Le film Greystone Park, de Sean Stone, suit les pas de trois jeunes cinéastes qui espèrent réaliser un documentaire sur les phénomènes surnaturels qui se produiraient au sein d’un vieil asile abandonné prétendument hanté, le Greystone Park. Comme vous pourrez le découvrir par la suite, Sean Stone affirme que son film est inspiré d’événements dont il fut témoin alors qu’il visitait les lieux. Mais bien avant qu’un long-métrage ne parle de lui, l’hôpital de Greystone Park, comme bien des hôpitaux psychiatriques, possédait déjà une sinistre réputation, qui lui venaient de son passé et des rumeurs de hantise qui l’entouraient.
L’Histoire du Greystone Park
Mme Dorothea Dix, une institutrice qui se battait pour améliorer les conditions de vie des malades mentaux, fut à l’origine de la construction du New Jersey Lunatic Asylum. Elle avait demandé son élaboration afin de soulager la surpopulation d’un hôpital psychiatrique qu’elle avait fondé à Trenton en 1848. L’hôpital de Trenton était le premier asile conçu selon les consignes de Thomas Kirkbride, un médecin qui soulignait la nécessité de traiter convenablement les malades mentaux. Au cours des années 1800, Thomas Kirkbride était considéré comme l’une des principales autorités en matière de santé mentale. Il prônait une médecine humaine, où les patients bénéficiaient de soins attentifs et d’un minimum de contraintes. Il était persuadé que l’environnement des malades, les bâtiments où ils séjournaient et les terrains aux alentours, influaient sur leur guérison.
Le 29 aout 1871, la persévérance de Dorothea Dix conduisit l’administration du New Jersey à investir 2.5 millions de dollars afin d’acquérir 300 hectares de terres pour y bâtir un nouvel hôpital. La propriété était constituée de sols fertiles, de carrières de pierre et de sable, d’une exploitation minière et de réservoirs destinés à recevoir de l’eau et de la glace. Samuel Sloan avait été nommé architecte sur ce projet et il avait suivi les directives du Docteur Kirkbride pour son élaboration.
Comme tous les établissements battis sur ce modèle, le New Jersey Lunatic Asylum présentait une magnifique architecture aux détails soignés. Le majestueux bâtiment central était destiné à recevoir les bureaux administratifs et les appartements des employés, mais il proposait également aux patients une salle de sport et une chapelle.
Il était prévu que les malades soient répartis dans les deux grandes ailes qui entouraient le bâtiment central, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Les plus instables seraient internés aux extrémités des étages inférieurs, loin de la zone administrative, là où leurs cris seraient les moins susceptibles de déranger les autres résidents. Pour les patients moins affectés, de luxueux quartiers avaient été aménagés près du bâtiment central. Ils étaient agrémentés de meubles rembourrés de style victorien, de pianos, de tapis de laine, de tableaux et de fleurs fraiches.
Le New Jersey Lunatic Asylum ouvrit ses portes le 17 aout 1876. Il avait été prévu pour recevoir 600 personnes et en 1877, il en abritait seulement 342.
Bien que l’établissement ait été pleinement opérationnel, le parc et les jardins environnants étaient encore en travaux aussi de nombreux malades furent-ils employés à leur finalisation ainsi qu’à la constructions des chemins et des routes.
Les patients participaient également aux différentes productions de l’hôpital, aux travaux des champs ou de la ferme par exemple, car le Dr Kirkbride pensait que le travail aidait à leur guérison en leur apportant un sentiment d’accomplissement. De plus, l’on croyait alors que l’exercice procurait un apport supplémentaire de sang au cerveau, ce qui améliorait l’état général des malades.
De ce fait, l’hôpital psychiatrique bénéficiait du fruit de leur labeur et il était pratiquement autonome, ce qui était une pratique courante à l’époque. Une fois l’aménagement terminé, le Greystoke Park devait disposer de ses propres fermes laitières et agricoles, d’une station de production d’énergie, d’une station d’approvisionnement en eau, d’une police privée, de casernes de pompiers, d’un bureau de poste, ainsi que d’installations de loisirs et de formation professionnelle.
En 1895, le Lunatic State Asylum hébergeait 325 patients de plus que ses capacités. La surpopulation entrainait des problèmes majeurs de santé et de propreté, ce qui aboutit à une petite épidémie de fièvre typhoïde qui fut imputée à l’approvisionnement en eau. Au cours des années qui suivirent, le problème s’aggrava encore. Pour faire dormir les 1189 patients qui s’entassaient au sein de l’établissement, des lits furent disposés dans les salles d’activités, les salles d’exercice et dans les couloirs. Souvent, les malades se souillaient durant la nuit, et les lits étaient simplement pliés et réinstallés le lendemain soir.
» D’un point de vue sanitaire, ces lits sont une abomination » déclara le conseil d’administration. Malgré cette constatation, les lits continuèrent à occuper les couloirs.
L’asile se devait de créer plus de chambres et en 1901, un nouveau dortoir fut finalement achevé et aussitôt rempli, ce qui régla temporairement le problème. Les pensionnaires furent de nouveau regroupés suivant leurs pathologies et les salles d’exercice et d’activités retrouvèrent leurs vocations originelles.
Au cours des années qui suivirent, le nouveau quartier s’enrichit d’infirmeries, de salles d’opérations et d’un bowling, qui devint très rapidement populaire, aussi bien parmi les résidents et que parmi le personnel de l’établissement, surtout durant les mois d’hiver quand les sorties en plein air s’avéraient impossibles.
Le nombre des malades était en constante augmentation et en 1903, la limite des 1500 pensionnaires fut atteinte, posant une nouvelle fois le problème de l’hébergement.
La même année, une salle d’électrothérapie fut installée dans le bâtiment principal, et l’aile du dortoir des femmes reçut une salle d’hydrothérapie. L’année suivante, un service analogue fut aménagé dans le quartier des hommes. Si certaines méthodes, telles que les bains de vapeur, ressemblaient aux services proposés dans les spa, d’autres étaient bien plus agressives. Britton D. Evans, directeur médical, écrivit sur ce nouveau traitement en 1906: » Il est bien connu que l’application d’eau a des degrés variables de température et de pression influence les différentes caractéristiques thérapeutiques de l’ensemble de l’économie du corps humain et facilite les pouvoirs de récupérations de l’organisme « . L’hydrothérapie, sous ses diverses formes, fut utilisée de 1906 à 1950.
En 1911, l’asile disposait de 1600 places mais il hébergeait 2672 pensionnaires, ce qui posait une nouvelle fois problème et des lits furent donc installés dans les couloirs et dans les salles d’activités, comme à l’accoutumée. Cette situation allait durer jusqu’en 1917, date où une nouvelle annexe aux dortoirs fut inaugurée. A cette époque, le traitement des maladies mentales était tout à fait singulier. Les médecins enlevaient parfois les dents, les amygdales, la thyroïde ou les glandes de la prostate des malades dans une tentative malavisée d’atténuer leurs problèmes psychiatriques. En 1924, l’hôpital fut rebaptisé le Greystone Park Psychiatric Center.
1929 et 1930 furent deux années éprouvantes pour le Greystone Park car trois incendies ravagèrent les structures de l’établissement, nuisant gravement à ses capacités. Le 26 novembre 1930, des câblages électriques défectueux furent probablement responsables du plus dévastateur des trois feux, qui débuta au 6eme étage du bâtiment central. Durant l’évacuation, certains des patients furent attachés à des arbres avec des cordes de pompier, afin d’empêcher toute tentative d’évasion.
En 1935, le Greystone Park abritait 4885 patients et dès 1940, les électrochocs et l’hormonothérapie devinrent ses principales méthodes de traitement. L’hormonothérapie consistait à injecter des doses croissantes d’insuline sur une période allant de plusieurs semaines à deux mois, provoquant malencontreusement des comas. Quand aux tristement célèbres électrochocs, qui sont encore utilisés de nos jours dans certains cas de dépression grave, ils pouvaient provoquer des lésions cérébrales, voir la mort.
De 1940 à 1950, la lobotomie fut fréquemment pratiquée afin de tenter de contrôler les comportements impulsifs et destructeurs des malades. Fort heureusement, en 1947, une étude remit en cause l’efficacité de cette méthode, et la lobotomie fut peu à peu abandonnée.
En 1953, la population de Greystone atteignit son pire seuil avec 7674 patients. Cette spectaculaire hausse était due, en partie, aux anciens combattants de la Seconde Guerre Mondiale souffrants de stress post-traumatiques qui avaient alors rejoint l’hôpital.
En 1956, le Greystone Park hébergea Woody Guthrie, un célèbre chanteur folk américain. Il appelait l’hôpital sa » pierre tombale « . Pete Seeger et le jeune Bob Dylan furent parmi ses plus célèbres visiteurs.
Au cours des années 1970 et 1980, de nouveaux médicaments virent le jour, permettant à des malades, autrefois considérés comme dangereux, de retourner vivre au sein de la communauté. De plus, une loi visant à les protéger interdisait maintenant aux patients de travailler dans un hôpital à moins d’être rémunérés, ce qui fit monter les frais d’hospitalisation en flèche, fermant la porte de l’établissement à de nombreux pensionnaires aux revenus modestes. Le Greystone Park, qui avait si longtemps eu des problèmes de surpopulation, se désertait inexorablement. En 1988, tous les résidents avaient quitté le bâtiment central, et les ailes avaient été abandonnées.
Dans les années 1990, les évasions de patients étaient devenues courantes, y compris celles de criminels et de délinquants sexuels. Des membres du personnel avaient été accusés d’abus et de viols sur les malades, et comme certaines étaient tombées enceintes, cela laissait à penser que ces accusation n’étaient pas sans fondement. Les bâtiments, quand à eux, étaient laissés à l’abandon et manquaient cruellement de confort.
En 1997, de nombreux quartiers furent démolis et en 1999, un rapport d’état décréta que l’établissement n’était plus apte à recevoir des pensionnaires. L’avenir du Greystone Park demeura longtemps incertain. La plupart des bâtiments étaient vacants et ils avaient besoin de réparations majeures. Puis, en 2003, la ville de Morris se porta acquéreur d’environ 300 hectares de la propriété pour 1,00$. L’achat comprenait un grand nombre de structures délabrées.
Le 16 novembre 2005, la construction d’un nouvel hôpital fut décidée. La date officielle d’ouverture était prévue pour octobre 2007 et le 16 juillet 2008, les derniers patients du Greystone Park Psychiatric Hospital furent transférés dans le nouvel hôpital.
Au cours de l’été 2008, de nouvelles sections du Greystone Park furent détruites et les constructions restantes interdites au public. Les lieux étaient étroitement surveillés par la police, et ils le sont toujours.
Bien que de nombreuses personnes se soient battues pour préserver les vieux bâtiments historiques, la destruction du Greystone Park a finalement été décidée, et le début des travaux était prévu pour février ou mars 2014. Néanmoins, certains luttent encore pour sauver l’ancien asile, ou du moins, ce qui l’être. Il serait vraiment dommage qu’un bâtiment possédant une telle architecture soit détruit et je dois avouer avoir du mal à imaginer que l’on puisse seulement y songer.
Le New Jersey Lunatic Asylum, qui avait été pensé par Dorothea Dix et Thomas Kirkbride comme un hôpital humain où les patients seraient respectés et bien traités, avait donc connu le même sort que les autres, adoptant des pratiques des plus barbares.
La Hantise
Comme l’hôpital est entaché d’un sordide passé, on s’attend tout naturellement à ce que des phénomènes surnaturels lui soient associés et il y a, bien évidemment, des histoires de fantômes à Greystone Park. La plus populaire est probablement celle du patient qui tenta de s’échapper à travers un système de tunnels, avant d’être abattu par des agents de sécurité. De nombreux curieux cherchent encore ces tunnels, dont on ignore s’ils existent vraiment.
Sean Stone, le réalisateur de Greystone Park, affirme que son film s’inspire d’une histoire vraie et il en a révélé l’origine lors d’une interview. Un soir, alors que Sean dinait en compagnie de son père, d’Alex Wraith et d’un couple d’amis, Alex leur expliqua qu’il étudiait Greystone, le célèbre hôpital hanté, depuis plus de trois ans. Il s’était souvent rendu sur les lieux, équipé d’un appareil photo, et ses explorations lui avaient déja valu deux arrestations pour violation de domicile. Alex voulait enquêter sur les événements paranormaux qui s’y déroulaient car il trouvait l’endroit fascinant et il désirait en faire un film. Lorsqu’il proposa à Sean de l’accompagner, il n’eut aucune difficulté à le convaincre.
La nuit suivante, au cours de leur première expédition, Alex aperçut un fantôme et il en subit même les effets, agissant soudainement comme s’il se trouvait possédé. Les événements surnaturels qu’ils allaient observer cette nuit-là allaient définir les bases du film.
Ils commencèrent à en écrire le script, sans cesser de visiter le vieil hôpital. Mais alors qu’ils persistaient, de plus en plus de phénomènes étranges se produisaient: ils recevaient des appels téléphoniques de ce qu’ils pensaient être des démons, des objets surgissaient de nulle part et volaient vers eux, des gens semblaient subitement possédés, etc… La liste des manifestations était longue.
Malheureusement, le bâtiment étant condamné, les deux hommes ne purent obtenir l’autorisation de tourner dans les bâtiments du vieil hôpital. Le tournage eut donc lieu dans divers lieux notoirement hantés où de nombreuses choses non prévues et inexpliquées se produisirent. Mais ceci est une autre histoire…