans le fauteuil de Busby, qui se trouvait toujours au sous-sol, afin de se reposer un moment. En remontant, il dit au propriétaire qu’il le trouvait très confortable et qu’un joli meuble comme celui-là ne devait pas rester enfermé dans une cave humide mais placé en évidence dans la salle du bar. Quelques heures plus tard, son véhicule quittait inexplicablement la route. Il fut tué sur le coup. M. Earnshaw, qui ne voulait plus prendre de risque, décida d’offrir la chaise maudite au musée de la ville de Thirsk, à condition que le musée ne laisse jamais personne s’asseoir dessus, et la promesse lui fut donnée qu’il serait fait selon son souhait. Pour éviter tout risque inutile, le musée suspendit la chaise au plafond, là où personne ne pourrait plus jamais tester la véracité de la malédiction de Thomas Busby. Mais même si sa chaise favorite ne se trouvait plus dans l’auberge, le fantôme de Thomas Busby semblait toujours hanter les lieux et il comptait bien y rester. Après avoir repris l’auberge, Karen Rowley rapporta : « Je suis ici depuis sept ans et les habitants ont toujours peur de la chaise et de sa malédiction. J’ai vu une silhouette sur le palier à l’étage, elle ressemblait à un être humain de très grande taille sans bras et sans visage distinct. Il s’est déplacé latéralement et il a ensuite disparu à travers un mur. J’étais absolument terrifiée. »
La taverne a fermé ses portes en 2012. Chaque année, le musée de la ville de Thirsk voit affluer de nombreux curieux, et certains sont même prêts à payer une fortune pour avoir le droit de s’asseoir dans Le fauteuil de la Mort. Malheureusement, le musée ne peut accéder à leur requête car, comme le soulignait son directeur : « Il est de notre devoir de respecter les souhaits de nos bienfaiteurs. »