» Je suis né avec le diable en moi. «
Herman Mudgett Holmes est l’un des premiers serial-killers américains et son histoire est stupéfiante, autant pour le cynisme et l’épouvantable froideur dont il faisait preuve que pour la chance insolente dont il bénéficia pendant des années. Le Dr Holmes était un homme charismatique et monstrueux, tel que le cinéma où la littérature nous en proposent parfois. En 2003, un roman a été écrit par Erik Larson, Le Diable dans la Ville Blanche (The Devil in the White City: Murder), dont Leonardo Di Caprio, fasciné par le personnage, a racheté les droits en 2010 afin d’en réaliser un film.
Né le 16 mai 1861, à Gilmanton, dans le New Hampshire, Herman Webster Mudgett, plus connu sous le pseudonyme du Dr. Henry Howard Holmes, était le fils de Levi Horton Mudgett et Theodate Page Price, de fervents méthodistes qui étaient arrivés avec les premiers colons. Herman était le troisième enfant de la famille et tout comme ses frères et sœurs, Ellen, Arthur et Henry, il reçut une éducation stricte, ses parents n’hésitant pas à les enfermer au grenier pendant toute une journée, sans manger et avec interdiction de parler, pour les punir. Son père, qui était agriculteur, pouvait également se montrer violent lorsqu’il avait bu, ce qui était fréquent.
Le jeune garçon était un enfant solitaire, et son unique ami mourut alors qu’ils jouaient tous les deux. Il semblait curieusement détaché, attaquant parfois les animaux dans les bois et les disséquant alors qu’ils étaient encore en vie. Les enfants de son âge le trouvaient arrogant, et le tenaient à l’écart, le malmenant souvent. Un jour, après avoir découvert qu’il craignait de rentrer dans le bureau du médecin, des élèves de sa classe l’obligèrent à regarder et toucher un squelette humain. Ils voulaient l’effrayer, mais contre toute attente, le jeune garçon parut étrangement fasciné.
Malgré toutes ces étrangetés, Herman grandit et devint un charmant jeune homme, poli, brillant, et particulièrement flatteur. A 16 ans, il quitta la maison familiale et devint enseignant puis le 4 juillet 1878, à force de cajoleries, il réussit à épouser Clara Lovering, une jeune femme de bonne famille dont il eut un fils, Robert. En 1882, il parvint à la convaincre de financer ses études de médecine à l’Université du Vermont mais l’année suivante, après avoir s’être emparé de son l’argent, il l’abandonna sans état d’âme et partit terminer ses études à l’Université du Michigan. Clara retourna alors dans le New Hampshire avec son fils et jamais elle ne revit son mari.
Une fois l’argent de sa femme dilapidé, Herman monta une escroquerie aux assurances avec l’un de ses camarades. Le jeune homme en question devait prendre une assurance-vie et se cacher durant un certain temps puis, après une période convenable, Herman devait sortir un cadavre de la morgue et le présenter comme celui de son complice. A cette époque, les moyens d’identification restaient encore rudimentaires, et leur plan connut un grand succès. Un peu plus tard, alors qu’il poursuivait toujours ses études, il fut engagé comme commis dans une pharmacie et réitéra une nouvelle fois l’escroquerie aux assurances, se servant d’un autre cadavre pour parvenir à ses fins.
En 1884, près avoir obtenu son diplôme de médecine, Herman pratiqua un certain temps dans l’état de New York puis il déménagea à Chicago, où il débuta sa carrière dans l’industrie pharmaceutique, s’engageant également dans des affaires douteuses et la vente de remèdes » miracles » sous le nom de HH Holmes. Peu de temps après, il enseigna dans le comté de Clinton, logeant dans la maison d’un fermier près du village de Moore’s Forks. Là, il réussit à séduire l’épouse de l’agriculteur, puis une nuit il s’enfuit, laissant derrière lui des factures impayées et sa malheureuse maitresse enceinte.
Herman, qui se faisait maintenant appeler M. Holmes, se rendit alors à Philadelphie, où il occupa un poste de gardien au Norristown Asile pendant un court laps de temps. Puis, cette expérience » lui faisant horreur « , il se fit embaucher dans une pharmacie, mais peu de temps après, un client qui avait pris l’une de ses préparations mourut subitement, et il quitta précipitamment la ville.
De retour à Chicago, Herman fit alors la connaissance de Myrtle Belknap, une jeune femme qu’il épousa le 28 janvier 1887 et dont il eut une fille, Lucy. Quelques semaines plus tard, Herman, qui était toujours marié à Clara, tenta de demander le divorce de sa première femme, mais la procédure ne fut finalisée qu’en 1891. Peu de temps après, il emprunta 2500$ à l’un des oncles de Myrtle, puis imitant sa signature pour en obtenir 2500 de plus, il se fit construire une maison dans une banlieue chic au nord de Wilmette. Craignant que l’homme ne découvre le subterfuge, Herman l’invita à monter sur le toit de l’édifice mais, ce dernier, en proie au vertige, refusa sa proposition. Lorsque le faux fut découvert, Myrtle supplia son oncle de ne pas porter plainte, et ce dernier y consentit. » Si j’y étais monté, le faux n’aurait probablement jamais été découvert, car je n’aurais plus été là pour m’en apercevoir, » déclara-t-il plus tard. John Belknap, le père de Myrtle, raconta que son gendre avait tenté de le tromper en mettant son nom sur certains actes de propriété. Il affirma également qu’il avait essayé de l’empoisonner lorsqu’il l’avait confronté aux faux papiers.
En août 1887, Herman, qui passait la plupart de son temps à Chicago, fit la connaissance du Dr Elizabeth S. Holton, qui possédait une pharmacie du à l’angle de la 63e rue et de la rue Wallace. Son mari souffrant d’un cancer, Mme Holton tenait seule l’officine et usant de ses charmes, Herman réussit à s’y faire engager comme pharmacien. Au début, Mme Holton n’eut pas à se plaindre de ses services. Son nouvel employé se montrait travailleur, il impressionnait les clients grâce à ses connaissances médicales et son pouvoir de séduction était tel que de nombreuses femmes venaient à la boutique juste pour avoir le plaisir de flirter avec lui. Herman commença alors à la manipuler, tentant de la convaincre de lui vendre la pharmacie, et elle finit par céder. A la mort de son mari, Herman devint propriétaire de la pharmacie et de l’appartement qui se trouvait juste au-dessus, que Mme Holton continua cependant à occuper, comme il le lui avait promis. Peu de temps après, constatant qu’il ne payait ses traites, selon leur accord il devait rembourser un certain montant chaque mois, elle se résolut à prendre un avocat puis brusquement, elle disparut. A ceux qui s’étonnèrent de son absence, Herman répondit qu’elle était allée voir de la famille en Californie, et quand ils s’inquiétèrent de ne pas la voir revenir, il déclara qu’elle s’y plaisait tellement qu’elle avait décidé d’y rester.
Le logement du premier étant définitivement libéré, Herman s’empressa de s’y installer et peu de temps après, la ravissante Julia Connor, son mari et sa fille Pearl, vinrent occuper un appartement voisin. Herman réussit rapidement à s’attirer les faveurs de la mère, qui devint bientôt sa maitresse.
En 1888, tout le monde parlait déjà de la future Exposition Universelle qui devait avoir lieu en 1893 et y voyant quelques opportunités, Herman décida de faire construire un hôtel sur le grand terrain vague qui se trouvait juste en face de sa pharmacie. Il en était le seul architecte, personne d’autres n’en connaissait les plans exacts, pas même Benjamin Pitezel, un repris de justice avec lequel il était associé et qui lui obéissait en tout. D’une extraordinaire manière, durant les travaux, il ne paya personne, jouant de ses deux noms, se faisant livrer les matériaux par différentes entreprises et embauchant de nouveaux ouvriers dès qu’ils réclamaient leur salaire.
Deux ans plus tard, quand le bâtiment fut achevé, il était tellement impressionnant que ses voisins le surnommèrent Le Château de Holmes. L’hôtel avait été entièrement meublé à crédit mais après plusieurs échéances sans le moindre paiement, la fabrique de meubles envoya des hommes afin de récupérer ses biens. Herman, qui avait envisagé cette possibilité, se fit alors aider de son associé pour tous les entasser dans une grande salle sans fenêtre, dont il fit plâtrer les portes et qu’il recouvrit ensuite de papier peint, la rendant ainsi indiscernable. Pendant des heures, les déménageurs fouillèrent le bâtiment sans pouvoir trouver trace des meubles qui ne lui avaient, affirma Herman, jamais été livrés. Peu de temps après, il se porta acquéreur d’un immense coffre-fort, qu’il fit délivrer dans son bureau, sans le payer bien évidemment. Quelques temps plus tard, quand le vendeur voulut le récupérer, il s’aperçut que le coffre-fort ne passait plus par l’embrasure de la porte, son nouveau propriétaire ayant fait remplacer la grande porte de son bureau par une plus petite. Comme l’homme insistait pour l’emporter, Herman le menaça d’un procès si jamais il venait à endommager son hôtel, et le coffre-fort resta à sa place.
Le 1er juin 1891, Herman vendit sa pharmacie et s’installa au château. Peu de temps après, accusant sa femme d’adultère, le mari de Julia abandonna le domicile conjugal et demanda le divorce. La jeune femme emménagea alors chez son amant, et elle y resta jusqu’à ce qu’il apprenne qu’elle était enceinte de leur enfant. Herman, qui commençait à se lasser de Julia, lui déclara alors qu’il l’épouserait si elle se débarrassait du bébé, qu’elle ne pouvait pas garder car il était la preuve de son infidélité. La jeune femme accepta sa proposition, et à la veille de Noël 1891, après avoir couché sa fille, elle suivit son amant jusqu’à la pièce secrète où devait se pratiquer l’avortement. Endormie au chloroforme, Julia ne se réveilla jamais, et quand il eut fini, il fit la même chose pour la petite Pearl. Au moment où il terminait ses atroces manœuvres, Herman remarqua que horloge sonnait minuit. Alors, en ce matin de Noël, il disposa immédiatement des corps.
Quand Herman rencontra Emeline Cigrand, elle travaillait comme sténographe chez M. Keeley. Il l’embaucha comme secrétaire, la courtisa pendant quelques temps puis il lui demanda sa main et elle accepta de la lui donner. Mais quelques temps plus tard, dans les premiers jours de décembre 1892, ses sentiments pour lui commencèrent à changer, et elle commença à parler de le quitter. Alors un jour, il lui demanda innocemment de venir dans son bureau afin de récupérer un document dans son immense coffre-fort, et dès qu’elle franchit la porte, il la referma rapidement derrière elle. Il avait versé de l’acide au fond du coffre, aussi mourut-elle de cette manière, mais elle laissa son empreinte sur la porte, ce qu’il n’avait prévu, indiquant clairement qu’elle avait été assassinée à cet endroit. A ceux qui s’étonnaient de sa disparition, Herman répondit qu’elle avait épousé Robert Phelps, un jeune homme de Chicago. Peu de temps après, la famille d’Emeline reçut un faire-part de ses noces, qui indiquait qu’elle s’était mariée le 7 décembre et le journal local reprit la nouvelle, joignant à cette annonce les félicitations de ses amis. Puis, quelques semaines plus tard, l’école médicale de LaSalle reçut un nouveau squelette.
Herman avait fait la connaissance de Minnie Williams, une riche héritière texane, lors d’une visite à Boston et lorsqu’il lui proposa de venir séjourner chez lui à Chicago, elle accepta son offre.
Herman usa alors de ses charmes, comme il savait si bien le faire, et bientôt la jeune femme tomba amoureuse de lui. Minnie écrivit alors à sa sœur Anna, avec qui elle entretenait une correspondance régulière, lui expliquant ses sentiments pour Harry Gordon, l’un des faux noms du docteur, mais la réponse qu’elle reçut fut loin d’être celle qu’elle espérait. Au lieu de se réjouir pour elle, Anna se montrait méfiante, et craignant que ce M. Gordon ne soit pas l’homme qu’il semblait être, elle lui faisait part de ses doutes. Effrayé par cet imprévu, qui risquait de faire capoter ses odieux projets, Herman se maria précipitamment avec Minnie, en présence d’un faux prédicateur, puis il proposa à la jeune femme d’inviter sa sœur à Chicago afin qu’elle fasse sa connaissance et juge par elle-même. En juillet, Anna fut remarquée aux alentours de l’hôtel puis quelques semaines plus tard, Herman leur proposa de partir en Europe et la jeune femme écrivit une lettre à sa tante: » Ma sœur, mon beau-frère Harry et moi allons en voyage à New York, puis à Londres et à Paris. Si je me plais en Europe, j’y resterai pour étudier les beaux-arts. Mon beau-frère Harry vous fait dire de ne pas vous inquiéter si vous ne recevez pas de mes nouvelles… Il s’occupera de moi… «
Avant de partir, Herman expliqua aux deux femmes qu’il avait quelques affaires à régler et demandant leur aide, il les envoya chercher des papiers dans une certaine pièce. A peine y étaient-elles entrées que la porte se refermait derrière elles. Personne ne revit jamais les sœurs Williams.
De mai à octobre 1893, 26 millions de visiteurs visitèrent l’Exposition Universelle et durant cette période, l’hôtel afficha complet en permanence. Herman choisissait soigneusement sa clientèle, préférant louer ses chambres aux jeunes et jolies femmes esseulées, si possible fortunées, qui étaient de passage en ville. Une cinquantaine n’en seraient jamais reparties. Officiellement, le Château proposait plusieurs commerces au rez-de-chaussée, parmi lesquels la pharmacie du docteur, et un hôtel composé d’une salle d’attente, d’une salle de réception et de plusieurs chambres mais derrière cette façade respectable, se trouvaient une multitude de pièces secrètes, dont tout le monde, mis à part Herman, ignorait l’existence. Lors de la construction du Château, il avait changé d’entrepreneur à plusieurs reprises afin que personne ne puisse se rendre compte de ses étranges dispositions. Le bâtiment était un véritable labyrinthe de plus de cent pièces pourvues de trappes, de portes dissimulées, d’escaliers escamotables, de passages secrets et d’une foule d’autres bizarreries inquiétantes destinées à servir ses desseins meurtriers. Des judas étaient dissimulés derrière des miroirs sans tain, par lesquels il était possible d’observer ce qui se passait dans les chambres des clientes, et les lames du parquet étaient recouvertes de contacts électriques branchés à un tableau indicateur installé dans le bureau du Dr Holmes. Personne ne pouvait bouger sans qu’il n’en soit immédiatement averti.
Si Herman faisait disparaitre de nombreuses femmes parmi ses clientes, il agissait de la même manière avec ses employées, dont beaucoup n’étaient engagées qu’à la condition de souscrire une police d’assurance-vie qu’il payait et dont il était l’unique bénéficiaire. Il aimait à torturer ses victimes, qu’il violait parfois, les tuant de différentes façons, suivant son humeur. Il les empoisonnait, les asphyxiait dans des chambres insonorisées équipées de jets de gaz qu’il pouvait commander depuis ses appartements, ou les enfermait dans l’énorme coffre de banque qui se trouvait près de son bureau, prenant plaisir à les écouter crier quand prises de panique, elles commençaient à suffoquer.
Herman pouvait assassiner dans n’importe quelle pièce de son château et se débarrasser rapidement des corps grâce à un monte-charge et à deux conduits qui traversaient les deux étages de la maison et menaient au sous-sol. Dans cet endroit sordide, se trouvaient une table de dissection, de nombreux instruments chirurgicaux, un four crématoire, une cuve d’acide sulfurique, des bouteilles de divers poisons, un rack d’étirement moyenâgeux et tout le matériel nécessaire à sa sinistre besogne. La plupart du temps, Herman disséquait les cadavres de ses victimes et revendait leurs organes et leurs squelettes à des écoles de médecine, avec lesquelles il gardait des relations, mais parfois il les incinérait dans le four, qui était assez grand pour recevoir un corps entier, les dissolvait dans la cuve d’acide, ou les plongeait directement dans l’une des fosses de chaux vive du deuxième sous-sol.
Avant de les tuer, souvent il demandait à ses victimes d’écrire des lettres à leurs parents ou à leurs amis, qui indiquaient qu’elles s’étaient rendues ici ou là, loin de son hôtel, afin que leur absence ne soit pas immédiatement remarquée. Deux femmes étaient venues chez lui, dont l’une était enceinte, à qui il promit de les héberger gratuitement si elles acceptaient d’écrire une lettre. Bien évidemment, à peine avaient-elle signé, qu’il les assassinait. Dans sa confession, Herman écrivit, parlant de ces deux femmes: » C’était deux morts particulièrement tristes, à la fois car les victimes étaient exceptionnelles droites et vertueuses et parce que Mme Sarah Cook, si elle avait vécu, serait bientôt devenue mère. «
Au cours de l’année 1893, la police rendit visite à Herman, pour une histoire de fausse monnaie où son nom avait été cité. Lors de cette visite, les policiers aperçurent différents paquets, sans deviner qu’ils dissimulaient des morceaux de corps. » Ils m’ont demandé le contenu de deux petits tonneaux. Je leur ai donné de fausses réponses et juste après cela, j’ai commencé leur destruction pour le feu. «
Peu de temps après, Herman succomba aux charmes de Georgiana Yoke, une femme de l’Indiana qu’il épousa le 9 janvier 1894, utilisant le nom d’Henry Howard. Au cours de cette même période, il devint l’amant de Julia Smythe, la femme de Ned Connor, l’un de ses employés, qui disparut mystérieusement, comme la plupart des femmes qui avaient le malheur de l’approcher.
L’économie connut alors une période de récession, et l’hôtel une période difficile. Herman, qui n’était jamais à court d’idées pour escroquer les assurances, leur réclama une forte somme pour un incendie qu’il avait lui-même allumé au dernier étage du château, mais cette fois, son plan fut un l’échec. Lors de l’enquête qui s’en suivit, les envoyés de la compagnie d’assurance découvrirent que le feu avait commencé dans six endroits différents, et pris de panique, Herman s’enfuit précipitamment. Quelques temps plus tard, accompagné de Benjamin Pitezel, son fidèle homme de main, il réapparut à Forth Woth, au Texas, où il avait hérité des biens de deux sœurs qu’il avait assassinées après avoir promis le mariage à l’une d’elle. Il songea un moment à construire un nouveau Château comme celui de Chicago, mais après avoir tenté d’escroquer certains membres de la famille des deux sœurs, qui se montrèrent particulièrement inhospitaliers, il dut s’enfuir à cheval.
En juillet 1894, pour la première fois de sa vie, Herman fut arrêté et brièvement incarcéré à Saint-Louis pour une petite histoire d’escroquerie sans grande importance. Durant son passage en prison il fit la connaissance de Marion Hedgepeth, un voleur de train qui purgeait une peine de 25 ans. Herman avait concocté un plan visant à escroquer une compagnie d’assurance de 10 000$ en prenant une assurance-vie pour lui-même et en feignant sa propre mort. Il promit à son codétenu une commission de 500$ s’il lui donnait le nom d’un avocat de confiance et l’homme lui indiqua alors un jeune avocat de Saint-Louis, qui s’appelait Jeptha Howe. L’avocat trouva l’idée brillante mais une fois le forfait accompli, la compagnie d’assurance se montra méfiante et refusa de payer. Voulant éviter les problèmes, Herman préféra ne pas insister et il prépara un plan similaire avec son complice, Benjamin Pitezel.
Ce dernier accepta de simuler sa propre mort afin que sa femme puisse toucher les 10 000$ de l’assurance-vie, qu’elle devrait ensuite partager avec Herman et Jeptha Howe, l’avocat. Le plan devait se dérouler à Philadelphie. Benjamin Pitezel devait jouer le rôle de BF Perry, un inventeur, qui allait être tué et défiguré dans l’explosion de son laboratoire, et Herman devait trouver un cadavre qui puisse se confondre avec celui de son ami. Pensant probablement se simplifier la tâche, Herman assassina Benjamin Pitezel, le faisant brûler vif, puis il prépara la scène de l’accident comme ils l’avaient prévu. Le mardi 4 septembre 1884, l’un de ses voisins découvrit M. Perry, le visage méconnaissable, et même si pour le médecin légiste certains détails paraissaient douteux, le mort avait des traces de chloroforme dans le corps, la police en conclut néanmoins à un accident. Herman retourna ensuite auprès de Mme Pitezel, lui expliqua que son mari s’était réfugié à Montréal puis, en compagnie d’Alice, l’une des filles Pitezel, il alla reconnaitre le corps, permettant ainsi à la veuve de récupérer les 10 000$ de l’assurance.
En octobre 1894, Marion Hedgepeth, l’ancien compagnon de cellule d’Herman, celui qui lui avait conseillé Jeptha Howe comme avocat, appela un gardien pour lui confier une étrange histoire. L’homme, qui avait entendu dire que la fraude à l’assurance avait été un succès, était frustré de ne pas avoir touché ses 500$, et il avait décidé de se venger.
Peu de temps après, avertie du subterfuge, la compagnie d’assurance demanda à l’agence Pinkerton de Philadelphie d’enquêter sur l’affaire, et Franck Geyer, détective privé, se mit à la recherche de M. Holmes, de Mme Pitezel et de ses cinq enfants sans pouvoir en trouver aucun. Interrogeant divers témoins, l’enquêteur finit par apprendre que M. Holmes avait séparé la mère de certains de ses enfants puis qu’il lui avait proposé de l’accompagner à Chicago sous prétexte de les réunir. Faisant monter séparément sa propre femme, qui ignorait tout de ses manigances, les trois enfants et Mme Pitezel dans le même train sans que jamais ils ne se rencontrent, Herman les avait conduits à Cincinnati, les installant dans des hôtels différents, qu’il visitait tour à tour.
Mme Holmes et Mme Pitezel semblaient s’être évaporées à Cincinnati, mais l’enquêteur retrouva aisément la trace de M. Holmes, qui s’était réfugié dans un chalet d’Indianapolis avec les trois enfants. Dans cette maison, il découvrit les dents et des morceaux d’os du jeune Howard Pitezel dans une cheminée. Apparemment, son meurtrier avait découpé son corps avant de le brûler.
L’enquêteur suivit la piste du suspect jusqu’à Detroit, puis à Toronto, où il le perdit. En désespoir de cause, l’enquêteur fit alors passer un appel à témoin dans les journaux et un homme, qui trouvait louche le comportement d’un des locataires, répondit à cette annonce. Quand il découvrit les corps décomposés d’Alice et de Nellie enterrés dans une cave au 16 de la rue Saint-Vincent, le détective comprit alors que le tueur voulait se débarrasser de toute la famille Pitezel. Et il avait raison. Craignant que la jeune Alice, alors âgée de 14 ans, ait reconnu le corps de son père lors de l’identification, Herman avait décidé régler le problème à sa manière. Il avait tué les deux jeunes filles en les enfermant dans un grand coffre, qu’il avait ensuite rempli de gaz, puis il avait coupé les pieds de Nelly, qui avait un pied bot, pensant qu’ainsi la police ne pourrait jamais les identifier. Les corps étaient dans un tel état que lorsque Carrie Pitezel fut appelée pour identifier ses filles, elle ne reconnut Nellie qu’à son épaisse tresse brune.
Le détective remonta à Chicago, visita la dernière adresse officielle de M. Holmes, mais il n’y habitait plus et personne ne savait ce qu’il était devenu. Cependant, il n’avait pas fait le voyage pour rien, car des témoins lui apprirent que l’homme était docteur. Fouillant dans les archives de l’Illinois, Frank Geyer retrouva un diplôme délivré à son nom dans le New Hampshire, et il s’empressa de s’y rendre. Malheureusement, personne ne semblait connaitre de M. Holmes ou en avoir entendu parler. Le détective commença alors à décrire le suspect, indiquant qu’il était un bel homme bien habillé, mince, aux cheveux noirs, qui portait une barbe et parlait particulièrement bien, et tout le monde reconnut Herman Mudgett. L’enquêteur se précipita à son domicile, pensant l’y trouver, mais il n’y était pas et sa femme, qui semblait tout ignorer des sombres activités de son mari, lui répondit en toute innocence que M. Holmes était inventeur, et qu’il travaillait un peu partout dans le pays. En fait, à ce moment même, il se trouvait à Boston.
Le 17 novembre 1894, Herman était arrêté à Boston, en compagnie de Mme Pitezel. Il commença par clamer son innocence, puis il avoua avoir fraudé la compagnie d’assurance, aidé par Benjamin Pitezel. Lorsque le détective lui demanda où se trouvait son complice, Herman, l’air affligé, lui répondit que le pauvre homme s’était suicidé et qu’il avait décidé de se servir de son corps plutôt que de chercher un autre cadavre. Interrogée à son tour, Mme Pitezel avoua avoir participé à la fraude, mais elle semblait tout ignorer du sort de son mari et de celui de ses trois enfants, qu’elle n’aurait pas tardé à rejoindre si la police n’était pas intervenue. De plus, de l’argent de l’assurance, elle n’avait touché que 500$, Herman ayant gardé la somme restante.
Quand ils fouillèrent le Château, les policiers furent horrifiés de ce qu’ils y découvrirent. Au sous-sol, près d’une table de dissection ensanglantée, des crânes, une omoplate, des côtes, un morceau de hanche et d’innombrables autres vestiges jonchaient le sol. Dans une cuve d’acide, des os achevaient de se dissoudre, et au deuxième sous-sol, s’ouvraient trois grandes fosses remplies de restes humains impossible à identifier. Les cadavres avaient été ensevelis dans de la chaux vive et ils formaient une masse inextricable, d’où sortait parfois un os, ou la robe d’une fillette. Dans des caves adjacentes, se trouvaient des vêtements tachés de sang, des sous-vêtements, des montres, des boutons, des chaussures, et sous l’escalier, un ballon était rempli de cheveux de femmes laissait deviner l’ampleur de l’horrible entreprise du Dr Holmes.
Le procès d’Herman Mudgett, alias Holmes, se tint à Philadelphie peu avant Halloween 1895. Il ne dura que six jours, mais il connut un succès retentissant. Le 28 octobre 1895, le jury délibéra pendant deux heures et demi seulement avant de le déclarer coupable des meurtres de Benjamin Pitezel et de ses enfants. Ils avouèrent ensuite s’être entendus sur le verdict en une minute, mais être restés plus longtemps » pour sauver les apparences « . Le 30 novembre, sans même qu’il soit poursuivi pour les meurtres du château, le juge condamna Herman à la peine de mort. Suite à cette condamnation, il avoua 27 meurtres à Chicago, Indianapolis et Toronto, et six tentatives. Pour troubler les esprits, il s’accusa de meurtres qu’il n’avait pas commis et dont les prétendues victimes étaient toujours en vie, prenant grand soin de dissimuler certains des siens. Même s’il est impossible de donner le chiffre exact de ses victimes, il aurait, en réalité, tué une centaine de personnes.
Lors de son séjour en prison, Herman usa de son charme pour sympathiser avec les gardiens, qui lui accordèrent un grand nombre de faveurs. Le prisonnier pouvait lire le journal, porter ses propre vêtements et même obtenir de la nourriture de l’extérieur. Après son procès, le condamné fit appel, mais le gouverneur refusa d’intervenir et en mars 1896, la Cour Suprême confirma la sentence. Différents journaux proposèrent alors de l’argent à Herman en échange de ses aveux, et il leur livra divers récits, parfois contradictoires, de sa vie. Au début, il se déclara innocent puis se ravisant, il prétendit être possédé par Satan, affirmant même se transformer en démon au moment de ses crimes. Horrifiée, la foule se bouscula pour voir les dessins de son crâne et lire la description de sa métamorphose vers le mal: » Mon apparence prend une forme Satanique prononcée… Ma tête et mon visage s’allongent graduellement. Je crois réellement que je me transforme pour prendre le visage du Diable lui-même, mais la similitude n’est pas encore complète. En fait, je suis convaincu de ne plus rien avoir d’humain en moi « . Il mentait si bien que personne ne pouvait parvenir à démêler la vérité du mensonge.
Il raconta également la façon dont il avait assassiné différentes victimes, soulignant qu’à ses yeux, le meurtre de Benjamin Pitezel avait été le plus amusant de tous: » Benjamin Pitezel était un idiot inintelligent qui faisait tout ce que je lui disais. De la première heure de notre rencontre, avant même que je sache qu’il avait une famille qui allait, plus tard, m’offrir d’autres victimes à la grande satisfaction de ma soif de sang, j’avais intention de le tuer. Je lui ai fait prendre une police d’assurance-vie, avec moi comme bénéficiaire secondaire, et je lui ai dit que nous allions escroquer une compagnie d’assurance en simulant sa mort. Au lieu de cela, je l’ai tué. Il a été brûlé à mort par votre serviteur. «
Jamais il n’émit le moindre regret. Juste avant son exécution, deux prêtres catholiques lui rendirent visite dans sa cellule et même s’il accepta de communier, il refusa de se repentir pour ses crimes. Le jour de son exécution à la Prison de Moyamensing, le 7 mai 1896, une foule immense se pressait devant les portes, ce qui obligea la police à intervenir. Les gens semblaient animés d’une fascination morbide, un certain nombre de billets avaient été distribués, mais le double s’étaient présentés. Ils plaisantaient, colportant de grossières plaisanteries quand brusquement, debout sur l’échafaud, Herman se mit à parler et le silence se fit. Il fit alors une brève déclaration, niant avoir tué Benjamin Pitezel ou ses enfants puis, comme les mains du bourreaux tremblaient, il ironisa, charmant comme à son habitude: » Prenez votre temps vieil homme. «
Certains affirmèrent qu’il n’était pas mort instantanément et que son corps avait tressauté pendant 15 minutes au bout de la corde, obligeant les âmes sensibles à détourner le regard, mais dans le journal The Inquirer, un article du jour rapportait: » La mort a été miséricordieuse envers l’homme qui avait, dans sa vie, montré si peu de miséricorde. Pendant quelques minutes, il y a eu un léger battement du pouls, mais le mourant ne ressentait aucune douleur. Avec la retombée du piège, son cou avait été brisé. «
Avant sa mort, son corps avait fait l’objet d’un débat, certains instituts voulant acheter son cerveau, mais Herman s’y était farouchement opposé et il avait donné des instructions très précises aux pompes funèbres. Selon ses dernières volontés, l’entrepreneur remplit son cercueil de ciment, déposa son corps à l’intérieur, et le recouvrit d’une nouvelle couche de ciment. Puis, une fois le cercueil descendu en terre, du béton vint sceller la tombe, qui fut ensuite recouverte d’herbe tendre. A sa demande, aucune stèle ne vint marquer l’emplacement de sa tombe, qui se trouve toujours quelque part, au cimetière Holy Cross. Herman, qui avait disséqué tant de cadavres durant sa triste carrière, avait pris toutes ces dispositions pour éviter que des voleurs ne s’emparent de son corps car il était terrifié à l’idée que quelqu’un le puisse le traiter de la même manière.
Peu de temps après sa mort, Frank Geyer, le détective qui avait permis son arrestation, écrivit un livre relatant toute l’affaire: The Holmes-Pitezel case; a history of the greatest crime of the century and of the search for the missing Pitezel children.
Certaines légendes suivirent son exécution. L’une d’elle affirmait que la foudre avait retentit dans le ciel au moment précis où la corde lui avait brisé la nuque, et une autre, plus inquiétante encore, rapportait qu’il continuait sa sinistre tâche depuis l’Au-Delà. Peu de temps après que le corps d’Herman ait été enseveli sous deux tonnes de béton, la mort frappa un nombre nombre de personnes impliquées dans son procès, laissant à penser que le condamné se vengeait de ceux qu’il estimait responsables de son exécution. Cette rumeur était surnommée La Malédiction d’Holmes, et elle ébranla les esprits les plus sceptiques.
Le 7 mars 1914, le Chicago Tribune rapporta qu’avec la mort de l’ancien gardien du château, Pat Quinlan, qui s’était suicidé en prenant de la strychnine, les mystères de la grande demeure resteraient inexpliqués. Ses parents affirmèreFnt que leur fils était hanté depuis plus mois, et qu’il ne pouvait plus dormir. Quand au château, en août 1895, il avait été victime d’un mystérieux incendie, et il fut finalement rasé en 1938.
» Je suis né avec le diable en moi. Je ne pouvais nier le fait que j’étais un assassin, pas plus que le poète ne peut nier l’inspiration qui le pousse à chanter. Le jour où je suis né, le Malin se tenait debout près du lit, et il a toujours été avec moi depuis. » HH Holmes
Source: Murderpedia et autres.