Chucky, la célèbre poupée du film Jeu d’Enfant de Tom Holland, serait inspirée de l’histoire de Robert la Poupée, une poupée maléfique prétendument habitée par un esprit démoniaque. Cette poupée est aujourd’hui exposée dans un musée, enfermée dans une cage de verre, ce qui ne l’empêcherait pas de continuer ses méfaits. Je vous propose de découvrir l’incroyable histoire de Robert la Poupée et de son propriétaire, Robert Eugène Otto.
Eugène Otto et Robert la Poupée
En 1896, Thomas Otto et sa femme s’installèrent dans leur nouvelle maison, à l’angle des rues Eaton et Simonton, à Key West, en Floride. M. Otto exerçait la profession de médecin, la famille était aisée et leur vie était des plus plaisantes mais la rumeur rapportait qu’ils se montraient particulièrement sévères envers leurs domestiques et qu’ils les maltraitaient. Parmi leurs serviteurs, se trouvait une jeune femme d’origine haïtienne qu’ils avaient embauchée pour s’occuper de leur jeune fils Robert Eugène. D’après la légende, un jour de l’année 1906, Mme Otto la vit s’adonner à des rituels de magie noire dans l’arrière-cour de sa maison et scandalisée, elle décida de la congédier sur le champ. Avant de s’en aller, la femme alla trouver le jeune Robert, qui était alors âgé de six ans, et elle lui offrit une grande poupée d’un mètre de haut en cadeau d’adieu. L’objet était des plus surprenants et nulle part ailleurs il n’en existait de pareil. Son corps était constitué d’un tissu épais rempli de paille, deux boutons noirs remplaçaient ses yeux et ses cheveux de laine étaient si doux qu’ils semblaient ceux d’un enfant.
Pensant que la jeune femme s’était attachée à son fils, et malgré la piètre opinion qu’elle avait d’elle, Mme Otto donna son accord pour que le jeune garçon accepte la poupée mais Robert s’enticha tellement de son nouveau jouet qu’ils devinrent inséparables. Il l’emmenait partout avec lui, de jour comme de nuit. Tous les soirs il la glissait dans son lit, dormant avec elle, et quand venait l’heure de passer à table il l’asseyait tout près de lui, sur une petite chaise spécialement conçue à cette intention, et la « nourrissait » discrètement à l’insu de ses parents.
Cette lubie amusait M. et Mme Otto, qui n’y voyaient rien d’autre que l’attachement d’un enfant pour son nouveau jouet, mais certains événements allaient les pousser à réviser leur jugement. Un jour, alors que sa mère venait de le sermonner pour une raison quelconque, Robert déclara que dorénavant, il voulait être appelé Eugène, qui était son second prénom, car, expliqua-t-il, Robert était celui de sa poupée. A une autre occasion, alors que Mme Otto se trouvait près de sa chambre, elle surprit une étrange conversation entre son fils et la poupée. Le petit garçon s’adressait à Robert de sa voix enfantine habituelle et une autre voix, bien plus grave, lui répondait. Bien évidemment, la mère supposa tout d’abord que l’enfant jouait, transformant sa voix et se répondant à lui-même, mais alors qu’elle continuait à l’écouter, un malaise l’envahit qui finit par ne plus la quitter. D’une surprenante manière, la tonalité de la voix semblait émaner de la poupée et elle ressemblait en tous points à celle d’un adulte.
Puis brusquement, le comportement du petit garçon commença à changer. Parfois il se montrait agité et quand sa mère faisait irruption dans sa chambre elle le retrouvait blotti dans un coin de la pièce, assis à même le sol, fixant d’un air étrange la grande poupée de chiffon qui trônait sur une chaise ou sur son lit. Souvent il était en proie à d’effrayants cauchemars et il se réveillait en hurlant, terrifié. Un soir, un effroyable vacarme s’éleva de la chambre d’Eugène et aussitôt ses parents s’y précipitèrent, affolés. La pièce avait été ravagée. Les meubles gisaient sur le sol, renversés, et assis sur son lit, l’enfant fixait la poupée d’un air épouvanté. « C’est Robert ! Ça n’est pas moi, c’est Robert ! » s’écria-t-il en les apercevant. Parfois, les domestiques retrouvaient les jouets d’Eugène disséminés dans toute la maison, horriblement mutilés, et lorsque le petit garçon était interrogé, il répondait inlassablement : « Robert l’a fait ! » Toute sa famille s’inquiétait de le voir agir d’une aussi inquiétante manière, et bientôt les serviteurs commencèrent à en être effrayés.
D’étranges rumeurs commencèrent alors à se courir dans le quartier que lorsque la famille s’absentait, leurs voisins voyaient parfois la poupée se déplacer de fenêtre en fenêtre. Certains leur en avaient fait la remarque, et les parents d’Eugène avaient confirmé leurs observations, leur répondant que lorsqu’ils rentraient, jamais ils ne retrouvaient Robert à la place. Parfois, il leur semblait apercevoir sa petite silhouette courir de pièce en pièce, et bientôt, son rire terrifiant résonna dans toute la maison. Si M. et Mme Otto étaient les principaux témoins des inexplicables phénomènes, ils n’étaient pas les seuls à avoir remarqué les agissements de la poupée. Certains de leurs invités rapportaient, troublés, que Robert clignait parfois des yeux et que les lueurs de son regard semblaient varier au gré de ses humeurs. Puis, comme les manifestations se faisaient de plus en plus fréquentes, nombre de leurs serviteurs, terrifiés, donnèrent leur congé et même si de nouveaux furent embauchés, les proches de M. et Mme Otto leur conseillèrent de réagir. Sur les recommandations d’une grand-tante, les parents d’Eugène lui confisquèrent la poupée puis ils la placèrent dans une boite qu’ils dissimulèrent au grenier. Elle allait y rester très longtemps.
De nombreuses années s’étaient écoulées et l’enfant était devenu un homme. Eugène exerçait la profession d’artiste peintre et il avait épousé Anne, une jeune femme qu’il avait rencontrée lors de ses études à Paris. A la mort de son père, le jeune homme décida de retourner vivre dans le vieux manoir victorien de son enfance, songeant qu’il pourrait aisément installer un grand atelier dans son ancienne chambre, mais peu après son arrivée il découvrit la poupée qu’il avait presque oubliée. Elle semblait l’attendre, allongée dans son petit coffre de cèdre, et immédiatement sa vieille passion ressurgit. Il décida alors que lui aménager un endroit au grenier, une chambre rien qu’à elle qu’il décora de petits meubles adaptés à sa taille.
Anne n’aimait pas Robert, elle l’avait détesté dès l’instant où elle l’avait aperçu. Des frissons la parcouraient lorsqu’elle le regardait et la façon dont son mari semblait obsédé par cette poupée la désespérait. Quelques temps plus tard, Eugène déclara à sa femme que Robert n’était pas satisfait de l’endroit où il se trouvait et qu’il ne voulait plus rester au grenier. Maintenant, il voulait de la lumière. Ignorant les protestations de sa femme, Eugène déplaça sa petite chambre dans une pièce du 3ème étage et il déposa Robert dans un fauteuil, tout près de la fenêtre qui donnait sur la rue mais bientôt, les enfants qui passaient près de la maison en allant à l’école rapportèrent avoir vu la poupée grimacer, se moquer d’eux et même danser. Alors, comme elle leur faisait peur, ils évitaient de s’en approcher ou de la regarder.
Eugène avait changé et son mariage avec Anne se détériorait lentement. Il s’emportait sans raison, criait, s’en prenait à elle, frappait les meubles, brisait des objets puis, brusquement, il semblait redevenir lui-même, s’excusait et recommençait un peu plus tard. Son excuse était toujours la même « C’était Robert, Anne, c’était Robert ! » et sa femme commençait à douter de sa santé mentale. Les amis de la famille affirmaient que le regard de la poupée changeait suivant les circonstances, et qu’il semblait parfois effrayant, rempli de haine et de méchanceté.
Un jour, un plombier qui travaillait seul dans la pièce où se trouvait Robert entendit un rire résonner dans son dos et se retournant précipitamment, il s’aperçut que la poupée avait changé de place. Le malheureux s’enfuit de la maison sans même ramasser ses outils. Malcolm Ross, journaliste au Solares Hill, visita la maison d’Eugène Otto et en voyant Robert, il songea qu’il avait le regard d’un petit garçon puni. Certains de ses amis, qui l’accompagnaient, lui racontèrent alors l’histoire de Robert et pour prouver leurs dires, ils lui montrèrent les petits meubles qui décoraient sa chambre. A ce moment-là, la poupée sembla changer d’expression, comme si elle suivait la conversion. L’un des hommes fit alors un commentaire déplaisant sur Gene Otto, le traitant de vieux fou, et le regard de Robert se teinta de dédain. D’après Malcolm Ross : « Il y avait une sorte d’intelligence là. La poupée nous écoutait. »
Puis brusquement, au début des années 1970, Eugène tomba gravement malade. Au lieu de passer du temps avec sa femme, il préférait s’enfermer dans la chambre, seul avec Robert. Il mourut en 1972 dans leur chambre d’amis, sa poupée près de lui. Anne en eut le cœur brisé. Elle vendit rapidement la maison et partit s’installer à Boston, près de sa famille. Quant à Robert, il retrouva sa place au grenier mais cette fois, il n’attendit pas longtemps avant d’en sortir.
La Poupée de Myrtle
En 1974, M.et Mme Reuter s’installèrent dans la maison, et Myrtle, leur petite fille de dix ans, découvrit rapidement la poupée dissimulée sous un tas de vieilles boites. Malheureusement, quelque chose de maléfique habitait toujours la poupée, et la fillette allait rapidement s’en apercevoir. A peine l’avait-elle emportée dans sa chambre, que Robert commença à s’agiter. La nuit, il faisait souvent bouger les meubles, réveillant toute la famille. Un soir, Myrtle se mit à hurler et elle expliqua à ses parents que la poupée avait traversé sa chambre en courant et qu’elle avait sauté sur son lit.
Six ans plus tard, M. et Mme Reuter déménagèrent rue Von Phister et pour une étrange raison, peut-être s’y était-elle attachée, Myrtle emporta sa poupée avec elle. Pendant des années, elle prit soin de Robert puis brusquement, en 1994, elle en fit don au Musée Fort East Martello, affirmant qu’il se déplaçait tout seul dans sa maison et qu’il était hanté. Myrtle mourut quelques mois plus tard, mais la poupée continua ses activités.
Robert au Musée
La maison d’Eugène Otto, est aujourd’hui désignée comme la Maison de l’Artiste (Artist House) a été transformée en Bed & Breakfast et fréquemment les portes s’ouvriraient et se refermeraient toutes seules. Le fantôme d’une femme, probablement celui de Anne, hanterait les lieux, et elle se montrerait souvent dans les escaliers menant au grenier ou dans la chambre où est mort Eugène, prenant alors la forme d’une orbe bleu-vert. La rumeur prétend qu’elle protège la maison de l’esprit malveillant de Robert.
La poupée est toujours exposée dans une vitrine de verre du Fort East Martello Museum, où les visiteurs peuvent contempler son sinistre visage. Malheureusement, comme en témoignent les nombreuses observations rapportées par des curieux ou des employés du musée, Robert ne semble pas avoir renoncé à ses agissements maléfiques et s’acharnerait particulièrement sur ceux qui lui manquent de respect. Certains des employés prétendent que parfois, le soir, avant de fermer, ils laissent des bonbons à la menthe dans la vitrine de Robert et que le lendemain matin ils ne retrouvent que des emballages vides à ses pieds.
Bien évidemment, avoir peur d’une simple poupée peut sembler ridicule et de nombreuses personnes se rient de la légende mais leur comportement change quand le regard noir de Robert se tourne vers eux. Parfois, ceux qui essaient de prendre des photos de la poupée n’y parviennent pas, leurs appareils ne s’allument pas, même s’ils changent de batterie, mais dès qu’ils quittent le musée, alors tout fonctionne à nouveau sans problème.
La légende raconte qu’avant de prendre une photo de Robert, il faut lui en demander poliment l’autorisation. S’il y consent, alors il inclinera la tête sur le côté pour vous donner sa permission mais si jamais il ne bouge pas, ne prenez pas de photo. Une malédiction s’abattrait sur vous et sur tous ceux qui vous accompagnent au musée. Les murs de la salle où trône la poupée sont d’ailleurs recouverts par les lettres de personnes qui la supplient de leur pardonner leur comportement irrespectueux.
Robert la Poupée attend votre visite au musée, dans son costume d’époque, serrant son petit lion en peluche contre lui. Mais si jamais vous passez le voir, surtout, n’oubliez pas : ne vous moquez jamais de lui.