Le Diable de Jersey est une créature mythique qui hanterait le sud du New Jersey depuis des centaines d’années. Terrorisant les populations, la bête infernale aurait obligé des usines et des écoles à fermer et si certains voient en elle une légende, d’autres semblent persuadés de son existence. L’histoire du Diable de Jersey a inspiré un certain nombre de films dont The Forest, de Darren Lynn Bousman en 2012.
La Naissance du Diable de Jersey
La légende raconte qu’au début du XVIIIe siècle Mme Deborah Leeds et ses 12 enfants connaissaient une vie misérable dans le Pine Barrens, un endroit sauvage constitué de vastes forêts, de sols sableux et de marais au sud du New Jersey, que les tribus Lenape surnommaient autrefois Popuessing, le Lieu du Dragon. En 1735, quand la pauvre femme découvrit qu’elle était une nouvelle fois enceinte, elle se plaignit de son malheur à qui voulait l’entendre, déclarant que le diable pouvait prendre l’enfant s’il en voulait, et apparemment le message parvint à son destinataire car elle donna naissance à une créature qui n’avait rien d’humain. Avec sa tête de cheval, son corps reptilien, ses ailes de chauve-souris et sa longue queue fourchue, son aspect était effroyable. L’enfant grogna à toute l’assistance, faisant trembler les murs de la maison, puis il se mit à grandir et s’envola par la cheminée. Certains, qui le virent passer au-dessus du village, rapportèrent qu’il s’était dirigé vers les forêts de pins avant de disparaitre dans l’azur lointain.
Peu de temps après des rumeurs commencèrent à courir qu’une effrayante créature rôdait dans le sud du New Jersey, terrifiant tous les habitants de la région, même les esprits les plus éclairés, qui n’osaient plus sortir de chez eux à la nuit tombée. La bête, qui n’était que malfaisance, tarissait le lait des vaches en soufflant sur elles, tuait les poissons des rivières, et souvent elle emportait de petits animaux, des chiens, des chats et des volatiles, dont les restes étaient parfois retrouvés. En 1740, las de subir ses assauts incessants, des villageois supplièrent un prêtre local d’exorciser la maléfique créature, et ce dernier y consentit, les prévenant que le diable serait banni pendant 100 ans du Pine Barrens mais qu’il risquait d’y revenir ensuite. Si l’exorcisme fut une incontestable réussite, le démon réussit cependant, par un certain stratagème, à se montrer à deux reprises avant la fin du temps imparti.
Un jour de l’an 1800, le Commodore Stephen Decatur, qui était un héros de la marine, visitait la Hanover Iron Works, une usine métallurgique des Barrens, et il testait des boulets de canons sur un champs de tir quand soudain il remarqua une étrange créature qui volait dans le ciel. Aussitôt il visa le monstre et lui tirant dessus il le toucha, mais au lieu de tomber sur le sol comme il s’y attendait, le diable continua sa route comme si rien n’était.
En 1816, Joseph Bonaparte, le frère ainé de Napoléon s’exila en Amérique et il se fit construire une maison près de Bordertown, dans le New Jersey, qu’il occupa jusqu’en 1839. Il avait choisi cette ville car elle se trouvait entre deux grands ports, celui de New York et celui de Philadelphie, ce qui lui permettait d’obtenir aisément les dernières nouvelles de France et d’Espagne, dont il avait brièvement été roi. Au cours de son séjour, il raconta qu’un jour de 1820, alors qu’il chassait dans le Pine Barrens, il avait vu le Diable de Jersey.
En 1840 en 1841, soit cent ans après l’exorcisme, le démon réapparut comme le prêtre l’avait prédit, arrachant les moutons de leurs enclos, les poulets des basses-cours, poussant des cris perçants et laissant derrière lui de surprenantes empreintes de sabots. Entre 1859 et 1894, le diable fut aperçu un grand nombre de fois, emportant avec lui tout ce qui pouvait l’être dans le Pine Barrens. Certains voyageurs, qui visitaient la région, rapportèrent que les habitants du sud du New Jersey étaient tellement terrifiés par la créature qu’ils n’osaient plus sortir de chez eux après le coucher du soleil. Vers la fin des années 1800, M. George Saarosy, un homme d’affaire réputé, affirma avoir vu la bête alors qu’elle volait à la frontière entre le New Jersey et New York, et ce fut la dernière observation du XIXe siècle.
Les Observations de 1909
En 1903, Charles Skinner, auteur de American Myths and Legends, affirma que l’histoire du Diable de Jersey était arrivée à son terme mais quelques années plus tard, venant le contredire, des milliers de personnes rapportèrent l’avoir vu, lui ou ses empreintes. Le 16 janvier 1909, tôt le matin, M. Thack Cozzens sortait d’un hôtel de Woodbury, quand soudain il aperçut une créature aux yeux de braise qui volait en bas de la rue. » J’ai entendu un sifflement et quelque chose de blanc a traversé la rue en volant. J’ai vu deux taches de phosphore, les yeux de la bête. Il y avait une nuée blanche, comme de la vapeur s’échappant d’un moteur. Elle se déplaçait plus vite qu’une auto. «
Un peu plus tard, à Bristol, John McOwen remarqua une étrange bête qui poussait de grands cris sur les rives du canal et James Sackville, un soldat en patrouille, tira sur elle alors qu’elle s’éloignait en hurlant. M. EW Minister, maitre des postes à Bristol, dormait dans son lit quand soudain vers 2h du matin » un bruit mystérieux presque surnaturel » le réveilla, qui provenait de la rivière Delaware. Regardant par la fenêtre, il aperçut ce qui semblait être une » grande grue » qui volait en diagonale et émettait une curieuse lueur. La créature, qui possédait un long cou qu’elle projetait en avant, de fines ailes, de longues pattes arrière et de petites pattes avant, poussa un cri perçant avant de se fondre dans l’obscurité. Au lever du jour, quand les habitants de Bristol découvrirent qu’un visiteur nocturne avait laissé ses empreintes de sabots dans la neige, ils demandèrent à deux trappeurs de la ville de les examiner, mais ces derniers affirmèrent n’avoir jamais rien vu de semblable auparavant.
Le lundi, M. et Mme Lowden, de Burlington, retrouvèrent des traces de sabots dans leur cour et autour de leur poubelle, dont le contenu avait été partiellement dévoré. Tous les jardins, ou presque, semblaient avoir été visités par la même créature, qui avait laissé ses empreintes un peu partout, grimpant aux arbres, passant de toit en toit, disparaissant mystérieusement au milieu de la route ou s’arrêtant brusquement en plein champ. Des traces identiques furent également découvertes dans les villes de Columbus, d’Hedding, de Kinhora et de Rancocas et une battue fut même organisée pour tenter de débusquer la bête, mais aucun chien ne voulut se résoudre à suivre sa piste, ou n’y parvint.
Le 19 janvier, à 2h30 du matin, M. et Mme Nerson Evans, qui habitaient Gloucester, furent réveillés par un bruit singulier et regardant par la fenêtre de leur chambre ils aperçurent une étrange créature sur le toit de leur hangar, qu’ils purent observer pendant une dizaine de minutes. M. Evans la décrivit ainsi: » Elle faisait environ un mètre de haut, avec une tête comme celle d’un chien colley et un visage comme celui d’un cheval. Elle avait un long cou, des ailes d’environ 60 centimètres de long, ses pattes arrière étaient comme celles d’une grue et elle avait des sabots de cheval. Elle marchait sur ses pattes arrière et tenait ses deux petites pattes avant levées devant elle. Elle n’a pas utilisé ses pattes avant du tout pendant que nous la regardions. Ma femme et moi avions peur, je vous le dis, mais je suis parvenu à ouvrir la fenêtre et à dire » Shoo. » Elle s’est retournée vers moi, m’a aboyé et s’est envolée au loin. «
Le mardi 20 janvier, des traces de sabots apparurent en différents endroits du New Jersey. Durant l’après-midi, à Gloucester, deux trappeurs suivirent la créature sur 32 kilomètres, constatant que ses empreintes passaient au-dessus de hautes clôtures mais qu’elles se dessinaient parfois sous de petits espaces de vingt centimètres de haut. A Camden, plusieurs personnes affirmèrent avoir vu la bête, affirmant qu’elle leur avait aboyé avant de prendre son envol. Le lendemain, un officier de police de Burlington et le révérend John Pursell observèrent le diable pendant quelques instants, et le prêtre déclara qu’il n’avait rien vu de tel auparavant. A Haddonfield, des empreintes furent retrouvées qui prenaient fin inexplicablement. A Collingswood, un petit groupe aperçut la créature alors qu’elle s’envolait vers Moorestown, où elle fut signalée quelques temps plus tard par John Smith, de Maple Shade, et George Snyder, qui rapportèrent l’avoir vue au au cimetière de Mount-Carmel et en firent une description identique.
Depuis le début de la semaine, des poulets disparaissaient mystérieusement des basses-cours mais le jeudi 22 janvier, tous les volatiles furent retrouvés morts, sans qu’aucune trace ne soit relevée sur leurs corps. Au cours de la matinée, des membres du Black Hawk Social Club se plaignirent d’avoir été attaqués par le Diable de Jersey, qui effraya également les passagers d’un chariot qui voyageaient près de Clementon, faisant des cercles au-dessus de leurs têtes. A Trenton, des empreintes de sabots furent découvertes à l’arsenal et M. EP Weeden, conseillé municipal de la ville, entendit un battement d’ailes et retrouva des traces identiques devant sa porte. A Collingswood, les pompiers du service des incendies furent confrontés à la créature, qu’ils tentèrent de mettre en fuite en l’aspergeant d’eau avec un de leurs tuyaux. Au début, elle parut se retirer, mais elle revint à la charge et fonça sur eux, déviant de sa trajectoire à la dernière seconde et s’envolant au loin.
Puis, comme la journée avançait, l’inquiétude commença à gagner les esprits. A Pitman, les villageois se réfugièrent dans les églises et les conducteurs des diligences de Trenton et de New Brunswick furent armés afin de pouvoir repousser toute attaque éventuelle.
Vers 16 heures, Mme J. H. White, qui habitait à Philadelphie, sortit pour ramasser le linge qu’elle avait mis à sécher dans son arrière-cour et elle descendait l’escalier de derrière lorsqu’elle remarqua une forme étrange blottie dans un coin. Intriguée, elle commença à s’en approcher mais brusquement, une créature au corps recouvert d’écailles se redressa, qui faisait bien 1m80 de haut et qui crachait de petites flammes. Épouvantée, Mme White se mit alors à crier mais l’émotion fut si forte qu’elle s’évanouit aussitôt après. Son mari, un agent d’assurance, entendit ses hurlements et se précipitant dans la cour il découvrit que sa femme gisait sur le sol près d’un incroyable monstre qui soufflait des flammes. Ne pensant qu’à la sauver, M. White attrapa l’un des vêtements suspendu à l’étendoir et brandissant son arme de fortune, il courut vers la bête qui s’enfuit en direction de Sixteenth Street. M. White abandonna rapidement la poursuite et constatant que sa femme était toujours inconsciente, il appela leur médecin de famille qui eut beaucoup de mal à lui faire reprendre ses esprits. A ce moment-là, un motocycliste qui roulait dans Sixteenth Street, et qui ne savait rien de l’incident, rapporta avoir vu une créature grotesque qui courait dans la rue en crachant des flammes.
Un peu plus tard dans la nuit, Mme Mary Sorbinski, de Camden, entendit un bruit dans sa cour et ouvrant précipitamment la porte elle aperçut le Diable de Jersey, qui avait attrapé son chien et le tenait fermement de ses pattes avant. Saisissant son balai, la courageuse femme commença à frapper violemment la créature, qui finit par lâcher sa proie et arrachant un morceau de la chair du malheureux animal, elle s’envola. Durant tout le combat, Mme Sorbinski n’arrêta pas de crier et elle hurla si fort et si longtemps que ses voisins finirent par s’en inquiéter, puis deux policiers se présentèrent et finalement plus de cent personnes se rassemblèrent devant chez elle. La foule se massait devant sa porte quand brusquement un cri strident s’éleva dans la nuit, qui semblait provenir de Kaigan Hill, et tout le monde se mit à courir vers la colline. En apercevant la monstrueuse créature qui volait dans dans les airs, les policiers tirèrent sur elle à plusieurs reprises et bien qu’ils aient été certains de l’avoir touchée elle disparut dans les ténèbres sans s’en montrer affectée.
Le 23 janvier, Louis Strehr, un agent de police de Camden, put contempler le Diable de Jersey alors qu’il buvait de l’eau potable dans un abreuvoir pour chevaux et Jacob Henderson, qui l’aperçut dans le Salem, signala qu’il possédait des » des ailes et une queue. » M. Merchant, un policier de Blackwood, esquissa un croquis de la créature qu’il avait vue quelques instants plus tôt, et son dessin coïncidait en tous points aux descriptions des autres témoins. Ce jour-là, la peur était si forte que de nombreux habitants du sud du New Jersey refusèrent de sortir de chez eux, ce qui entraina la fermeture d’écoles, de moulins et d’usines dans différentes villes.
Au cours de cette période d’observation intense, qui dura du 16 au 23 janvier, les journaux publièrent des centaines de témoignages, tous plus fascinants les uns que les autres, qui parlaient des méfaits du Diable de Jersey, de son attaque du tramway de Haddon Heigts ou de son invulnérabilité aux balles. Intrigué par ces étranges récits, le zoo de Philadelphie fit diffuser une affiche, offrant 10 000$ pour le fumier de la créature, mais cette annonce ne provoqua qu’une multitude de canulars d’un goût douteux. Puis brusquement, le diable se fit plus rare, un seul témoin rapporta l’avoir vu en février 1909, et il disparut une nouvelle fois.
Le Retour du Diable de Jersey
En 1911, M. TF Hopkins, le propriétaire du 9th and Arch Museum, annonça à Norman Jeffries, son agent de presse, que l’établissement était en danger s’il ne faisait rien pour stimuler sa fréquentation, et ce dernier eut alors l’idée » d’attraper » le Diable de Jersey pour attirer les foules. Aidé de son ami Jacob Hope, qui travaillait comme dresseur, il acheta un kangourou dans un cirque, lui colla des griffes et des ailes de chauve-souris puis il annonça dans les journaux qu’un monstre avec de longues pattes arrière, des membres antérieurs courts, une queue, des cornes sur la tête et de petites ailes avait été capturé par un agriculteur après une terrible lutte et qu’il serait bientôt exposé au 9th and Arch Museum. M. Jeffries admit la supercherie vingt ans plus tard.
En 1927, un chauffeur de taxi qui roulait vers Salem dut s’arrêter pour changer l’un de ses pneus qui venait de crever. Comme il s’y attelait, une créature qui se tenait debout sur ses pattes arrière et qui était recouverte de poils atterrit sur toit de son taxi puis elle le secoua violemment. Terrifié, le malheureux chauffeur s’enfuit, abandonnant sur la route son véhicule et son pneu.
En août 1930, des cueilleurs de baie de Leeds Point et Mays Landing rapportèrent avoir vu le diable déambuler à travers champs, dévorant bleuets et canneberges. Il fut signalé deux semaines plus tard vers le nord, puis il disparut à nouveau. En 1936, les cris caractéristiques du Diable de Jersey furent entendus dans les bois près de Woodstown.
En novembre 1951, des enfants affirmèrent avoir été acculés par le diable, qui avait ensuite bondi sans blesser personne, alors qu’ils se trouvaient au Duport Clubhouse de Gibbstone. Leurs propos furent ensuite confirmés par les observations de nombreux témoins qui pendant deux jours rapportèrent avoir vu la créature dans les environs. En 1953, Phillip Smith, qui était connu comme un homme sobre et honnête, vit le Diable de Jersey marcher dans la rue.
En 1961, deux couples venaient de garer leur véhicule près de Mays Landing quand des cris à glacer le sang les alarmèrent. Pendant un certain moment ils en cherchèrent l’origine puis brusquement, quelque chose s’effondra sur le toit de leur voiture, le faisant s’enfoncer, et terrifiés ils s’enfuirent en courant. Un peu plus tard, quand ils osèrent revenir, ils entendirent une fois encore le cri étrange puis une créature apparut, qui volait près des arbres, arrachant d’énormes morceaux d’écorce dans sa course. Craignant que tous les chasseurs du pays ne se précipitent pour tenter de tuer la bête, les autorités locales décidèrent de faire clouer des panneaux et des affiches un peu partout, proclamant que le Diable de Jersey était un canular. Malheureusement, cette déclaration ne convainquit personne et des hordes de curieux, qui espéraient tous apercevoir la créature, se précipitèrent sur les lieux. Harry Hunt, le propriétaire du cirque le Hunt Brothers Circus, proposa 100 000$ pour la capture du monstre, mais ce fut en vain.
En 1966, le Diable de Jersey visita une ferme, tuant 31 canards, 3 oies, 4 chats et 2 chiens, dont un berger allemand qui eut la gorge arrachée. En 1981, un jeune couple repéra la créature près du lac Atsion, à Atlantic. En 1987, à Vineland, un berger allemand particulièrement agressif fut retrouvé mort. Son corps, qui se trouvait à 8 mètres de la chaine qui le retenait, avait été déchiqueté et rongé. Tout autour de lui, se trouvaient des empreintes, que personne ne sut identifier. En 1972, Mme Mary Ritzer vécut une expérience qui la hante toujours, des années après:
» J’étais une élève de dernière année à ce qui était alors le Glassboro State College. J’avais entendu parler du Diable de Jersey quand j’étais venue dans le Jersey du sud, mais étant du nord (un monde différent) je me pensais bien trop sophistiquée pour croire en des choses pareilles.
Une nuit d’hiver, je roulais de Blackwood vers Glassboro sur la route de Greentree. A l’époque, la route était bordée de vergers et de fermes, il y avait quelques maisons mais ça n’était pas encore très développé. J’étais complètement sobre et éveillée quand j’ai aperçu quelque chose dans mon rétroviseur. Curieuse de savoir ce que ça pouvais être, j’ai ralenti pour jeter un coup d’œil. Il faisait sombre, mais grâce à la lune je n’ai eu aucune difficulté à discerner la silhouette d’une créature traverser d’un côté à l’autre de la route à environ 7 mètres derrière ma voiture. La silhouette était bien plus grande que celle d’un homme, elle avait des hanches épaisses, semblables à une chèvre, qui supportaient un torse presque humain et une grosse tête laineuse. Elle se déplaçait sans cesse et ne semblait nullement dérangée par ma présence.
Je ne me suis pas attardée assez longtemps pour en voir beaucoup plus. J’ai appuyé sur l’accélérateur et j’ai foncé jusqu’à Mansion Park, où se trouvait mon appartement. J’étais tellement terrifiée que j’ai dormi le reste de la nuit dans la voiture, refusant de sortir dans cette obscurité d’où avait surgi le Diable de Jersey. Depuis ce jour, jamais je ne suis retournée sur la route de Greentree, que ce soit de jour ou de nuit, et j’ai encore la chair de poule en pensant à cette nuit d’hiver, il y a si longtemps. «
En 1980, Alan Macfarlane, qui était chef des rangers de la forêt domaniale de Wharton, se rendit à la ferme d’un agriculteur près de Jenkins, qui l’avait appelé car il avait trouvé quatre de ses porcs morts près de leur auge. En arrivant, il découvrit que l’arrière de leurs têtes avait été mangée et que leurs corps étaient recouverts d’égratignures mais que d’une étrange manière il n’y avait aucune trace de sang et aucune empreinte sur le sol.
En 1993, un garde forestier nommé John Irwin conduisait le long de la rivière au sud de Mullica quand soudain il aperçut le Diable de Jersey, qui se tenait en plein milieu de la route et la bloquait Il mesurait approximativement 1m80, des cornes ornaient son front et son corps était recouvert d’une terne fourrure noire. L’homme et la bête se regardèrent mutuellement pendant quelques minutes puis brusquement, la créature fit demi tour et se mettant à courir, elle disparut dans les bois.
Un soir d’hiver de l’année 2004, Laurie et son fils Glen, qui était alors âgé d’une dizaine d’années, venaient de sortir pour allumer les lumières de noël qu’ils avaient installées à l’extérieur quand soudain, le jeune garçon se figea. Suivant son regard, Laurie remarqua que quelque chose d’immense les observait à la lisière de la forêt. Avec son étrange museau, son front bombé surmonté de deux petites cornes, ses grands yeux rougeoyants et ses ailes, la créature était effrayante. Terrifiés, Laurie et son fils se mirent à courir vers la maison et bondissant dans les airs, la bête s’élança à leur poursuite, leur laissant tout juste le temps de se réfugier à l’intérieur et de refermer précipitamment la porte derrière eux. Pendant des heures, ils l’entendirent rôder au-dessus de leurs têtes, grattant et griffant les tuiles, mais le lendemain matin, quand Laurie sortit inspecter le toit, la créature avait disparu, laissant derrière elle de nombreuses empreintes dans la neige.
La jeune femme s’empressa de photographier les traces et pensant qu’ils pourraient en reconnaitre l’auteur, elle amena les clichés aux gardes forestiers. A sa grande surprise, après avoir écouté son histoire et regardé ses photos, le plus ancien des gardes se tourna vers elle et le plus sérieusement du monde il lui annonça qu’elle avait vu le Diable de Jersey.
De nos jours, si la créature se montre rarement, les promeneurs racontent toujours d’étranges histoires, qui parlent de cris inhumains, de traques dans la forêt et de bête infernale aux yeux de braise. Apparemment, de nombreux plaisantins sont inspirés par la légende et régulièrement de nouvelles photos sont diffusées, qui montrent soi-disant le Diable de Jersey mais qui prêtent plus à rire qu’autre chose.
Hypothèses
Si certains ne voient dans le Diable de Jersey qu’une créature folklorique née de l’imagination fertile des habitants du New Jersey, d’autres le pensent réel et cherchent à en deviner la nature. De nombreuses théories ont d’ailleurs été émises, qui rivalisent d’audace. L’une d’entre elles présente la créature comme un animal quelconque, souvent une grue du Canada, que les témoins n’auraient pas reconnu. Cependant, si les cris de la grue du Canada peuvent être entendus à une grande distance, si elle se nourrit parfois de pommes de terre ou de maïs et si elle peut se défendre quand elle est attaquée, généralement elle fuit l’homme, ne tue pas le bétail et n’a pas pour habitude d’enlever les petits animaux des basses-cours.
Malgré toutes ces contradictions, la théorie de la grue du Canada, qui habitait autrefois le New Jersey mais qui en a été chassée par la civilisation, reste la plus prisée et un grand nombre de sceptiques s’accordent à dire que les différents observateurs, qu’ils soient policiers, pompiers ou anonymes, ont naïvement confondu un oiseau d’un mètre vingt et de cinq kilos avec une créature d’un mètre quatre vingt pourvue d’une longue queue, de cornes et d’ailes de chauve-souris. Il convient également de souligner que la grue connait toujours un grand succès dès qu’une créature volante non identifiée est signalée, et qu’elle a déjà servi d’explication dans l’histoire du Mothman.
Selon certains scientifiques, le Diable de Jersey serait un animal mutant, probablement une sorte de cerf du fait de ses bois, qui n’aurait pas encore été découvert. Parfois, lorsqu’il est attaqué, le cerf se dresse sur ses pattes arrière et les témoins, épouvantés en distinguant cette silhouette cornue se dessiner dans l’obscurité, en auraient conclu à la présence d’un démon. Malheureusement, si l’hypothèse est intéressante, aucun spécimen de cerf mutant n’ayant été retrouvé, il est difficile de la développer. Le professeur Bralhopf, qui étudia un certain nombre de phénomènes inexpliqués, croyait que les empreintes avaient été faites par un animal préhistorique de la période du jurassique, qui aurait survécu en se réfugiant dans une caverne souterraine. Un expert de la Smithsonian Institution, un complexe de recherche scientifique américain, déclara que le Diable de Jersey était probablement un ptérodactyle mais l’Académie des Sciences Naturelles démentit cette supposition, affirmant qu’aucune créature, vivante ou disparue, n’y ressemblait.
Jack E. Boucher, l’auteur de Absagami Yesterday, émit une théorie selon laquelle le diable était un enfant difforme. Il pensait que Mme Leeds avait eu un enfant monstrueux et que souhaitant le dissimuler au monde, elle l’avait gardé enfermé chez elle pendant des années. Par la suite, elle était tombée gravement malade, elle n’avait plus pu s’occuper de lui, et l’enfant affamé s’était échappé, attaquant les fermes des alentours pour voler de la nourriture, ce qui avait donné naissance à la légende du Diable de Jersey.
Une autre hypothèse, probablement la plus décriée de toutes, regroupe cependant de nombreux adeptes. Elle prétend que le Diable de Jersey est un signe avant-coureur de guerre et qu’il apparait avant chaque conflit majeur. Le diable se serait montré juste avant le début de la guerre civile américaine, puis il aurait réapparu avant la Première Guerre mondiale, et les citoyens de Mount Holly auraient été réveillés par le bruit de ses sabots sur leurs toits peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Il aurait également été remarqué le 7 décembre 1941, juste avant que Pearl Harbor ne soit bombardé, et il se serait à nouveau manifesté juste avant la guerre du Vietnam. Si cette hypothèse est séduisante, il ne faut pas oublier que le Diable de Jersey ayant été signalé une multitude de fois, il est facile de trouver des dates qui correspondent à celles des différentes guerres.
La légende du Diable de Jersey connait de nombreuses versions qui racontent toutes la même histoire, celle de Mme Leeds et de son enfant monstrueux. Certains, qui pensent que l’histoire reflète quelque vérité, prêtent à la créature une origine surnaturelle, la soupçonnant même d’être l’enfant du diable. Ils citent comme preuve son extraordinaire longévité et son inexplicable immunité aux balles, soulignant que lorsque le Commodore Decatur lui a tiré dessus, le boulet de canon est passé au travers de son corps sans l’affecter d’aucune manière. Ils rapportent également qu’en 1909, un pisteur qui marchait le long du chemin de fer avait vu le diable se prendre dans les fils électriques tendus au-dessus des rails. Il y avait alors eu une violente explosion, qui avait fait fondre les rails sur 6 mètres dans les deux directions, mais aucun corps n’avait été retrouvé et peu de temps après, la créature avait pu être observée volant dans les airs, visiblement indemne.
En conclusion, personne ne sait vraiment ce qu’est le Diable de Jersey, dont les apparitions sont signalées depuis des siècles. Il pourrait tout aussi bien venir d’une autre dimension, d’une galaxie lointaine ou n’avoir jamais existé, en l’absence de preuve, et même si certaines théories semblent plus vraisemblables que d’autres, tout est possible.