Le Poltergeist d’Enfield a fait l’objet de nombreux livres et reportages. Il a inspiré The Enfield Haunting, une excellente mini série en trois parties réalisée par Kristoffer Nyholm, et le film Conjuring 2 : The Enfield Poltergeist, de James Wan.
En 1977, Peggy Hodgson habitait une petite maison située au 284 Green Street, dans la banlieue nord de Londres, et elle élevait seule ses quatre enfants, Margaret 13 ans, Janet 11 ans, Johnny 10 ans et Billy 7 ans.
Le 31 août, vers 21h, un crissement étrange s’éleva du plancher de la chambre qu’occupaient Johnny et sa sœur Janet, et les deux enfants se redressèrent brusquement dans leurs lits. Quand leur mère, qui avait entendu le même bruit, alluma la lumière de leur chambre, elle les trouva très excités. La veille, ils avaient essayé de lui faire croire leurs lits bougeaient tout seuls, et maintenant c’était une chaise qu’ils accusaient. Peggy soupira, éteignit la lumière, et elle s’apprêtait à regagner sa chambre quand soudain, il lui sembla entendre un glissement furtif. C’était un bruit étrange, comme un frottement sur le plancher. Soudain, quatre coups retentirent, qui semblaient provenir des murs, et la commode, qui était placée juste à côté de la porte de la chambre des enfants, commença alors à glisser lentement sur le parquet, s’éloignant du mur en oscillant.
Les enfants étaient brusquement devenus silencieux. Intriguée, Peggy replaça la commode dans sa position initiale, mais le lourd meuble de chêne recommença à glisser vers la porte, inexplicablement. Elle essaya une nouvelle fois de le remettre à sa place, mais il semblait maintenant sous l’emprise d’une force incroyable et elle ne put le bouger. Soudain, Peggy sentit la peur monter en elle et d’une voix tremblante, elle ordonna aux enfants de descendre immédiatement au salon.
Après une courte réflexion, elle décida de se rendre chez Vic et Peggy Nottingham, ses voisins, pour leur demander de l’aide. Ils écoutèrent son récit sans trop y croire mais comme elle les suppliait de venir inspecter la maison, ils accédèrent à sa demande. Ils fouillaient les lieux quand de petits coups secs commencèrent à résonner dans les murs, que tous entendirent. Étrangement, quand ils changeaient d’endroit ces bruits semblaient les suivre et en écoutant attentivement, ils eurent l’impression que quelqu’un se trouvait enfermé dans la paroi et qu’il essayait désespérément d’en sortir.
Comme personne ne comprenait ce qui se passait, à 23 heures, Peggy décida d’appeler la police et quelques instants plus tard, une voiture de patrouille se garait devant chez elle. Peggy expliqua au gardien de la paix Carolyn Heeps et à son collègue les étranges phénomènes qui venaient de se produire et les deux policiers l’écoutèrent sans faire le moindre commentaire, perplexes. La maison semblait tout à fait calme. Soudain, quatre coups s’élevèrent des murs et l’un des fauteuils de la salle à manger se mit à glisser lentement sur le sol. D’après les estimations des policiers, le fauteuil s’était déplacé d’environ un mètre et bien qu’ils l’aient immédiatement examiné, ils ne pouvaient s’expliquer comment. Il n’était pas rattaché à des fils et rien ne laisser penser à un quelconque subterfuge. Les deux agents prirent congé à minuit passé, expliquant qu’ils ne pouvaient pas faire grand chose de plus. Si quelque chose d’invisible enfreignait les lois de la nature, c’était du ressort des scientifiques et non du leur.
Cette nuit-là, aucun membre de la famille ne voulut remonter au premier et un campement de fortune fut installé au salon. Le reste de la nuit s’écoula tranquillement mais au petit matin, les manifestions recommencèrent, plus impressionnantes encore. Sous les yeux épouvantés de Peggy et de ses enfants, les billes et les petites briques du jeu de Légo de Billy s’envolaient vers le plafond, rebondissaient sur les murs ou s’écrasaient sur le plancher. Terrifiée, Peggy courut chercher ses voisins qui s’empressèrent de la suivre jusqu’à chez elle mais à peine venaient-ils de rentrer dans la cuisine que deux billes les frôlèrent à une vitesse folle avant de s’écraser sur la porte de la salle de bain, au bout du couloir. Elles étaient brûlantes.
Peggy ne savait plus vers qui se tourner aussi, en désespoir de cause, le dimanche 4 septembre, elle décida de téléphoner au Daily Mirror et de leur expliquer son problème. Ce fut ainsi que commença l’une des plus fascinantes histoires de poltergeist de tous les temps.
Au Daily Mirror, les journalistes n’aimaient pas les histoires de revenants, c’était même un sujet tabou mais Peggy eut de la chance car son histoire impressionna George Fallows, un vieux reporter du journal. Dès le lundi matin, il se rendit dans la maison, en compagnie du photographe David Thorpe. Cela faisait maintenant six jours que les phénomènes avaient commencé à se produire, Peggy et ses enfants dormaient à peine et ils étaient épuisés. Une trentaine de minutes après son arrivée, George Fallows entendit clairement quatre coups résonner dans les murs et pensant qu’ils avaient affaire à un poltergeist, il décida de contacter la Society for Psychical Research, une association spécialisée dans l’étude des phénomènes paranormaux.
Maurice Grosse avait travaillé tout sa vie comme scientifique mais il était également un homme profondément religieux. Il avait perdu sa fille l’année précédente et les incidents troublants dont il avait été témoin après sa mort l’avaient amené à postuler au sein de la Society for Psychical Research. La première affaire qui lui fut proposée fut celle du poltergeist d’Enfield.
Dès que l’enquêteur franchit le seuil de la maison, il comprit qu’il s’y passait vraiment quelque chose. L’atmosphère qui y régnait était celle de la panique, aucun membre de la famille ne savait ce qu’était un poltergeist et pourtant ils en donnaient la description exacte. Avant de partir, il demanda à Peggy de noter chaque incident avec autant de détails que possible. Les trois premiers jours furent plutôt calmes mais le jeudi 8 septembre, toute la maison s’anima brusquement. Des chaises pivotaient et avançaient toutes seules, des billes fonçaient vers le plafond ou s’écrasaient sur le sol, des Légos volaient, des vêtements étaient jetés à terre, des tiroirs bougeaient, les portes de la maison s’ouvraient et refermaient etc… Les manifestations semblaient s’accentuer lorsque Janet se trouvait à proximité, ce qui laissait à penser qu’elle était l’épicentre du phénomène.
Le samedi 10 septembre 1977, le poltergeist d’Enfield fit la Une du Daily Mirror. Suite à cet article, une chaine de télévision invita Peggy à venir raconter ses mésaventures. Après avoir entendu son témoignage, Guy Lyon Playfair, membre lui-aussi de la Society for Psychical Research, téléphona à Maurice Grosse pour lui demander s’il avait besoin d’aide. Et l’enquêteur en avait grandement besoin. Le 12 septembre, Guy Lyon Playfair remit ses vacances à plus tard et rejoint son confrère au 284 Green Street.
La maison des Hodgson était maintenant surveillée en permanence par des journalistes et des enquêteurs convaincus de authenticité de ce cas. Des appareils photo, des caméras et des enregistreurs avaient été installés dans toutes les pièces par Guy Playfair et Maurice Grosse mais les appareils tombaient en panne constamment. Les manifestations étaient incessantes et le poltergeist semblait rapidement gagner en puissance. Le 25 septembre 1977, Peggy et Janet crurent trouver un peu de paix en allant passer la journée chez leurs voisins, mais il n’en fut rien. Il fallait se rendre à l’évidence, le poltergeist pouvait maintenant les suivre hors de leur domicile.
Tous les habitants du quartier connaissaient les phénomènes dont étaient victimes les membres de la famille Hodgson, et si certains de leurs voisins les évitaient, d’autres, comme les Nottingham, leur apportaient un soutien sans faille, passant de nombreuses heures à leurs côtés. Maurice Grosse enregistrait leurs témoignages, qui parlaient de » présence invisible » et de » lumière fluorescente qui brûlait furieusement. » Certains affirmaient même avoir aperçu la silhouette d’une vieille dame aux cheveux gris à la fenêtre de la chambre qui donnait sur la rue. La nuit du 15 octobre, des coups résonnèrent dans les murs pendant près de quatre heures et la pensée que l’entité cherchait peut-être à communiquer commença alors à se dessiner dans l’esprit Guy Playfair. Afin de s’en assurer, il invita Annie Shaw, une médium, à expertiser les lieux.
Peu de temps après, en fin d’après-midi, Annie Shaw et de son mari George organisèrent une séance de spiritisme dans la maison. Annie s’installa sur une chaise en bois au milieu du living puis elle leur expliqua que les entités qui allaient s’exprimer à travers elle risquaient d’être quelque peu tapageuses mais qu’il ne fallait pas en avoir peur. A ce moment-là, George récita une courte prière et Annie commença à respirer fortement. Debout dans un coin de la pièce, Peggy et Janet observait la scène en silence. Soudain, Annie se mit à hurler: » Allez-vous en! « . Puis elle se mit à rire. C’était un ricanement grotesque, abject, et George décida qu’il était temps d’arrêter. Il sortit une petite glace de sa poche et la tint devant le visage d’Annie qui se détourna promptement et lui cracha au visage. Il prononça alors quelques paroles et Annie retrouva ses esprits. Selon elle, même si les manifestations semblaient centrées sur Janet, la maison était le jouet de plusieurs esprits. Il y avait un homme nommé Gozer fervent adepte de magie noire, et c’était lui qui les contrôlait. S’ils arrivaient à l’écarter, alors tout s’arrêterait. Avant de partir, le couple de médiums opéra à une sorte de nettoyage des auras de Peggy et Janet en apposant leurs mains près de leur tête et en les déplaçant tout le long de leurs corps.
Depuis la visite des Shaw, l’activité paranormale semblait s’être ralentie. Néanmoins, l’entité tourmentait Janet en permanence et cela commençait à affecter très sérieusement son travail scolaire. Une nuit, la fillette se réveilla suffocante. Un vieil homme, assis sur la chaise près de son lit, lui avait mis une main sur son nez et sur sa bouche pour arrêter sa respiration. Deux semaines plus tard, les manifestations étaient revenues à leur niveau initial. Les coups semblaient venir de tous les coins de la maison, et parfois, l’on aurait dit que plusieurs esprits frappeurs s’employaient à taper en même temps. Même si elle n’en avait encore rien dit, Peggy voyait souvent des objets traverser le plafond et passer du premier au rez-de-chaussée, surtout quand Janet était dans sa chambre.
Dans la chambre des enfants, il y avait une vieille cheminée inutilisée prise dans de la maçonnerie. Une nuit, alors qu’ils dormaient, la grille de métal qui se trouvait en bas de cette cheminée se mit à planer dans les airs avant d’atterrir sur l’oreiller de Billy, le manquant de peu. Il fut alors décidé, par sécurité, de démonter cette vieillerie. Mais le lendemain matin, une secousse soudaine et violente secoua la maison. Dans la chambre des enfants, la carcasse métallique du chauffage avait été arrachée du mur et elle n’était plus reliée à l’installation que par le tuyau d’arrivée du gaz. Le tuyau était lui-même complétement tordu. L’engin était très lourd et il était hors de question de penser que l’un des enfants pouvait l’avoir arraché. L’entité montrait une force grandissante, ce qui inquiétait grandement les enquêteurs qui languissaient maintenant que l’affaire soit terminée.
Le 29 octobre, la famille Hodgson partit pour une semaine en vacances au bord de la mer et le 5 novembre, jour de leur retour, le poltergeist reprit ses activités là où il les avait laissées. Tous les membres de la famille voyaient maintenant des visages aux fenêtres et des ombres sur les marches de l’escalier. Ils entendaient également toutes sortes de bruits inexplicables, des pas, des gémissements, des grognements, des murmures et même des paroles. Souvent, au cours de la journée, Peggy constatait que les lits qu’elle avait fait le matin étaient défaits. Certains présentaient une curieuse forme, comme si quelqu’un était encore couché à l’intérieur et parfois, les oreillers semblaient s’enfoncer sous le poids d’invisibles silhouettes. Quand le poltergeist se trouvait dans une pièce et qu’il se préparait à agir, il semblait à Peggy que sa tête se trouvait brusquement prise dans un étau. Dès que les manifestations cessaient, la douleur s’en allait.
Le 10 novembre, jour de l’anniversaire de Janet, outre les habituelles manifestations, Maurice Grosse vit la petite fille se faire propulser, tout comme le coussin sur lequel elle était assise, à plus d’un mètre quatre-vingt de haut. Les jours qui suivirent furent tout aussi animés. Le 11 novembre, les meubles commencèrent à se retourner au moment même où Janet revenait de l’école. Le divan se renversa deux fois, dont une alors qu’elle était assise dessus. Le 12 novembre, vers 5 heures du matin, le lit de Janet chavira avec le matelas et elle atterrit sur le sol.
Guy Playfair proposa alors de déposer un bloc de papier et un crayon dans la cuisine pour voir si le poltergeist leur laissait un message. Cinq minutes plus tard, Peggy trouva un petit morceau de papier sur le réfrigérateur sur lequel il était griffonné: » Je resterai dans cette maison. Ne lisez pas ceci à quelqu’un d’autre ou je passerai aux représailles. » Le papier ne provenait pas du bloc prévu à cet effet. Plus tard, l’on découvrit qu’il avait été arraché d’un des cahiers d’exercices de Janet mais cette dernière nia ardemment l’avoir écrit elle-même. En admettant qu’elle l’ait écrit, sa mère ne voyait pas comment elle aurait pu le déposer sur le réfrigérateur sans se faire remarquer.
Lorsque son mari vint déposer le chèque de la pension alimentaire, Peggy lui parla de leurs problèmes, lui montrant le petit message alors que l’entité le lui avait interdit. Alors que son mari s’en allait, elle s’excusa auprès du poltergeist et un petit morceau de papier apparut sur la table: » Un malentendu soit. Ne recommencez pas. Je sais qui c’était. » Le papier provenait du cahier de Janet et l’écriture ressemblait à la sienne. Pourtant, elle ne se trouvait pas à proximité. Guy Playfair et Maurice Grosse étaient perplexes et ils trouvaient la situation extrêmement préoccupante.
Le poltergeist s’acharnait sur Janet mais il arrivait également que des phénomènes surviennent en son absence. Il semblait utiliser l’énergie des membres de la la famille dans cet ordre: Janet semblait être son premier choix, puis sa sœur Margaret, puis Peggy.
Une nuit, des hurlements déchirèrent le silence. Janet se contorsionnait sur le lit, le visage tordu par un rictus d’une laideur diabolique; entre deux hurlements et une tentative pour mordre Grosse, qui lui tenait les bras, elle pleurait comme une petite fille et appelait sa mère en gémissant.
Le médecin des urgences lui fit une injection de Valium après quoi il rédigea un rapport faisant état de ses conclusions:
– Plaintes et hystérie: agressive, aucun signe de communication:
– Signes cliniques présentés: tendances à la violence.
– Diagnostic: schizophrénie.
Puis, vers 23h10, il partit sans plus de suggestions. A 23 h 55, retentit, à l’étage, un bruit fracassant. Janet avait été projetée de son lit et elle était retombée sur la radio posée sur la petite commode. Une photo fut d’ailleurs prise d’elle dans cette posture, juste avant qu’on ne la fasse redescendre, non sans difficultés. La nuit suivante, la même chose se reproduisit, mais la crise fut moins longue. Brusquement, elle sortit de son lit et commença à divaguer, les bras étendus et les yeux clos: » Où est Gober? Il vous tuera. Oh mon dieu! « . Tout de suite après, sa sœur se plaignit que quelqu’un la piquait avec des épingles.
Dès que Janet et sa sœur se retrouvaient seules dans la chambre, un coup sourd retentissait sur le plancher et Janet se retrouvait vautrée sur le sol. Durant cette période, l’entité la projeta hors de son lit une cinquantaine de fois au moins, parfois accompagnée de Margaret. De nombreux films furent réalisés de toutes ces manifestations, qui restèrent inexplicables. Comme les phénomènes ne semblaient pas vouloir se calmer, Peggy décida d’appeler un médecin. Il était encore plus taciturne que son confrère la nuit précédente. Après avoir examinée Janet, il en conclut à de l’hystérie. En partant, il laissa quelques pilules d’Activan, à prendre si besoin. Le lendemain matin, dès son réveil, Janet entra dans une transe très violente. Peggy se précipita chez ses voisins qui appelèrent immédiatement une ambulance et téléphonèrent à Grosse pour le prévenir. Conduite à l’hôpital le plus proche la fillette fut examinée par un jeune psychiatre qui fit preuve d’une rare incompétence.
Dès son retour, Janet fut en proie à une nouvelle crise qui se calma vers 23 heures. Grosse, qui veillait sur elle, descendit alors mais un quart d’heure plus tard un coup sourd retentit sur le sol. Il remonta au premier mais Janet s’était volatilisée et l’idée qu’elle s’était peut-être dématérialisée lui vint à l’esprit. A ce moment, il perçut un faible son qui s’échappait de sous le lit. Se baissant pour regarder, il aperçut Janet, coincée entre le sommier métallique et le sol, face contre terre. La petite fille était totalement inconsciente. Il n’avait pas descendu la moitié de l’escalier, qu’elle était à nouveau éjectée de son lit et cinq minutes plus tard la même chose se reproduisait. Passé minuit, alors que Grosse pensait en avoir fini pour la soirée, Janet et son matelas furent jetés à terre et vingt minutes plus tard, on retrouva la fillette dans un coin de la pièce, près de la porte. Apparemment, elle avait été projetée sur une distance de quatre mètres. Les enquêteurs étaient sérieusement inquiets. Ils avaient essayé les médiums, les médecins et l’hôpital, la situation se dégradait et ils ne savaient plus quoi faire.
Peu de temps après, Guy Playfair rencontra par hasard Luiz et Elsie, deux amis brésiliens qui étaient à Londres pour une conférence. Il n’aurait pas pensé à faire appel à eux pour un cas de poltergeist mais il leur parla néanmoins du cas et ils lui proposèrent leur aide. Ce jour là, Janet faisait une énorme crise. Elle se tordait, rampait à travers la pièce et frappait tout ce qui était à portée. Uniquement en lui parlant, Luiz réussit à la calmer, ce qui était un véritable miracle et quand ils partirent, Janet dormait en paix, pour la première fois depuis une semaine. La petite fille était redevenue elle-même. Luiz pensait que Janet était un médium mais qu’elle l’ignorait encore. Selon lui, il fallait l’instruire car les médiums possédant de telles capacités étaient très rares.
Le lendemain matin, après avoir dormi pendant treize heures, Janet se réveilla en état de transe et commença à dessiner. Elle esquissa neuf dessins à une vitesse spectaculaire, sans jamais prendre conscience de ce qu’elle faisait. Ses dessins n’étaient pas vraiment beaux. Le premier représentait une femme dont le sang s’écoulait par la gorge, le nom de Watson était écrit en grandes lettres en bas de la page et des taches de sang maculaient la feuille. Les autres dessins reprenaient le même thème: du sang, la mort et un couteau. Peggy prit les dessins et les remit à Grosse dès le lendemain. Jamais Janet ne les vit et ne sut rien à leur propos. Lorsque les enquêteurs interrogèrent Peggy, elle leur apprit que Watson était le nom du couple qui vivait dans cette maison avant eux. Mme Watson avait succombé à une tumeur de la gorge loin de son domicile et son mari était mort dans la maison.
En décembre 1977, le poltergeist d’Enfield se déchaina comme jamais. Même si l’état de Janet était redevenu relativement normal, les manifestations paranormales étaient de plus en plus violentes. Un jour, le lourd réfrigérateur décolla du mur en titubant, sa porte s’ouvrit brusquement et s’écrasa sur la cuisinière à gaz si brutalement que la porte fut dégondée et enfoncée. A une autre occasion, l’imposant double lit se retourna, armature et literie comprises. Le réservoir d’eau des toilettes se vidait tout seul, des pièces de monnaie se matérialisaient dans les airs et les fillettes continuaient à être éjectées hors de leurs lits, parfois dix fois par nuit. Ces lits étaient secoués, les draps et les couvertures étaient arrachés et leurs oreillers ne tenaient pas en place. Janet et Margaret se plaignaient d’être pincées, tapées et piquées avec des aiguilles, ce qui arrivait également à leur mère. A une autre occasion, alors qu’elle se trouvait seule dans la maison, Janet fut transportée dans les escaliers et violemment poussée à plusieurs reprises. Elle en fut absolument terrifiée.
Au cours d’une séance d’hypnotisme, les enquêteurs parvinrent à déterminer que Janet ne mentait pas mais que son état psychologique permettait probablement à toutes ces manifestations de se produire. Sa mère fit alors une demande pour faire rentrer la fillette à l’hôpital psychiatrique, mais cette demande fut rejetée.
Lorsque Peggy avait téléphoné au Daily Mirror, elle n’avait jamais eu l’intention de se servir de cette histoire pour en tirer publicité ou argent, elle voulait seulement de l’aide mais le poltergeist d’Enfield était malgré tout sur le chemin de la célébrité. Des curieux rodaient autour de la maison, offrant même de l’argent pour y passer la nuit.
De la chambre où dormaient les deux sœurs s’élevaient maintenant différents sons des plus étranges, ressemblant à des sifflements et des aboiements. Margaret affirmait que les aboiements provenaient de sous le lit de sa sœur mais il semblait impossible qu’une enfant puisse émettre de tels sons.
Depuis le début de leur enquête, Maurice Grosse et Guy Playfair tentaient de rentrer en contact avec l’entité qui semblait hanter la maison, sans succès, puis un soir Grosse réussit à obtenir un semblant de dialogue. Au début, la Voix acceptait uniquement de parler lorsque la porte était fermée. C’était la voix d’un vieil homme, forte et rude et il se montrait très grossier, se contentant d’insulter et de nier sa mort. Passant outre ses propos, l’enquêteur insista, et il eut raison car bientôt il reçut de longues réponses aux questions qu’il s’évertuait à répéter. Le son de sa voix émanait de Janet, qui ne bougeait jamais les lèvres et il aurait fallu qu’elle soit une talentueuse ventriloque pour réussir ce tour de force. Peu à peu les réponses s’affinèrent et les enquêteurs apprirent qu’une dizaine d’entités se partageaient la place. La plupart se montraient capricieux et agressifs mais celui qui prétendait s’appeler Billy se montrait relativement coopératif. Billy leur expliqua qu’il avait autrefois habité la maison et qu’il était devenu aveugle juste avant sa mort, qui avait été paisible. Il s’était endormi au salon et il partit comme ça, assis sur un fauteuil dans l’angle de la pièce. Puis, quand il s’était réveillé au cimetière, il s’était sauvé et il était revenu chez lui pour les tourmenter. S’il s’acharnait particulièrement sur le lit de Janet, c’était pour qu’elle en sorte car il estimait que c’était le sien.
Par la suite, des recherches démontrèrent qu’un vieil homme nommé Bill Wilkins avait bien vécu dans cette maison. Il était mort d’une hémorragie cérébrale assis dans un fauteuil.
Si l’esprit acceptait de discuter avec eux il refusait de parler de certaines choses. Chaque fois qu’ils abordaient des sujets religieux, il semblait s’agacer et les cassettes qui enregistraient leurs conversations étaient alors victimes d’inexplicables accidents. Les deux enquêteurs avaient vraisemblablement réussi à établir un contact, mais ils ne pouvaient pas s’empêcher de se demander avec qui… ou quoi…
Le 1er décembre, Janet prétendit avoir lévité, ce dont les enquêteurs doutèrent sérieusement. Ils interrogèrent alors les voisins, afin de vérifier si quelqu’un avait remarqué quelque chose et il s’avéra que plusieurs avaient été témoins de ce phénomène. L’un d’eux, un commerçant qui apparut aux deux enquêteurs comme un témoin honnête, décrivit les événements auxquels il avait assisté: » J’ai vu cette enfant, je sais depuis qu’elle s’appelle Janet, à l’intérieur de la pièce; au début, j’ai vu sa tête apparaître à la fenêtre, exactement comme si elle rebondissait sur son lit. Puis des objets traversèrent rapidement la pièce. Ils n’étaient absolument pas lancés vers la fenêtre, ils se déplaçaient en décrivant des cercles. Ils frappaient la vitre et rebondissaient pour continuer à la même hauteur, dans le sens des aiguilles d’une montre. Si les objets avaient été lancés, ils auraient simplement frappé le carreau et seraient tombés. Les objets paraissaient être des livres, des poupées et du linge. Ils étaient cinq ou six et leur mouvement suggérait qu’ils étaient attachés les uns aux autres par un élastique. Ils paraissaient se déplacer mus par une force considérable et tous tournoyaient en même temps. Puis, l’enfant apparut en deux occasions, flottant horizontalement à travers la pièce, et deux fois, ses bras cognèrent avec force contre la vitre. A ce moment, j’ai craint qu’elle ne passe par la fenêtre. Alors que les objets tournoyaient dans la pièce, les rideaux avaient été soulevés vers l’intérieur. «
La Voix ronchonnait maintenant à tous propos, que la porte soit ouverte ou fermée, et se montrait terriblement ennuyeuse la plupart du temps. A plusieurs reprises, Maurice Grosse et Guy Playfair avaient collé de grands morceaux de sparadrap sur les lèvres de Janet, ils lui avaient également rempli la bouche d’eau et ils lui avaient même serré son écharpe autour de sa tête mais rien, absolument rien, se semblait pouvoir arrêter la Voix. Parfois, la Voix se mettait à parler quand elle se trouvait hors de la maison, lors de visites au médecin ou dans le bus par exemple, et elle insultait les passants, ce qui créait des situations quelque peu embarrassantes.
La chambre avait maintenant été réaménagée de sorte que Peggy et Billy partageaient le double lit, tandis que Janet et Margaret reposaient chacune dans un lit simple. Tous avaient insisté pour dormir dans la même pièce, et une lampe restait maintenant allumée en permanence.
Noël 1977 approchait et la maison des Hodgson avait été décorée avec le plus grand soin. Des guirlandes et des petites lanternes recouvraient les murs du salon et un grand sapin trônait au milieu de la pièce, chargé de cadeaux. Parmi ces cadeaux, se trouvait une boîte de chocolats dont l’étiquette disait: » A Bill, Joe et les autres. Dans l’espoir de votre départ. » Elle venait de Guy Playfair, qui espérait que le message serait clair, mais et le poltergeist allait la snober royalement.
Le 23 décembre au matin, deux petits poissons rouges furent découverts morts dans leur aquarium. Ils avaient toujours été bien traités, bien nourris, et Janet était particulièrement attachée à eux. La Voix prétendit être responsable de leur mort: » C’est moi qui l’ai fait. J’ai électrocuté les poissons par accident. » Le matin de Noël, le troisième animal de compagnie de la maison, Whitey la perruche, fut trouvée froide et sans réaction dans sa cage. Cette fois, la Voix ne fit aucun commentaire. Le poltergeist s’en prit ensuite à Janet. Elle était assise près de la fenêtre du living quand brusquement, elle porta ses mains à sa gorge et poussa un cri. L’un des rideaux s’était enroulé autour de son cou et semblait vouloir l’étrangler. Elle était terrifiée, tout comme sa mère. Peu après Noël, la même chose arriva encore. Cette fois, il y eut deux témoins et l’enregistreur de M. Grosse capta le bruissement furtif du rideau. Selon sa mère, le rideau s’était échappé de l’embrasure puis il s’était enroulé autour du cou de Janet comme un lasso. Cet incident allait se répéter huit fois. Puis ce fut au tour de Peggy. Elle venait tout juste de se coucher lorsque sa robe de chambre s’enroula autour de son corps comme une ficelle. Une minute plus tard, le même incident de produisait avec le drap de Janet sous les yeux de sa mère. Une fois Janet endormie, l’incident se reproduisit trois fois encore et même si elle était épuisée, Peggy décida de la veiller. Les enquêteurs se demandaient s’ils n’encourageaient pas la Voix à se manifester par leurs dialogues. Alors parfois, ils l’ignoraient, ce qui la mettait dans une colère folle.
Le soir du réveillon du Nouvel An, des coups violents retentirent dans la pièce où la famille se trouvait réunie. Puis une commode commença à sauter d’avant en arrière, comme si quelqu’un la secouait en la cognant contre le mur. Brusquement, un tableau suspendu se décrocha du mur et vint frapper la tête de Guy Playfair, puis le canapé et les fauteuils furent renversés et les rideaux arrachés. L’enquêteur demanda qui avait fait cela, et l’entité appelée Fred lui répondit qu’elle n’y était pour rien, que c’était Tommy. Tommy était supposé être un petit garçon de cinq ans mais personne n’avait d’emprise sur lui.
Tout le monde restait assis, attendant la suite, quand soudain l’arbre de Noël se souleva, et traversant la pièce, il arracha les décorations des murs. Cette agitation dura jusqu’à une heure du matin environ puis la Voix leur apprit que Tommy n’aimait pas le matériel vidéo qu’ils avaient installé dans la chambre, d’où sa démonstration. Fred conseilla à Peggy de prendre tous les couteaux du tiroir de la cuisine, ceux qu’elle réservait aux grandes occasions et de les jeter. Selon lui, Tommy pouvait s’en emparer et il pouvait se révéler dangereux s’il était armé. Peggy ne tint pas compte de cet avertissement et à dix heures du matin, Janet descendit l’air effrayé en affirmant qu’un couteau la suivait. La fillette lui expliqua qu’elle se trouvait dans l’escalier quand brusquement, un couteau s’était dressé devant elle. Elle avait fait demi-tour mais comme il la suivait, alors elle s’était précipitée en bas pour prévenir sa mère. Comprenant que sa fille ne plaisantait pas, elle avait vraiment l’air paniquée, Peggy monta immédiatement au premier. Elle fouilla toutes les chambres sans rien trouver mais alors qu’elle redescendait, elle avisa un couteau au pied de l’escalier qui provenait du tiroir de la cuisine. En apprenant l’incident, Guy Playfair tenta de rassurer Peggy. Si le poltergeist avait voulu tuer quelqu’un, il l’aurait fait depuis longtemps. Mais, au fond de lui, il n’en était pas si sur.
Parfois, les esprits, ou du moins certains d’entre eux, faisaient preuve d’humour. Ainsi, dans la salle de bain, ils découvrirent la phrase » Je suis Fred » créée à l’aide de bandelettes de chatterton rouge et dans les toilettes, le nom d’une certaine matière écrite à l’aide de la chose en question.
Un soir, la famille Hodgson put assister au spectacle que donna un chausson au pied du lit de Janet. Il dansait et se pliait comme une marionnette. Un autre soir, la Voix annonça qu’elle voulait un biscuit. Aussitôt, un biscuit venu de nulle part vint se planter dans la bouche de Janet qui était blottie sous les couvertures de son lit.
Dès que quelqu’un rentrait dans la maison, il faisait état de ces étranges courants d’air froids qui parcouraient les pièces comme des tourbillons. A la fin de janvier 1978, une phoniatre fut invitée à venir étudier la Voix et à la comparer avec celle des fillettes. Quand la nouvelle leur avait été annoncée, les Voix n’avaient émis aucune objection et elles se comportèrent comme à leur habitude. A la fin de la soirée, la jeune femme était formelle: cette Voix était un mystère et elle ne provenait pas des cordes vocales des fillettes.
A la même période, les enquêteurs apprirent qu’un jeune couple sans enfant d’une trentaine d’années connaissait les mêmes phénomènes non loin de là. C’était un peu plus calme, mais ils avaient eu un début d’incendie. Après en avoir discuter entre eux, les enquêteurs décidèrent que Maurice Grosse irait enquêter sur place pendant que Guy Playfair resterait au 284 Green Street.
Une semaine plus tard, alors que Peggy se rendait à la cuisine pour mettre une bouilloire à chauffer, elle se mit à hurler. Une épaisse fumée s’échappait de l’un des meubles. Le foyer était situé à l’intérieur d’un tiroir fermé. Dans ce tiroir, il y avait une grosse boîte d’allumettes mais aucune d’entre elles ne s’étaient enflammées, exactement comme l’incendie qui s’était produit chez le jeune couple. Le poltergeist en avait entendu parler et il avait reproduit le même événement.
Depuis quelques temps, Maurice Grosse semblait également être tourmenté par le poltergeist. Sa voiture était devenue étrangement capricieuse, des bruits étranges s’élevaient à son propre domicile et des objets disparaissaient et réapparaissaient inexplicablement. Les enquêteurs étaient troublés et ne sachant qu’en penser ils décidèrent de faire appel à un médium. Gerry Sherrick, le médium qui leur avait été recommandé, leur expliqua que dans une autre vie, Peggy et Janet étaient déjà sœurs et elles se mêlaient de sorcellerie. Lors de leur nouvelle naissance, leur personnalité dominante avait repris le dessus. Pour lui, elles étaient des médiums et elles attiraient toutes ces choses, sans le vouloir mais il voyait également une vieille femme horrible rôder dans cette maison. Un jour, lors d’une séance, le médium rentra en transe et la voix d’une vieille femme, qui semblait venir du fond de sa poitrine, s’éleva très clairement dans la pièce: » Je viens ici quand je veux, je ne suis pas morte et je ne m’en irai pas « . Elle paraissait particulièrement haineuse. Avec lui, Sherrick avait amené M. Dai, un homme qui savait comment chasser ces esprits. A la fin de la séance, l’homme fit quelques passes magnétiques, posant ses mains sur toutes les têtes des occupants de la maison et Guy Playfair se sentit brusquement envahi par une intense sensation de chaleur. Suite à leur visite, les Hodgson connurent une période de paix presque totale.
Peggy n’y croyait plus. Pour elle, c’était une trêve, comme à chaque fois et cette chose continuerait à les harceler jusqu’à ce qu’elle soit obligée de se séparer de ses enfants.
Un jour, alors qu’elle se préparait à donner son bain à Billy, Peggy trouva toute la salle de bain inondée, puis des flaques apparurent sur le sol de la cuisine et des toilettes. L’odeur de cette eau était atroce. Après l’avoir faite analyser, il s’avéra que ce liquide était de l’urine de chat. Les Voix étaient revenues, elles étaient deux et elles semblaient se moquer de tout.
Voulant savoir comment ils allaient, George Fallows, du Daily Mirror, avait rendu visite aux Hodgson à Noël et leur avait apporté quelques présents. Le journaliste fut particulièrement surpris en découvrant la façon dont le cas avait évolué et il décida alors de faire un nouveau reportage. Bryan Rimmer avait désigné pour couvrir l’affaire et il fit un travail remarquable. Il se rendit plusieurs fois chez les Hodgson, interviewa longuement toutes les personnes impliquées et prit d’abondantes notes.
A ce moment-là, Maurice Grosse prit deux semaines de vacances bien méritées et Guy Playfair décida de s’éloigner délibérément d’Enfield pour voir quel effet aurait leurs absences. Selon les apparences, elles n’en eurent aucun. Le lendemain du départ de Maurice, des coups furent frappés un peu partout, deux chaises se renversèrent, une plante sauta du rebord de la fenêtre de la cuisine dans l’évier, les coussins glissèrent du canapé et se dressèrent, une boîte de mouchoirs en papier se déplaça toute seule, une flaque d’un liquide indéterminé et deux tas de matières fécales vinrent s’étaler sur le plancher, une pile de cubes de glace se matérialisa par terre, dans la cuisine, et une construction bien plus élaborée apparut sur la table de la cuisine. C’était un empilement complexe de deux tasses, un verre, un sucrier, une théière, un beurrier, un torchon et une serpillière, le tout jouissant d’un équilibre parfait. Lorsque Peggy découvrit la construction, la Voix annonça fiévreusement: » C’est moi qui ai fait ça « .
Au mois de mars, lors d’un évènement organisé par la SPR à Cambridge, les enquêteurs présentèrent une longue conférence. Ils délivrèrent l’un après l’autre leurs nombreuses observations puis Playfair lut leurs conclusions communes. La réaction des participants fut extrêmement négative, personne n’y crut et les enquêteurs décidèrent de mettre un terme à cette rencontre décevante.
Le reportage du Daily Mirror parut le lendemain de la conférence, et Bryan Rimmer avait fait du bon travail. Son article occupait une page entière et les photos étaient bien reproduites. Suite à ce reportage, de nombreux journalistes vinrent visiter la maison et certains furent même témoins de phénomènes inexpliqués. Après avoir étudié le cas, le Professeur Hans Bender, qui avait une grande expérience des poltergeists pour en avoir étudiés plus de quarante, leur conseilla un exorcisme mais les enquêteurs, tout comme Peggy, y étaient réticents et ils ne donnèrent pas suite.
Puis, peu à peu, les journalistes les oublièrent. Un psychiatre, le docteur Sacks, appelé pour examiner Peggy et les enfants, affirma que si les enquêteurs partaient, alors les phénomènes cesseraient. Grosse et Playfair, qui avait déjà tenté l’expérience, suivirent son conseil mais malheureusement, comme leur absence ne changea rien au problème et au bout d’un moment, Peggy leur demanda de revenir. Durant tout le mois d’avril, la famille avait été livrée à elle-même et Peggy avait noté plus de cent-cinquante incidents dans son journal. Les apparitions visuelles étaient de plus en plus fréquentes. Janet et Margaret affirmaient avoir vu un homme vêtu d’un pantalon brun et d’une vieille chemise usée. Il avait des ongles longs, il essayait de leur faire peur et il avait même poussé Janet. Un autre se montrait fréquemment, un petit garçon dont Peggy fit une description précise: » Nous étions tous prêts pour aller faire les courses et j’ai du me rendre aux toilettes avant de partir. Pendant que j’y étais, j’ai entendu des coups, à l’extérieur, comme si quelqu’un tapait du pied. Puis il y a eu un bruit dans la salle de bains et je suis allée voir mais il n’y avait personne. Je me suis alors retournée pour aller tirer la chasse d’eau et c’est alors que je me suis aperçue que la porte de séparation et qu’il y avait un enfant… Au début, j’ai pensé qu’il marchait mais il flottait à travers la cuisine. C’était un enfant à peu près de la taille de Billy, et pendant une fraction de seconde, j’ai pensé que c’était lui puis j’ai réalisé qu’ils n’étaient pas habillés de la même façon. On aurait dit qu’il portait une sorte de chemise de nuit et qu’il flottait ou qu’il glissait. «
Les phénomènes affectaient maintenant leurs voisins et différents membres de leur famille qui rapportaient tous d’inexplicables incidents. Le 30 mai 1978, le poltergeist donna une représentation publique, en plein jour, devant plusieurs témoins. Les petites Hodgson se disputaient avec les enfants des voisins quand soudain une pluie de pierres s’abattit dans leur jardin et immédiatement, une seconde giboulée arriva en sens inverse. Un voisin qui habitait un peu plus loin vint alors se plaindre qu’on lui jetait des pierres, après quoi commença un surprenant bombardement de cailloux, de bouteilles de lait, de briques et de touffes de gazon. Les objets volaient dans toutes les directions et ils atterrirent dans cinq jardins différents, mettant la rue en émoi. Personne ne pouvait accuser les petites filles d’avoir causé tout cela car le phénomène s’était poursuivi après que Peggy les ait fait rentrer à l’intérieur.
En juin 1978, Janet déclara qu’elle voulait partir. Cela faisait maintenant 9 mois qu’elle et sa famille étaient harcelées et aucun signe d’accalmie ne se présentait. Généralement, le poltergeist s’amusait à jeter des objets par terre, souvent des ustensiles de cuisine, mais parfois, rarement, il rendait utile. Un jour, alors qu’elle préparait un gâteau, Peggy entendit la Voix murmurer à son oreille: » Vous n’avez pas assez de sucre, Mam! » Et, en effet, elle n’avait pas assez de sucre pour faire le gâteau en question. Les enfants avaient pu faire des blagues, les enquêteurs étaient bien conscients, mais ils n’étaient pas à la maison à ce moment-là et cet incident montrait, si besoin était, que Janet n’était pas impliquée dans toutes les manifestations comme certains l’affirmaient.
La petite fille ne pouvait toujours pas s’endormir sans être éjectée de son lit, mais maintenant elle s’en amusait presque. Elle s’y était habituée, disait-elle. Peggy expliqua alors à Maurice Grosse que parfois elle voyait sa fille s’élever d’un mètre au-dessus de son lit, mais qu’en d’autres occasions, la fillette était projetée en bas du lit puis elle lévitait très haut, presque jusqu’au plafond. Quand elle se recouchait, elle ramenait ses couvertures sur elle, mais souvent, elle lévitait une nouvelle fois. A ce moment-là, Janet semblait traverser les couvertures, qui restaient sur le lit.
Le 16 juin 1978, Janet rentra en pension chez des sœurs catholiques romaines et le 25, à la demande de Guy Playfair, elle fut enfin admise dans un des meilleurs hôpitaux psychiatriques du monde. A cette occasion, Maurice Grosse et Guy Playfair firent un long exposé des événements devant les psychiatres de l’établissement. Quand ils eurent terminé, il y eut un long silence. Il fut décidé que Janet allait être soumise à des examens approfondis, tant physiques que psychiques. Si quelque chose n’allait pas chez elle, alors ils le trouveraient sans aucun doute.
Les deux enquêteurs pensaient que les phénomènes cesseraient si Janet s’éloignait de la maison, mais ce ne fut pas vraiment le cas. S’il se faisait plus rare, le poltergeist se manifestait encore.
Peggy et ses enfants avaient pris une semaine de vacances et son frère surveillait la maison en leur absence. Un jour, alors qu’il était rentré pour vérifier que tout était en ordre, il vit un homme assis à la table de la salle à mange: » Il était assis sur une chaise devant la table et il me tournait le dos. Il était accoudé, exactement à cet endroit. Il avait une chemise blanche sans col, avec des rayures bleues. C’était le genre de chemise, pas une neuve, qu’on portait dans les années trente. Des manches roulées, un pantalon noir, une ceinture en cuir et des cheveux gris clairsemés. Quel choc j’ai eu en le voyant! Il ne bougeait pas mais il lisait dans mes pensées. Je l’ai regardé et une idée m’est venue à l’esprit, j’ai pensé: » Qu’est-ce que tu fais là? A quel jeu joues-tu mon gaillard? » Il me tournait le dos et regardait droit devant lui. J’étais sur le point de dire quelque chose quand soudain, j’ai réalisé dans quelle maison j’étais. J’ai fermé les yeux quelques secondes et quand je les ai rouverts, il n’y avait plus personne!
Il était comme vous en ce moment, comme tout à chacun assis à une table. Pas d’imprécision, rien. Clair comme de l’eau de roche. Ça s’est passé vers 17 heures, un après-midi d’été, en plein jour. J’ai quitté précipitamment la maison, j’étais effrayé. En arrivant chez moi, j’ai dit à ma femme: » désolé, mais en aucun cas, je ne remettrai les pieds dans cette maison tout seul. Cette maison est hantée! » «
Le phénomène, qui s’était un peu calmé avec le départ de Janet, recommençait de plus belle. En désespoir de cause, au mois de juillet, les enquêteurs suggérèrent à Peggy d’arrêter de noter les événements, pensant que c’était une manière comme une autre de décourager le poltergeist. Elle suivit leur conseil, mais ce fut en vain. Rien ne semblait marcher.
A l’hôpital, Janet était parfois témoin de petites manifestations qui l’amusaient plus qu’autre chose. Elle rentra chez elle en septembre 1978, après une absence de près de trois mois. La petite fille semblait détendue, et elle avait gagné en maturité. D’après les experts qui l’avaient examinée durant cette période, elle était en pleine forme, aussi bien physiquement que psychologiquement.
Peggy, Margaret, Janet et même Billy, qui était plus intéressé par ses Légos que par toutes ces histoires de poltergeist, étaient régulièrement témoins d’apparitions de vieux messieurs ou du petit garçon décrit par Peggy. Avec le retour de Janet, les phénomènes s’accentuèrent, en particulier les coups contre les murs. Peggy, tout comme ses enfants et les enquêteurs, n’en pouvait plus.
Vers la fin de l’année 1978, Peter Liefhebber, l’éditeur d’un nouvel hebdomadaire hollandais spécialisé dans les problèmes de recherche psychique vint visiter la maison. Avec lui, il amena Dono Gmelig Meyling, un jeune médium qui avait personnellement résolu deux cas de poltergeist. Pour Guy Playfair, c’était là sa dernière tentative. Si ça ne marchait pas, alors il avait décidé de laisser tomber. Après que Dono ait exercé ses talents dans la maison, comme après chaque visite de médium, les manifestations se firent plus rares. En 1979, un prêtre vint bénir la maison et le poltergeist disparut aussi brusquement qu’il était apparu. Des années plus tard, Margaret et Janet avouèrent avoir joué avec un Ouija peu avant que ne commencent les événements.
En 1980, Guy Playfair écrivit un livre relatant cette histoire: Cette maison est hantée (This House is haunted). Il expliquait alors que même si les enfants avaient quelques fois tenté de faire des blagues, c’était une authentique histoire de hantise et qu’un esprit était responsable de la plupart des phénomènes de poltergeist.
L’interview de Janet Hodgson
Après avoir gardé un silence presque total pendant plus de trente ans, Janet Hodgson s’est finalement confiée au Daily Mail. Elle vit actuellement à Essex, avec son mari, un laitier à la retraite.
A propos du film: (The Enfield Poltergeist, prévu en 2013, apparemment suspendu)
» Je n’ai pas été très heureuse en entendant parler du film, je ne sais rien à ce sujet. Mon père vient de mourir, et ça m’a vraiment bouleversée de savoir que tout cela allait encore être ratissé une fois encore. «
Sur l’activité poltergeist:
» C’était un cas extraordinaire. C’est l’un des cas les plus reconnus d’activité paranormale au monde. Mais, pour moi, c’était assez intimidant. Je pense que ça m’a marquée, les manifestations, l’attention de la presse, les différentes personnes dans et à l’extérieur de la maison. Ça n’était pas une enfance normale. «
En 1980, Janet avait avoué avoir truqué certains phénomènes pour voir si Mr Grosse ou Mr Playfair s’en rendaient compte, ce qu’ils avaient toujours fait. Combien, exactement, en avait-elle inventés?
» Je dirai 2 pour cent. «
Elle a également admis avoir joué avec une planche Ouija en compagnie de sa sœur, juste avant que le phénomène n’éclate dans la maison. Janet ne savait pas qu’elle tombait en transe jusqu’à ce qu’elle voit les photos.
» Je me souviens avoir été très perturbée par ces photos quand j’étais enfant. J’étais très en colère. Je savais qu’il y avait des voix, bien sur. C’était comme si quelque chose se tenait tout le temps derrière moi. Ils ont fait toutes sortes de tests, ils ont rempli ma bouche avec de l’eau ainsi de suite, mais les voix sortaient toujours. «
Comment Janet vivait-elle toute cette histoire?
» J’étais victime d’intimidation à l’école. Ils m’appelaient la Fille Fantôme et ils m’avaient mis des tipules (insecte qui ressemble à un moustique de très grande taille) dans le dos. «
Quand à Billy, son frère, les gens l’appelaient le » garçon phénomène de la Maison Fantôme » et ils lui crachaient dessus dans la rue. Elle-même faisait la première du Daily Star avec comme titre: » Possédée par le diable « .
» C’était difficile. J’ai passé une courte période à l’hôpital psychiatrique de Maudsley, à Londres où ils m’ont collé des électrodes sur la tête mais les résultats se sont révélés normaux. La lévitation était effrayante, car vous ne savez pas où vous allez atterrir. Je me souviens d’un rideau qui s’était enroulé autour de mon cou, je criais, je pensais que j’allais mourir. Ma mère a du utiliser toutes ses forces pour le déchirer. L’homme qui parlait à travers moi, Bill, semblait en colère car nous vivions dans sa maison. J’avais peur de rentrer à la maison. La porte d’entrée était ouverte, il y avait du monde dehors et à l’intérieur, vous ne saviez jamais à quoi vous attendre et je me faisais beaucoup de soucis pour maman. Elle a fait une dépression nerveuse à la fin. Je ne suis pas faite pour vivre dans le passé. Je veux passer à autre chose. Mais ces années là reviennent encore et encore. je rêve de cette période, et puis ça me touche. Je me demande pourquoi ça nous est arrivé à nous? «
Janet a quitté la maison à 16 ans et elle s’est mariée jeune.
» J’ai laissé tomber tout ça, toute cette couverture de l’affaire dans des livres paranormaux. Ma mère sentait que les gens l’écrasaient à ce moment-là. Elle se sentait exploitée. «
Peu de temps après que l’attention de la presse se soit éloignée, le jeune frère de Janet, Johnny, est mort d’un cancer, à 14 ans à peine. Peggy, sa mère, a été victime d’un cancer du sein en 2003 et le fils de Janet est mort dans son sommeil à 18 ans à peine.
Elle rejette tout suggestion insinuant que l’histoire ait été falsifiée pour la gloire ou l’argent.
» Je ne voulais pas en parler tant que maman était en vie, mais maintenant, je veux raconter mon histoire. Je ne me soucie pas de savoir si les gens me croient ou pas, je suis passée par tout ça, et c’était vrai. «
Pense-t-elle que la maison soit toujours hantée?
» Des années plus tard, alors que maman était toujours en vie, il y avait encore une présence. Comme quelque chose qui veille sur vous. Tant que les gens ne feront pas ce que nous avons fait avec le Ouija, il restera tranquille. Il est beaucoup plus calme que quand j’étais enfant. Il est au repos, mais toujours là. «
Janet rapporte que c’est la visite d’un prêtre à green Street qui a abouti à ce que l’incident se calme à l’automne 1978, bien que les événements ne se soient jamais vraiment arrêtés. Avec sa mère, elles ont toujours entendu des bruits dans la maison.
» Même mon frère, jusqu’au jour où il a quitté la maison après la mort de maman, disait: il y avait toujours quelque chose. On avait l’impression d’être observé. «
Janet affirme croire en l’esprit frappeur:
» Il vivait grâce à moi, à mon énergie. traitez-moi de folle si vous le souhaitez. Ces événements se sont produits. Le poltergeist était avec moi, et je pense que dans un sens, il le sera toujours. «
Qui vit au 284 Green Street maintenant?
Après que sa mère soit morte, Clare Bennet et ses quatre fils ont emménagé dans la maison. Quand on lui a demandé son sentiment, Clare a répondu: » Je n’ai rien vu, mais je ne me sentais pas à l’aise. Il y avait certainement une sorte de présence dans la maison, et j’avais toujours l’impression que quelqu’un me regardait. «
Ses fils se réveillaient pendant la nuit, ils entendaient des gens parler tout bas. Clare a alors découvert l’histoire de la maison. » Tout à coup, tout avait un sens. «
L’un de ses fils, Shaka, âgé de 15 ans, raconte: » La nuit où nous avons déménagé, je me suis réveillé et j’ai vu un homme entrer dans la pièce. J’ai couru dans la chambre de maman et j’ai dit: On doit bouger de là. Le lendemain, ils quittaient les lieux. La famille Bennet était restée deux mois à peine dans la maison.
La maison du 284 Green Street est actuellement occupée par une autre famille, qui ne souhaite pas révéler son identité. La mère dit simplement: » J’ai des enfants, et ils ne savent pas. Je ne veux pas qu’ils aient peur « . Le poltergeist d’Enfield n’a peut-être pas fini de faire parler de lui.
Source: This House is haunted de Guy Playfair.