The Quiets Ones, de John Pogue, est un film d’horreur inspiré d’une histoire vraie, celle d’un groupe de recherche qui tenta, dans les années 70, de créer un fantôme. Je vous propose de découvrir leur incroyable aventure.
Le spiritisme était une pratique populaire depuis longtemps déjà. Dans la plupart des cas, cinq ou six personnes s’asseyaient autour d’une table, dans une pièce sombre, en se tenant par la main. Elles tentaient par ce moyen de canaliser les fantômes qui pouvaient être présents. Au cours de ces rituels, de nombres phénomènes paranormaux étaient rapportés. Des coups retentissaient sur la table, des grattements s’élevaient des murs, des objets se renversaient, des voix désincarnées troublaient le silence et les apparitions d’entités n’étaient pas rares.
Si beaucoup de ces manifestations étaient truquées par des médiums malhonnêtes en quête de popularité, une partie de ces phénomènes restaient inexplicables.
Dans les années 60, une nouvelle théorie commença à émerger. Elle affirmait que la plupart, sinon tous les cas de poltergeist, étaient le résultat de personnes envoyant inconsciemment des ondes à leur environnement. Ces ondes manipulaient les objets et les déplaçaient. Dans la plupart des cas, les manifestations avaient tendance à se concentrer autour d’un enfant ou d’un adolescent, ce qui laissait à penser que les changements hormonaux de la puberté sur lesquels venaient se greffer des troubles émotionnels créaient une situation favorable à de tels phénomènes.
Au début des années 1970, le docteur Alan Robert George Owen de l’Université de Toronto décida de réunir un groupe de recherche sous le nom de la Toronto Society for Psychical Research afin de tenter une fabuleuse expérience: faire apparaitre un fantôme issu de l’imagination humaine et communiquer avec lui.
Ce groupe était constitué de huit personnes dont aucune ne possédait de pouvoirs psychiques spécifiques. Il était composé, entre autres, de George Owen et de sa femme Iris, d’une ancienne présidente de la MENSA, d’un designer industriel, d’un comptable, d’une femme au foyer et d’un étudiant en sociologie. Le Dr Joel Whitton, psychologue, participa également à de nombreuses séances en tant qu’observateur. Le Dr Owen cherchait à prouver que les phénomènes surnaturels habituellement attribués aux fantômes n’étaient finalement que des manifestations de l’esprit humain et que plusieurs personnes se concentrant de manière prolongée pouvaient faire émerger une entité de leur pensée collective.
L’expérience, qui allait être connue sous le nom L’expérience de Philip (The Philip Experiment), débuta en 1972. La première tâche des membres du groupe fut de créer un personnage historique fictif et d’en imaginer la vie aussi précisément que possible. Trois mois plus tard Philip Aylesford naissait de leur réflexion. Sa biographie était fournie, enrichie d’une immense variété de détails, et une esquisse de son visage avait même été tracée.
Philip vivait au milieu du 17e siècle, c’était un homme de belle prestance, un noble d’origine anglaise, catholique et partisan du roi. Joueur, très endetté, il avait rapidement dilapidé la dot de son épouse, Dorothea, une femme aussi belle que froide.
Un jour, alors qu’il se promenait à cheval à l’orée de ses terres, Philip découvrit un campement de bohémiens et il y découvrit Margo, une ravissante jeune fille aux cheveux de jais, dont il tomba éperdument amoureux. Il la ramena secrètement dans sa maison familiale, le manoir de Diddington, et il l’installa dans la guérite, tout près des écuries.
Mais Dorothea découvrit l’existence de Margo et elle la fit aussitôt accuser de sorcellerie. Philip, qui tenait à conserver ses biens et sa réputation, se garda bien d’intervenir en sa faveur et la malheureuse fut condamnée et brûlée sur le bûcher. Tourmenté par le remord, Philip se suicida en se jetant du haut des remparts.
En septembre 1972, lorsque l’on estima le passé de Philip suffisamment étoffé, la seconde phase de l’expérience put commencer. Les membres du groupe se réunissaient une fois par semaine, dans une pièce éclairée. Ils discutaient de Philip et de sa vie, ils tentaient de comprendre l’homme qu’il avait été et de le rendre aussi réel que possible, ce qui était particulièrement important pour la réussite du projet.
Parfois, ils méditaient en pensant à lui ou ils tentaient de visualiser son image. S’il arrivait que certains aient l’impression de ressentir une présence dans la salle ou d’avoir une image mentale forte de Philip, il n’y avait aucun résultat concret. Aussi, après un an de vaines tentatives, ils comprirent qu’il leur fallait aborder le problème différemment.
Ils décidèrent alors de recréer dans la pièce l’atmosphère d’une séance de spiritisme. Les membres de l’assemblée se réunissaient maintenant autour d’une table ronde, sous une lumière tamisée, entourés d’objets anciens datant de la période où Philip était censé avoir vécu et cette nouvelle ambiance allait rapidement amener les résultats attendus. Une nuit, un coup net résonna sur la table: Philip venait de se manifester pour la première fois. Lorsqu’ils lui posaient des questions, Philip répondait, un coup pour oui, deux coups pour non, selon le schéma classique. Lorsqu’une question l’embarrassait, alors des grattements et des crissements s’élevaient de la table.
Philip connaissait parfaitement sa biographie, il possédait une personnalité, faisant état de gouts et d’avis, il pouvait discuter de son époque mais il semblait incapable de donner des détails supplémentaires sur sa vie et s’en tenait scrupuleusement au portait établi.
Leur création avait donc ses limites. Philip ne pouvait répondre qu’à des questions dont les réponses étaient déjà connues du groupe car il était une manifestation de leurs esprits et il ne pouvait deviner ce que leurs inconscients ignoraient.
La table semblait être l’épicentre des manifestations. Lors de certaines séances, elle glissait sur l’épais tapis ou dansait sur l’un de ses pieds. Elle pouvait se déplacer si violemment qu’à plusieurs reprises elle traversa la pièce, fonçant vers les retardataires et les coinçant même dans un angle. Lorsqu’elle s’animait on la sentait vibrer d’une énergie électrique et il se formait parfois en son centre une fine brume.
Si on le lui demandait, Philip pouvait tamiser les lumières, les éteindre ou les allumer, souffler quelque courant d’air glacé ou faire bouger des tableaux. Certains membres du groupe prétendirent même avoir entendu la voix de Philip murmurer ses réponses, mais rien ne fut jamais enregistré sur les magnétophones.
Bien que l’expérience ait donné des résultats inespérés et que les manifestations paranormales soient remarquables, jamais le groupe du Dr Owen n’atteignit son objectif final: obtenir une véritable apparition de Philip.
A l’occasion d’un tournage pour un documentaire, l’assemblée fit une démonstration de ses résultats devant une cinquantaine de personnes. Philip, nullement intimidé par le public, se manifesta comme à son habitude. Il frappa des coups sur la table, la fit léviter, s’amusa à faire clignoter les lumières et à soulever un tableau à 2 cm du sol. Malheureusement, même si toutes les personnes présentes purent constater l’étendue de ses capacités, en intervenant sur les lumières, Philip empêcha les caméras de filmer certains des phénomènes (vidéo du documentaire).
A la fin de cette première expérience, le Dr Owen décida d’essayer de nouveau avec un groupe totalement différent et un nouveau personnage fictif. Cinq semaines plus tard, la nouvelle assemblée prenait contact avec son fantôme, Lilith, une espionne franco-canadienne.
Vers le milieu des années 70, des chercheurs de l’université de Montréal décidèrent de tenter de reproduire L’expérience de Philip. Ils espéraient obtenir des résultats semblables à ceux du Dr Owen en faisant intervenir un personnage du futur. Louis Bélanger, qui participa à l’opération, décrivit l’expérience ainsi:
» Nous voulions obtenir des résultats semblables à ceux du groupe Philip du docteur George Owen à Toronto, mais cette fois-ci, le fantôme créé de toutes pièces devait être un personnage du futur.
Au printemps 1975, la psychologue Denise Roussel fit paraître une annonce dans les Cahiers du psychologue québécois. Elle invitait les professionnels intéressés par les phénomènes psi à se rencontrer. C’est ainsi que naquit le GERPSI (Groupe d’Étude et de Recherche en Psilogie). Albert Drouin et moi-même avons été appelés comme personnes-ressource.
Denise, très dynamique, organisatrice hors-pair, mettait les gens à l’aise, les faisait se rencontrer. Après une année centrée sur l’information, nous avons formé des cellules séparées plus ou moins actives de psi-praxie et de psi-théorie; je dois mentionner ici Jean Ouimet et Jean Brard qui apportèrent des réflexions théoriques précieuses en physique et en épistémologie.
Axel se situe donc comme une expérience se déroulant à l’intérieur d’un cours de l’université de Montréal, avec quelques membres du GERPSI, de l’automne 1976 à l’été 1977.
La composition du groupe était assez particulière, six femmes et deux hommes. Certains membres, très sceptiques, cherchèrent d’emblée à décortiquer le mécanisme de la genèse du fantôme. Manière inadéquate pour une expérience de ce genre au cours de laquelle les participants doivent rester spontanés, l’esprit ouvert, sans idées préconçues, extrêmement disponibles afin de jouer le jeu sans entraves ni obstacles.
Ce n’est qu’après une visite de trois représentants de notre groupe au groupe Philip de Toronto que, quinze jours plus tard, ayant adapté notre protocole d’expérimentation, nous avons obtenu les premiers raps (coups sur la table).
Mais je dois avouer que chez nous, à Montréal, les effets n’ont jamais atteint la puissance et la précision de ceux qu’avait obtenus le groupe Philip et que l’effet de déclin est intervenu assez rapidement. Pour ma part, je pense que notre équipe était moins motivée et moins soudée que celle des promoteurs de Philip. «
Bien évidemment, il y en eut pour affirmer que toute cette histoire n’était qu’un canular. Certains en conclurent que les fantômes n’existaient pas et que nous étions, inconsciemment, responsables de ce genre de phénomènes. D’autres affirmèrent que les membres du groupe du Dr Owen étaient rentrés en contact avec un esprit ludique -ou démoniaque-, qui s’était moqué d’eux, leur offrant le spectacle qu’ils espéraient. Je dirais, pour ma part, que l’esprit humain renferme probablement un potentiel que nous sommes loin de connaitre et de maitriser mais qu’il est très délicat de tirer une quelconque conclusion de cette expérience.