En février 2013, le corps d’Elisa Lam, une jeune étudiante de 21 ans qui avait disparu deux semaines auparavant, fut retrouvé dans un réservoir à eau sur le toit de l’hôtel Cecil, à Los Angeles. La jeune fille avait été vue pour la dernière fois dans un ascenseur de l’hôtel et une caméra l’avait filmée alors qu’elle présentait un étrange comportement, semblant fuir quelque chose qu’elle seule pouvait voir. Son histoire a déjà inspiré de nombreux films et séries, dont la cinquième saison d’American Horror Story.
La Disparition d’Elisa Lam
Elisa Lam était la fille d’immigrants chinois qui possédaient un restaurant à Burnaby, une petite ville de la banlieue de Vancouver, au Canada. La jeune fille avait été diagnostiquée bipolaire, un trouble provoquant de violentes variations d’humeur, mais elle suivait un traitement qui lui permettait de faire face à la maladie, et si elle se sentait parfois déprimée, elle n’avait jamais eu de pensées suicidaires. Au cours de l’année 2010, Elisa ouvrit un blog sur la mode, l’Ether Field, et pendant deux ans, elle y posta des photographies de mannequins, parlant parfois de sa vie et de sa bipolarité. En janvier 2012, elle abandonna son blog pour un autre qu’elle avait créé l’année précédente, continuant à y poster des photos de mode, des citations et plus rarement ses états d’âme. A cette époque, une rechute l’avait obligée à manquer plusieurs heures de cours à l’université, elle se sentait un peu perdue et elle avait peur que sa maladie ne nuise à ses études. Elle aimait à citer cette phrase de l’écrivain Chuck Palahniuk, qui exprimait probablement son ressenti: » Vous êtes toujours hanté par l’idée que vous perdez votre vie. «
En janvier 2013, Elisa décida de faire un voyage dans le sud de la Californie, qu’elle présenta comme son » Tour de la Côte Ouest » sur son blog, expliquant à ses lecteurs qu’elle avait l’intention de s’arrêter à San Diego, à Los Angeles, à Santa Cruz et à San Francisco et qu’elle visiterait également San Luis Obispo si elle en avait le temps.
La jeune fille voyageait seule, effectuant tous ses déplacements en train et en bus. Elle visita le zoo de San Diego, dont elle posta plusieurs photos sur les réseaux sociaux, puis le 26 janvier, elle arriva à Los Angeles, s’installant au Cecil Hotel deux jours plus tard. L’hôtel avait été construit au centre ville en 1924, il était destiné à recevoir des hommes d’affaire, mais il avait connu des moments difficiles durant la Grande Dépression et jamais il n’avait pu retrouver sa grandeur originelle. Sa notoriété était reliée à des histoires sordides, comme celle d’Elizabeth Short, le Dahlia Noir, qui s’y serait arrêtée juste avant sa mort, ou celle de Golgie Osgood, une dame qui était connue pour nourrir les pigeons dans un square tout proche, violée et assassinée dans sa chambre d’hôtel.
L’établissement était également réputé pour avoir hébergé deux tueurs en série, Jack Unterweger et Richard Ramirez, le Night Stalker, durant leur plus sombre période et il avait connu un certain nombre de suicides, dont celui de Pauline Otton en 1962, une jeune femme de 27 ans qui s’était jetée de la fenêtre de sa chambre après s’être disputé avec son mari et qui avait atterri sur George Gianinni, 65 ans, le tuant instantanément. Du fait de son passé, l’hôtel était réputé hanté et de nombreux clients affirmaient avoir été témoins de phénomènes paranormaux.
Depuis le début de son voyage Elisa avait appelé ses parents quotidiennement mais le 31 janvier 2013, le jour où elle devait partir à Santa Cruz, elle ne leur donna pas de nouvelles et s’inquiétant de son silence M. et Mme Lam contactèrent aussitôt la police de Los Angeles, qui décida d’envoyer certains de ses agents enquêter sur place. Malheureusement, à part certains des employés de l’hôtel, qui avaient aperçu Elisa se promener seule le jour de sa disparition, et le propriétaire d’une librairie toute proche, qui se souvenait l’avoir vue acheter des cadeaux pour sa famille et la décrivait comme une jeune fille sociable, enjouée et sympathique, personne ne semblait l’avoir remarquée. Les policiers fouillèrent l’hôtel dans la mesure où la loi le leur permettait, inspectant la chambre d’Elisa et promenant leurs chiens dans tout le bâtiment sans trouver aucune piste. Cependant, selon le sergent Rudy Lopez: » Nous n’avons pas cherché dans chaque chambre. Nous ne pouvions le faire que si nous avions une raison de croire qu’un crime avait été commis. «
Les Dernières Images d’Elisa
Le 6 février, comme l’enquête ne donnait aucun résultat, la police décida de rendre l’affaire publique. Des affiches avec la photo d’Elisa furent alors diffusées sur Internet et dans le quartier où elle avait disparu, sans succès. Une semaine plus tard, une vidéo fut publiée qui avait été prise par une caméra de surveillance de l’un des ascenseurs du Cecil Hotel. Les images, qui dataient du 1er février, montraient Elisa dans l’ascenseur et son comportement étrange souleva un grand nombre de questions.
La caméra était fixée en hauteur au fond de l’ascenseur, offrant ainsi une vue de l’appareil mais également du couloir. Au début de la vidéo, qui dure deux minutes trente, Elisa rentre dans la cabine, vêtue d’un sweat-shirt à capuche rouge, d’un tee-shirt gris, d’un short noir et de sandales, puis elle se dirige vers le panneau de contrôle, appuie sur les boutons de différents étages, apparemment au hasard de son inspiration, et recule d’un pas. Quelques secondes plus tard, comme la porte ne se referme pas, la jeune fille s’approche prudemment de l’entrée puis soudain elle se penche et passant sa tête par l’ouverture elle regarde rapidement des deux côtés du couloir avant de reculer précipitamment.
Elisa semble hésiter une fraction de seconde puis elle se colle à la paroi de droite et glissant d’un pas sur le côté, elle se réfugie dans l’angle, près du panneau de contrôle. Durant tout ce temps, la porte de l’ascenseur reste ouverte. Comme rien ne se passe, la jeune fille fait un pas timide vers la sortie, visiblement apeurée, elle regarde à sa droite, reste un moment immobile, tourne la tête vers la gauche, puis avançant un peu plus elle saute brusquement dans le couloir, espérant visiblement surprendre quelqu’un ou quelque chose. Semblant troublée de n’avoir vu personne, elle rentre dans l’ascenseur, en ressort, et faisant un pas sur le côté, elle disparait pratiquement de l’image. Au bout de quelques secondes, elle retourne à l’intérieur, les bras levés, certains disent qu’elle se bouche les oreilles, puis elle se dirige vers le panneau de contrôle et appuie une nouvelle fois sur un grand nombre de boutons.
Sans attendre, la jeune fille ressort dans le couloir et se plaçant à gauche de la porte elle se met à palper l’air devant elle, comme si elle cherchait à toucher quelque chose qu’elle devine sans le voir. Quelques instants plus tard, faisant virevolter ses mains d’une étrange manière, elle semble parler à un interlocuteur invisible puis soudain elle se fige et s’éloigne du côté gauche du couloir. Alors inexplicablement, la porte de l’ascenseur se referme.
Cette vidéo fut largement diffusée, y compris sur le site de partage chinois Youku, où elle obtint 3 millions de vues et 40 000 commentaires en dix jours. Beaucoup de spectateurs trouvèrent les images troublantes, pour ne pas dire terrifiantes, et certains eurent tellement peur en les regardant qu’ils affirmèrent en avoir tremblé. Plusieurs théories virent alors le jour, des plus rationnelles aux plus folles, qui tentaient d’expliquer le comportement d’Elisa. Selon les différentes suppositions la jeune fille tentait d’échapper à quelqu’un, elle fuyait un fantôme, elle était sous l’influence d’ecstasy, elle subissait un épisode psychotique du à son trouble bipolaire, elle était possédée par une entité maléfique, ou elle s’adonnait au Jeu de l’Ascenseur, une sorte de jeu qui permettrait de voyager dans le temps ou dans une autre dimension.
Soulignant l’étrange obscurcissement de l’horodatage à un certains moments de la vidéo, des internautes affirmèrent qu’elle était truquée et qu’une minute d’images en avait été discrètement retirée. Certains supposèrent alors que la vidéo avait été manipulée par la police, qui avait peut-être cherché ainsi à protéger l’identité d’un client qui n’avait rien à voir avec l’affaire ou qui avait voulu garder secrets certains éléments de l’enquête.
La Découverte du Corps
Alors que la disparition d’Elisa continuait à faire la une des journaux, des clients de l’hôtel se plaignirent à la direction de la faible pression de l’eau dans leurs chambres, certains rajoutant qu’elle était étrangement colorée, qu’elle avait une odeur inhabituelle ou un goût bizarre et les membres du personnel commencèrent à enquêter. Dans la matinée du 19 février, un employé décida de monter vérifier les réservoirs sur le toit, et les inspectant il découvrit le corps d’Elisa Lam dans l’un d’eux. La police fut aussitôt prévenue, puis les pompiers, qui durent couper la citerne pour en faire sortir le corps, l’ouverture de la cuve étant trop étroite pour y faire glisser l’équipement nécessaire.
Dès qu’ils apprirent la nouvelle, tous les clients du Cecil Hotel exprimèrent leur répulsion à l’idée de s’être lavés ou d’avoir bu de l’eau contaminée par un corps en décomposition. La direction proposa à ceux qui le désiraient de payer leur séjour dans un autre établissement, et elle fit signer une renonciation à ceux qui décidèrent de rester, indiquant qu’ils avaient bien été avertis des risques pour leur santé. Le département de la santé détermina que l’eau n’avait pas été contaminée, mais il la déclara néanmoins impropre à la consommation et exigea que la totalité du système soit vidé et rempli pour de nouveaux tests avant d’annuler l’ordonnance. L’un des clients de l’hôtel souligna alors qu’il y avait eu une inondation dans l’une des chambres du haut peu après la disparition d’Elisa, mais bien évidemment, personne n’avait fait le lien entre les deux événements.
Après avoir été retiré de le cuve, le corps de la jeune fille fut emmené au bureau du coroner pour y être examiné par deux médecins-légistes, les docteurs Jason Tovar et Yulai Wang, qui passèrent quatre heures à le disséquer. Le 21 février, le bureau du coroner déclara que la mort était due à une noyade accidentelle, probablement provoquée par le trouble bipolaire de la victime. Le rapport complet fut rendu quatre mois plus tard, en juin, après avoir été reporté à plusieurs reprises. Dans ce document, il était indiqué que le corps d’Elisa avait été retrouvé nu dans le réservoir d’eau, qui était au trois quart plein. Près d’elle, flottaient les vêtements qu’elle portait sur la vidéo de l’ascenseur, qui étaient recouverts d’étranges particules rougeâtres ressemblant à du sable, ainsi que sa montre et la clef de sa chambre.
Lors de l’autopsie, les deux légistes n’avaient pu trouver aucune trace d’un traumatisme physique sur le corps d’Elisa, le dessous de ses ongles n’avait rien révélé et elle n’avait pas été violée. Des analyses toxicologiques de son sang avaient été réalisées, qui avaient permis de trouver des traces de ses médicaments habituels et de certains en vente libre, comme de l’ibuprofène, mais aucune autre substance n’avait été découverte. Alors, comme rien d’autre ne semblait possible, les médecins en avaient conclu à un suicide.
Des Questions sans Réponse
L’enquête avait permis de savoir comment Elisa Lam était morte, mais elle n’avait offert aucune explication sur le déroulement des faits, qui restait un mystère. Les portes des escaliers qui permettaient d’accéder au toit de l’hôtel étaient toutes verrouillées, seuls les membres du personnel en possédaient les clefs, et toute tentative visant à les forcer déclenchait normalement une alarme. L’escalier anti-incendie aurait toutefois pu permettre à Elisa de contourner ces mesures de sécurité si elle avait été au courant de son existence ou si quelqu’un le lui avait indiqué.
Outre cette question, qui restait sans réponse, il semblait également étrange que les chiens policiers qui avaient fouillé l’hôtel à la recherche d’Elisa n’aient pas repéré son odeur, même sur le toit où ils avaient pourtant été amenés, et certains se demandaient comment la jeune fille avait pu rentrer toute seule dans le réservoir. Les quatre citernes, qui mesuraient 1m20 par 2m40, étaient posées sur des blocs de béton, le personnel de l’hôtel devait utiliser une échelle pour regarder l’eau par l’ouverture, et elles étaient protégées par de lourds couvercles qu’il aurait été très difficile de replacer de l’intérieur. Interrogées sur la façon dont Elisa était rentrée dans la citerne, qui n’était pas verrouillée mais haute de plus de 3 mètres, les autorités déclarèrent: » Il semble qu’elle l’ait escaladée. «
La dernière vidéo d’Elisa Lam avait déjà enflammé la toile et les étranges circonstances de sa mort amplifièrent un peu plus le phénomène. Les deux médecins légistes eux-mêmes semblaient hésitants quand au déroulement des événements. Sur une page du rapport qu’ils avaient rendu, se trouvaient des cases à cocher pour indiquer la cause du décès: Accidentel, Naturel, Indéterminé, Homicide, et chaque réponse se trouvait à bonne distance l’une de l’autre. Le 15 juin, la case Accident avait été cochée puis trois jours plus tard, la case Indéterminée avait été choisie à sa place et juste avant la sortie du rapport la seconde réponse avait été barrée. Interrogés à ce sujet, les médecins avaient prétendu s’être trompés de case.
Peu de temps après sa mort, de nouveaux sujets apparurent sur le blog d’Elisa, que la jeune fille avait peut-être écrits et programmés à l’avance, mais nul n’en était certain car son téléphone n’avait pas été retrouvé, ni dans sa chambre ni dans la citerne, et les enquêteurs se demandaient si le voleur n’avait pas piraté le blog pour y poster des messages.
Une semaine après la découverte de son corps, un couple qui était descendu au Cecil Hotel porta plainte contre l’établissement, demandant le remboursement des 150$ qu’ils avaient payés pour leur séjour de deux nuits, et 100$ pour des frais médicaux divers, ce que le tribunal estima juste et approprié. L’affaire était un recours collectif, permettant à tous les clients qui avaient séjourné à l’hôtel entre le 1er et le 19 février de réclamer la même somme. En septembre, les parents d’Elisa déposèrent eux-aussi une plainte contre l’établissement pour homicide involontaire, soutenant que le Cecil présentait un risque déraisonnable de danger pour ses clients et demandant un dédommagement non spécifié et les frais d’enterrement de leur fille. En 2011, les propriétaires du Cecil Hotel, qui souhaitaient probablement faire oublier le sordide passé de l’établissement, le rebaptisèrent le » Stay on Main. «
L’Histoire d’Elisa au Cinéma et à la Télévision
Certains soulignèrent que les circonstances de la mort d’Elisa ressemblaient étrangement à l’histoire du film d’horreur américain Dark Water. Dans ce long métrage, qui est le remake d’un film japonais, une mère et sa fille déménagent dans un appartement délabré qui se révélé hanté. Un ascenseur dysfonctionnel et une fuite d’eau les conduisent sur le toit de l’immeuble, où elles découvrent le corps d’une jeune fille qui avait disparu un an plus tôt. Depuis, l’histoire d’Elisa Lam a servi de source d’inspiration à un certain nombre de films et de séries, comme à l’épisode final de la saison 2013 de la série Castle ou à la cinquième saison d’American Horror Story.
Sources: Wikipedia, etc…