Au cours des années 1803 et 1804, de singuliers esprits furent signalés à plusieurs reprises dans certains quartiers de Londres. Ces entités attaquaient les promeneurs, faisant d’incroyables bonds qui leur permettaient de sauter par-dessus les maisons. En 1808, une lettre parvint au rédacteur en chef du Sheffield Times. Elle racontait comment, quelques années auparavant, un fantôme célèbre déambulait dans les rues du quartier historique de la ville, jouant une multitude de tours aux passants qui avaient le malheur de croiser sa route. Ce fantôme était connu sous le nom du Ghost Parc (fantôme du Parc) ou de Spring-Heeled Jack (Jack Talons-à-Ressort) car il pouvait faire des bonds fabuleux, ce qui lui permettait aisément d’effrayer ses victimes. L’auteur en concluait que ce fantôme était, d’après lui, des plus humains car lorsque des hommes étaient allés le chasser armés de fusils et de bâtons, il avait tout simplement disparu.
Au cours du mois d’octobre 1837, Mary Stevens, qui travaillait comme domestique à Londres, revenait de visiter ses parents quand brusquement, un homme étrange sauta sur elle au détour d’une ruelle sombre. Après lui avoir immobilisé les bras, l’homme commença à embrasser son visage, puis il lui déchira ses vêtements de ses griffes » froides et moites comme celles d’un cadavre. «
La jeune fille se mit alors à crier et immédiatement son agresseur prit la fuite. Des habitants du quartier, alertés par les cris, sortirent précipitamment de chez eux et se lancèrent à la poursuite du malfaisant, qui ne put être retrouvé.
Le lendemain, l’inconnu se montra à nouveau, inaugurant une méthode qui allait devenir célèbre. Toujours dans le même quartier, il sauta devant un cocher, amenant le pauvre homme à perdre le contrôle de son charriot, et à se blesser grièvement. Après quoi, le sinistre individu éclata d’un rire horrible et s’enfuit, sautant par dessus un mur de presque 3 mètres de haut.
Le mystérieux agresseur était décrit comme grand, mince, et il portait un manteau noir. Sur sa tête se dressaient deux oreilles pointues et ses yeux rouges étaient semblables à la braise. Ses griffes ressemblaient à des griffes de fer et quand il fuyait, il ne courait pas, il rebondissait. Pourtant, aucun ressort ne pouvait être vu à ses pieds.
Dans un premier temps, les autorités eurent du mal à croire en la description que donnaient les victimes mais bientôt les témoignages devinrent si nombreux que le doute ne fut plus permis.
La proie suivante fut une femme qui se promenait dans le quartier de Clapham, non loin de l’église. A cette occasion, l’inconnu laissa derrière lui de profondes empreintes qui pénétraient de 7 à 8 centimètres dans la terre. La chose qui avait créé ses traces était anormalement lourde ou elle était descendue d’une hauteur prodigieuse. Les enquêteurs examinèrent minutieusement les empreintes, cherchant la trace d’un étrange mécanisme que le mécréant aurait pu dissimuler dans ses bottes, en vain.
Alors que les agressions continuaient, aussi brutales qu’inattendues, le 9 janvier 1838, lors d’une séance publique, le maire révéla qu’une lettre anonyme lui était parvenue quelques jours plus tôt. Dans cette lettre, qui était signée » Un résident de Peckham « , l’auteur faisait de terribles révélations:
» Il semblerait que certains individus aient fait un pari avec un compagnon malicieux et téméraire, qu’il n’oserait pas visiter plusieurs villages près de Londres sous trois déguisements différents, un fantôme, un ours et un diable; et, par ailleurs, qu’il n’oserait pas rentrer dans les jardins d’un gentilhomme dans le but d’effrayer les habitants de la maison. Le pari a cependant été accepté et le mécréant a réussi à priver sept dames de leurs esprits.
Dans une maison, il a sonné la cloche et comme la servante venait ouvrir la porte, cet homme pire qu’une brute s’est montré sous l’apparence d’un spectre des plus réussis. En conséquence, la pauvre fille s’est immédiatement évanouie et elle n’a, depuis ce moment-là, jamais retrouvé ses esprits. Mais depuis, quand elle voit un homme, n’importe lequel, elle s’écrie: » Emmenez-le loin de moi! «
Il y a également deux dames (ce que Votre Seigneurie va regretter d’entendre), qui ont des maris et des enfants et qui ne devraient jamais s’en remettre et sont susceptibles de devenir un fardeau pour leur famille.
L’affaire continue depuis un certain temps maintenant et, étrangement, les journaux sont toujours silencieux sur le sujet. L’auteur a raison de croire qu’ils ont toute l’histoire au bout de leurs doigts, mais qu’ils sont, par des motifs intéressés, incités à garder le silence. «
Le jour suivant, le Times reprit l’affaire et dès le lendemain, d’autres journaux le suivirent. La rumeur se répandit alors qu’un étrange individu, qui pouvait bondir d’incroyable manière, rôdait dans les rues de Londres et dans les villages aux alentours, sautant sur les malheureux qui croisaient sa route. De par ses incroyables capacités, l’homme avait été surnommé Spring-Heeled Jack. Le 11 janvier, Sir John Cowan croulait sous une multitude de lettres dont les auteurs se plaignaient tous d’avoir été victimes des mêmes méchantes farces. Dans l’une de ces lettres, un homme rapportait que plusieurs jeunes femmes avaient été tellement effrayées qu’elles en avaient eu de dangereuses convulsions et que certaines d’entre elle avaient même été blessées par les sortes de griffes que le monstre portait sur ses mains. Un autre correspondant affirmait que dans différents quartiers de Londres plusieurs personnes étaient mortes de peur, que d’autres avaient eu des convulsions etc…
Lorsqu’il avait lu la lettre la première fois, Sir John Cowan avait pensé que l’homme exagérait mais certains de ses proches lui avaient confirmé que dans différents quartiers de la ville, des servantes racontaient de terribles histoires à propos de ce démon ou de ce fantôme. Quelqu’un de confiance lui avait même raconté qu’une servante de Forest Hill avait tellement eu peur qu’elle s’en était évanouie en apercevant une silhouette recouverte d’une peau d’ours aussi doutait-il. Il avait par contre la certitude absolue que quel qu’il soit, l’homme, ou les hommes, impliquées dans cette ridicule mascarade seraient rapidement arrêtés et punis. Quand il prit connaissance des faits, le Duc de Wellington, un homme qui ne connaissait pas la peur, décida de pourchasser l’ignoble créature qui terrorisait les jeunes londoniennes. Armé de de deux pistolets, le duc, qui avait alors soixante dix ans, se mit alors à patrouiller à cheval dans les endroits ou Spring-Heeled Jack se montrait mais jamais il ne le vit. Pourtant, le monstre sévissait toujours et, malgré les récompenses promises, la mobilisation policière, la traque du duc de Wellington et les groupes de citoyens qui patrouillaient dans les rues, l’homme était tellement rapide et ses facultés extraordinaires étaient telles qu’il échappait à tous, bondissant par-dessus les haies et les murs.
Un numéro spécial de la Brighton Gazette qui parut le 14 avril 1834 dans une édition du Times racontait comme un jardinier de Rosehill, dans le Sussex, avait été épouvanté par une créature de nature inconnue. Le journal rapportait que même si cette histoire ne ressemblait guère aux manifestations habituelles de Spring-Heeled Jack, il avait, semblait-il, trouvé son chemin vers la côte du Sussex. Le 13 avril, il était apparu au jardinier » sous la forme d’un ours ou d’un autre animal à quatre pattes. « Après avoir attiré son attention d’un grognement, la bête démoniaque avait ensuite grimpé sur le mur du jardin et l’avait longé à quatre pattes avant de sauter à terre et de chasser le jardinier, qui s’était mis à courir. Au loin, le chien du jardinier aboyait sans oser s’approcher, aussi terrifié que son maitre. Après avoir terrifié le malheureux homme pendant un certain temps, la créature avait escaladé le mur et elle était repartie.
Dans la soirée du 20 février 1837, vers 20h45, la sonnerie discordante de la porte d’entrée d’une petite maison isolée à qui se trouvait juste à l’extérieur du petit village d’Old Fort, à l’est de Londres, retentit violemment. Jane Alsop, âgée de 18 ans, regarda d’un air hésitant son père et ses sœurs, mais comme la cloche sonnait à nouveau, plus fort encore, elle décida d’aller ouvrir la porte.
Ses yeux ne s’étaient pas encore adapté à l’obscurité mais elle distinguait vaguement la silhouette d’un homme debout dans l’allée. Bien enveloppé dans son manteau, il portait une sorte de couvre-chef d’une hauteur considérable. Se rapprochant de lui, Jane lui demanda ce qu’il voulait et l’homme répondit: » Je suis policier. pour l’amour de Dieu, apportez-moi une lumière, car nous avons pris Jack ici, dans le passage. «
Jane se dépêcha de rentrer chez elle chercher une bougie. Comme tous les habitants de la banlieue de Londres, elle avait entendu des histoires à propos de ce mystérieux démon qui se montrait depuis l’automne de l’année précédente. La rumeur disait qu’il apparaissait comme un fantôme vêtu d’une armure, ou comme un babouin, un ours ou un diable et que son aspect hideux et ses sauts surnaturellement agiles effrayaient tellement ses victimes féminines qu’elles s’évanouissaient ou tombaient en convulsion.
La jeune fille ouvrit la porte mais au moment où elle lui tendait la bougie, l’homme jeta le manteau qui le recouvrait, présentant un aspect hideux et effrayant. Ses yeux rouges brillaient comme la braise de l’enfer et sa tête était surmontée d’une sorte particulière de casque. Son corps, quand à lui, était recouvert d’un costume brillant bien ajusté et un objet étrange, ressemblant à une lampe, était attaché à sa poitrine. Jane aurait voulu crier mais aucun son ne sortait de sa bouche.
Soudain, sans dire un mot, l’homme sauta vers l’avant, vomissant des boules de feu bleues et blanches sur le visage de la jeune fille, puis il la saisit par la robe et par le cou et elle réalisa avec horreur qu’à la place des doigts, il avait de fortes et longues griffes de métal qui la lacéraient. Jane se mit à hurler et, se débattant, elle parvint à se libérer et à courir vers la porte d’entrée mais l’homme la rattrapa alors qu’elle se trouvait encore sur les marches, lui griffant le bras et la nuque et lui arrachant quelques touffes de cheveux. Alertée par les cris, sa jeune sœur Mary apparut à la porte mais en voyant l’horrible créature, elle ne put esquisser un geste. S’approchant à son tour, Mme Sarah Harrison, la sœur ainée de Jane, parvint à attraper la malheureuse et la tirant brusquement, elle la libéra de l’étreinte mortelle. La jeune femme referma rapidement la porte sur le visage de l’agresseur, mais ce dernier ne se laissa pas décourager si facilement. Il frappa lourdement à la porte, insistant encore et encore jusqu’à ce que les jeunes filles sortent à la fenêtre et se mettent à appeler la police. Alors, l’homme bondit dans les ténèbres d’où il était venu et il disparut. Le père de Jane souligna qu’il était étrange que l’homme, qui avait laissé tomber son manteau, ne l’ait pas ramassé et il soupçonna un complice de s’en être chargé.
Quelques jours plus tard, un peu plus loin au nord, un homme frappa à la porte d’une maison de la rue Turner et demanda à parler au propriétaire, un certain M. Asworth. Avant que le serviteur ne puisse répondre, l’inconnu rejeta son manteau en arrière, révélant ainsi son terrible visage mais le garçon se mit à crier si fort que le lâche s’enfuit précipitamment. Il disparut si rapidement que toute poursuite aurait été vaine. Néanmoins, le serviteur eut le temps de remarquer quelque chose d’étrange, semblant voir un W brodé sur l’ourlet du manteau du monstre.
Le 28 février 1837, en début de soirée, Lucy Scales, âgée de 18 ans, et sa sœur revenaient de visiter leur frère, un boucher de Limehouse, et elles avançaient le long de la rue Green Dragon quand elles remarquèrent une silhouette indistincte à l’angle du passage. Mais alors que Lucy, qui marchait devant sa sœur, passait devant l’homme, une quantité de flammes bleues » jaillit sur son visage, l’aveuglant temporairement. Terrorisée, la jeune fille s’effondra sur le sol, saisie de violentes convulsions, et l’inconnu disparut dans l’obscurité.
Son frère, qui avait entendu les hurlements, se précipita derrière ses sœurs et en arrivant dans la rue rue Green Dragon, il découvrit Lucy étendue sur le sol. Après que le jeune homme ait ramené Lucy chez elle, son autre sœur lui apprit ce qui était arrivé. Elle décrivit l’agresseur comme un gentleman de grande taille, mince, couvert d’un grand manteau. Il portait une petite lampe ou une lanterne semblables à celles utilisées par la police accrochée à sa poitrine. L’individu n’avait pas parlé, il n’avait pas essayé de les attraper, mais il s’était éloigné rapidement quand Lucy s’était mise à crier. La police fit tout son possible pour découvrir l’auteur de cette agression, plusieurs personnes furent interrogées mais toutes furent libérées.
Le 2 mars 1837, le Times fit paraitre un article sur l’agression de Jane Alsop. Il était suivi d’un compte-rendu du procès de Thomas Millbank qui, dès que l’attaque de Jane Alsop avait été connue, s’était vanté d’en être l’auteur. Lors de son arrestation, il portait une salopette blanche et, non loin de chez lui, un long manteau et une bougie blanche avaient été retrouvés. Néanmoins, l’homme avait échappé à la condamnation car Jane Alsop avait soutenu que son agresseur crachait du feu, ce dont Millebank avait avoué être incapable.
Londres tout entier palpitait maintenant au rythme des aventures de Spring-Heeled Jack et plusieurs imitateurs avaient fait leur apparition, souvent des gentilshommes qui se recouvraient d’un manteau noir, attrapaient des femmes et déchiraient leurs vêtements. Bien évidemment, aucune de ces imitations ne faisait d’extraordinaires bonds. Au cours de la même année, des témoins rapportèrent avoir vu Spring-Heeled Jack sauter de toit en toit, et même grimper au clocher d’une église. A l’automne, il serait apparu une vingtaine de fois dans les villages et hameaux au sud et à l’ouest de Londres. Le 11 octobre, Polly Adams, une servante, revenait de la foire de Blackheath quand un homme surgit brusquement sur la colline de Shooter, puis il se jeta sur elle, crachant du feu sur son visage et arrachant les vêtements de son corps. Elle le décrivit comme grand et très mince, mais bien plus fort que ce que sa constitution ne le laissait à penser, soulignant que ses mains ressemblaient plus à des crochets d’acier qu’à des doigts ordinaires. Trois autres victimes confirmèrent la description de Polly, ajoutant que les horribles yeux de la chose qui les avait attaquées étaient particulièrement proéminents.
Suite à ces incidents, Spring-Heeled Jack devint l’un des personnages les plus populaires de l’époque, apparaissant même dans certains romans et pièces de théâtre des quartiers populaires. Ses exploits étaient régulièrement signalés dans les journaux mais, étrangement, alors que sa renommée grandissait, ses apparitions se firent de plus en plus rares et l’année suivante, il disparut. Au printemps 1838, la rumeur rapportait qu’il dévorait les voyageurs imprudents, qu’il planait au-dessus des ruelles mal éclairées jusqu’à ce qu’il trouve un passant non averti ou qu’il sautait de sa cachette pour effrayer ses victimes, qui perdaient alors l’esprit, avant de s’enfuir en des bonds surnaturels mais personne ne signalait plus d’apparition.
En 1943, le sinistre personnage fit à nouveau parler de lui, se montrant en divers endroits d’Angleterre. Cette période est mal documentée car en évitant la métropole, Jack échappa également à l’attention des journalistes. Un rapport du Northamptonshire le décrivait comme » l’image du diable lui-même, avec des cornes et des yeux de flamme » et en East Anglia, ses attaques sur des conducteurs de voitures postales étaient devenues banales. Le 12 Novembre 1845, il réapparut soudainement à Londres, près des immeubles immondes de Jacob’s Island, un quartier pauvre de la capitale. Alors que Maria Davis, une jeune prostituée de treize ans, se tenait sur l’un des ponts de bois branlants qui surplombaient les égouts à ciel ouvert du bidonville, Spring-Heeled Jack sauta jusqu’à elle et, la saisissant de ses mains griffues, il souffla son feu bleuté sur son visage crasseux. Puis, soulevant sa victime au-dessus de sa tête et la jeta dans les eaux boueuses sous les yeux épouvantés des passants. La malheureuse lutta, brièvement et sans espoir, avant de succomber à l’étreinte fétide. Le monstre fit alors entendre son rire hystérique puis il disparut comme il l’avait toujours fait.
De 1840 à 1870, la démoniaque créature erra dans divers endroits d’Angleterre, effrayant les bourgeois, les nourrices et les servantes. Ses cibles privilégiées étaient des femmes, mais, à l’occasion, il s’en prenait aux cochers, aux postillons, aux forgerons, ou à quiconque était assez fou pour se promener seul dans l’obscurité de la nuit. Le terrible souffle de feu bleuté était rarement rapporté mais les témoins parlaient souvent de ses yeux flamboyants et de ses sauts inhumains qui lui permettaient de franchir des haies, des portes ou des hommes. En novembre 1872, le journal News of the Word rapporta que la ville de Peckham était traumatisée par le fantôme de Peckham, un personnage mystérieux à l’aspect alarmant. L’éditorial soulignait que cette apparition n’était autre que Spring-Heeled Jack, qui avait terrifié la génération précédente.
Le 14 octobre 1872, le fantôme de Peckham apparut à Mlle Sarah Ann Foster et à M. Smith, de Charing. Ce jour-là, M. et Mme Smith avaient demandé à leur servante de sortir faire une course, mais elle s’était montrée réticente, se plaignant qu’un grand homme l’attendait sur la route. Mme Smith l’avait réprimandée pour sa couardise mais comme cela ne semblait rien changer M. Smith lui avait promis de la surveiller de la fenêtre et la jeune fille avait consenti à sortir. Elle n’avait pas quitté le jardin qu’une silhouette blanche surgissait brusquement de derrière la clôture. La servante se mit à hurler et, courant vers la maison, elle atterrit dans les bras de son maitre. Ce dernier, qui avait vu l’apparition de la fenêtre, s’était pris le pied dans quelque chose et, au lieu de se ruer vers le fantôme, il avait plongé sur la jeune fille. La malheureuse, croyant que l’esprit surnaturel l’avait rattrapée, fut alors prise de convulsions qui durèrent deux heures. Elle resta, par la suite, gravement affectée par cette rencontre.
M. Smith décrivit l’apparition ainsi: » Un homme d’un mètre quatre-vingt de haut habillé d’un long manteau ayant une doublure blanche qui, lorsqu’il l’ouvrit, aidé par son gilet blanc et ses bras tendus, donnèrent l’effet désiré, et un chapeau de feutre noir, avec un panache de plumes noires, avec lequel il cache ses ignobles traits. »
Un musicien itinérant du nom de George, qui ne semblait pas un témoin très fiable d’après les journaux, aurait été poursuivi par une silhouette blanche de deux mètres de haut au visage dissimulé par un chapeau. A une autre occasion, des terrassiers rapportaient avoir poursuivi un fantôme blanchâtre, mais ils l’avaient perdu lorsqu’il avait sauté une clôture de presque deux mètres de haut.
Plus étrange était le récit de M. Davidson qui écrivit à l’éditeur du Camberwell and Perkham Time sa rencontre du 6 novembre:
» Hier soir, en revenant de la maison d’un ami à Brixton-Hill, je fus accosté par ce malpropre compatriote de fantôme. Je venais d’arriver au croisement d’une route quand la silhouette est sortie du côté de la barrière. Je vous avoue que j’ai momentanément eu peur, mais j’ai rapidement récupéré ma présence d’esprit et j’étais sur le point de l’attaquer avec mon parapluie lorsqu’il se retourna brusquement et enjambant les petites barrières d’un bond, s’enfuit à travers la campagne. Étant maintenant âgé de plus de quarante ans, il était inutile penser le poursuivre mais moi, cependant, il me satisfait de penser qu’il est vêtu d’un costume noir que, par certains moyens, il transpose en blanc lorsque nécessaire. Il a également des ressorts dans les talons de ses bottes ou du caoutchouc dans ses semelles car nul être humain ne pourrait sauter aussi facilement et, pourrais-je dire, voler sur le sol à la manière dont il le fit la nuit dernière. «
Vers la fin du mois de novembre, Joseph Munday, un homme de 43 ans de stature moyenne, musclé, sans aucune expression sur le visage sauf quelques tressautements occasionnels mais qui était apparemment moins bête qu’il n’y semblait, fut soupçonné d’être le fantôme de Peckham et arrêté. Il fut emmené devant les magistrats au tribunal de police de Lambeth où Mathilda Ayers, une enfant de treize ans, raconta qu’elle était en train de se débarrasser d’abats de lapin en les jetant par-dessus la clôture de M. Tibble quand soudain surgit Munday qui, écartant les bras, révéla que son manteau noir était doublé d’une étoffe blanche, avant de se mettre à faire un étrange bou-ou-ouh de sa bouche. L’arrestation de Joseph Munday sembla satisfaire le journal local mais des apparitions fantomatiques continuèrent néanmoins à être signalées durant un temps.
L’affaire de Sheffield commença en avril 1873 et dura jusqu’en mai. La plupart des témoins parlèrent du fantôme de Sheffield comme d’un fantôme classique, un grand homme recouvert d’un drap blanc, mais quelques uns en donnèrent cette description: » Grand, maigre, d’aspect surnaturel, il arpentait le sol avec une rapidité surnaturelle. » Selon un vieil homme, qui raconta ses souvenirs au Sheffield Independent en novembre 1934, le fantôme du parc pouvait jaillir comme une chèvre et sauter au-dessus des murs et des portes barrées comme un chat. «
Les aventures de Spring-Heeled Jack étaient régulièrement reprises par The Illustrated Police News, une revue illustrée qui relatait de vraies histoires, souvent les plus horribles cas de viols ou de meurtres, d’une manière sensationnelle et mélodramatique.
Il y avait plus de 30 ans que Spring-Heeled Jack échappait à ses poursuivants quand, au printemps 1877, il commença à hanter un endroit particulièrement dangereux, ce qui sembla confirmer qu’il n’était pas un homme ordinaire, s’il était bien un homme. Les casernes d’Aldershot abritaient 10 000 soldats de l’armée britannique, gardées nuit et jour par des sentinelles armées et le 17 mars 1877, le journal militaire local rapporta: » Quelqu’un ou quelque chose semble avoir pris la décision de jouer quelques farces plutôt douteuses aux sentinelles du camp pendant leur service de nuit. Il y a une semaine, semble-t-il, mais nous ne nous portons pas garants de l’exactitude de l’histoire, une sentinelle était de service au camp du Nord quand, vers minuit, quelqu’un est venu vers elle, refusant de répondre à la question habituelle: » Qui va là « . Et, après avoir sauté par-dessus la guérite d’une manière fantastique en très peu de temps, il s’est enfui à une vitesse incroyable, cependant pas suffisante pour éviter que la sentinelle, qui avait chargé son fusil, ne lui tire dessus, sans aucun effet. Spring-Heeled Jack, comme il a été appelé sur la base, a ensuite effectué une visite similaire au garde près du cimetière, qui a également tiré, mais hélas, sans toucher ce qu’il visait. Nous ignorons quelle est la personne, ou la chose qui s’amuse ainsi, mais ces petits amusement pourraient aller trop loin et ce genre de distractions feraient bien d’être interrompues avant que la farce nocturne ne conduise à des résultats désagréables. «
Au cours des semaines suivantes, l’homme allait se manifester à plusieurs reprises. Généralement, il apparaissait près des guérites les plus isolées, grimpait dessus et passait une main, » froide et moite comme celle d’un cadavre « , sur les visages des soldats terrifiés avant de s’enfuir à travers la lande, faisant preuve de son agilité habituelle. Le Times rapportait qu’une nuit, un garde posté au camp du Nord regardait les ténèbres quand son attention avait été attirée par l’étrange silhouette qui s’avançait vers lui. Le soldat avait alors demandé à l’inconnu de s’identifier mais l’homme avait ignoré ses paroles et se précipitant en avant, il lui avait donné plusieurs gifles avant de s’éloigner en faisant des bonds étonnants. Le militaire avait alors tiré sur la créature, ce qui n’avait pas semblé pas l’affecter outre mesure, car elle avait disparu dans l’obscurité d’où elle était venue.
Un mois plus tard, le journal militaire fit remarquer que Jack s’était montré » assez aimable pour informer un homme, l’autre soir, que son but était d’effrayer l’armée britannique » , mais il soulignait également, moqueur, que les nuits où brillait la lune semblaient porter atteinte aux déambulations du spectre. La panique était telle que les sentinelles avaient reçu des munitions et l’ordre de tirer à vue sur » la terreur de la nuit » mais fin avril, les manifestation cessèrent pendant quelques temps et cette précaution fut abandonnée. A l’automne, Spring-Heeled Jack se montra à nouveau, répétant ses bouffonneries du printemps et réussissant même à atteindre la poudrière sans se faire voir. Là, il frappa le garde avec sa main qui ressemblait à celle d’un mort, le laissant presque fou, puis il disparut, sautant et bondissant dans la brume.
Au cours de l’automne 1877, The Illustrated Police News rapporta que Spring-Heeled Jack, revêtu d’un étrange costume en peau de mouton, s’était montré à Newport Arch, où il avait donné un incroyable spectacle, faisant des bonds de 6 mètres, sautant sur les toits et narguant les habitants du village: » Depuis quelques temps, le quartier est perturbé chaque nuit par un homme vêtu d’une peau de mouton, ou quelque chose du même genre, avec une longue queue blanche accroché à lui. L’homme qui joue ces tours a des ressorts dans ses bottes et peut sauter à une hauteur de 4 à 6 mètres. L’autre soir, il a sauté sur un collège, est entré par une fenêtre du toit et il a tellement effrayé les dames qu’elles ne se sont toujours pas remises du choc. » La foule l’avait alors poursuivi, des hommes lui avaient même tiré dessus, mais le monstre semblait imperméable aux balles. Après quoi, faisant usage de ses capacités bondissantes, il avait semé ses poursuivants, disparaissant une fois de plus.
A la fin du 19e siècle, des observateurs rapportèrent que Spring-Heeled Jack se déplaçait vers le nord-est de l’Angleterre. En 1888, à Everton, au nord de Liverpoll, il apparut sur le toit de l’église Saint Francis-Xavier. Ce soir-là, un jeune garçon et ses camarades de St Francis-Xavier jouaient dans la salle de l’école quand quelqu’un rentra précipitamment dans la pièce, criant que Jack se trouvait dans la rue Shaw. Les garçons coururent le long de la rue William Henry mais quand il arrivèrent à la rue Shaw, ils ne virent aucun signe de l’étrange créature. Lorsqu’ils posèrent la question, une foule excitée leur répondit qu’il était accroupi sur le clocher de l’église voisine. 60 ans plus tard, Mme Pierpont soutenait que le Jack de Liverpool était un déséquilibré de la région qui était atteint de folie religieuse. Il grimpait sur les toits des maisons en criant: » Ma femme est le diable. » Généralement, la police ou les pompiers tentaient de le faire descendre et quand ils arrivaient en haut de l’échelle, l’homme sautait d’un toit à l’autre. Voila ce qui avait fait naitre, d’après Mme Pierpont, les rumeurs de Spring-Heeled Jack.
En 1904, alors que la légende commençait à se perdre, il revint pour une dernière apparition. Cette fois, il se montra à Liverpool, où il ne s’était jamais aventuré auparavant, et plusieurs nuits de suite, il terrifia les gens de la rue William Henry, bondissant sur leurs toits et sautant dans leurs rues. Deux jeunes filles et deux femmes, qui marchaient sur la route, s’effondrèrent de peur en le voyant sauter. Puis, un jour de fin septembre, il apparut dans la même rue en plein jour, vêtu, comme à son habitude de son masque, de son manteau noir, et de ses longues bottes moulantes, jaillissant d’un côté de la route pour redescendre de l’autre. Après quoi, il bondit à presque 8 mètres de haut et se posa sur un toit. Puis, comme il l’avait si souvent fait auparavant, il se retourna une dernière fois et, faisant retentir son rire moqueur et sinistre, il disparut à jamais. Du moins le croyait-on.
Mais aux alentours des années 1939-1945, une silhouette similaire aurait été vue en Tchécoslovaquie. Cette créature, surnommée Perak, ressemblait beaucoup à Jack. Elle avait le même caractère insaisissable et les mêmes capacités surnaturelles.
En Juillet 1953, trois habitants de Houston rapportèrent avoir vu une grande silhouette bondissante portant une cape noire, un pantalon moulant et des bottes. Pendant quelques minutes, il resta visible dans l’arbre de noix de pécan dans lequel il avait sauté puis il disparut brusquement, juste avant que n’apparaisse un ovni en forme de fusée en haut de la rue.
A la fin des années 1970, les habitant d’Attercliffe se plaignirent qu’un » rôdeur aux yeux rouges attrapait les femmes et tapait sur les hommes « . L »individu était capable de bondir entre les toits et de marcher sur les côtés des murs. En 1986, Marshall, un marchand ambulant, rapporta qu’un homme au menton particulièrement allongé et revêtu d’une combinaison de ski noire avait fait un bond énorme, dépassant largement les limites humaines, puis, alors qu’il le croisait sur la route, il l’avait giflé à la joue.
Peu de temps après, des écoliers de l’ouest de Surrey affirmèrent qu’un homme » tout noir, avec des yeux rouges et une drôle de combinaison blanche avec des badges sur elle » s’était rapproché des enfants aux cheveux sombres pour leur dire: » Je te veux « . Selon leurs estimations, il courait aussi vite qu’une voiture.
En février 2012, vers 22h30, Scott Martin et sa famille rentraient chez eux en taxi quand ils aperçurent une silhouette noire courir sur la route en face d’eux et sauter un mur de 5m en deux secondes, près de Nescot College, sur la route d’Ewell.
Personne ne sut jamais qui se cachait derrière Spring-Heeled Jack, ou ce qu’il était, et si certains chercheurs tentèrent de trouver des explications rationnelles, d’autres explorèrent les théories plus fantastiques, n’hésitant pas à spéculer sur sa nature paranormale.
Certains avancèrent qu’un individu, suivi par des imitateurs, se serait amusé à terrifier ses contemporains. En effet, en 1840, une rumeur populaire circulait qu’un noble irlandais, le marquis de Waterford, qui s’était fait remarqué pour ses frasques dans les années 1830, s’amusait à effrayer les voyageurs pour se distraire et que d’autres avaient, par la suite, suivis son exemple. Cependant, le marquis s’était marié en 1842, il s’était établi à Curraghmore House, dans le comté de Waterford, où il avait mené une vie exemplaire jusqu’à sa mort, en 1859, ce qui n’avait pas empêché Jack de continuer ses méfaits. D’autres pensèrent que les prétendues apparitions n’étaient que les hallucinations d’un public naïf, superstitieux et craintif, qui, en proie à quelque hystérie collective, avait exagéré les événements. De plus, comme Spring-Heeled Jack ne semblait pas subir les effets vieillissement, la croyance en sa nature fantastique se serait renforcée et il serait devenu une légende, une sorte de père fouettard dont les mères menaçaient les enfants désobéissants: » Soyez gentils ou Spring-Heeled Jack viendra vous chercher. «
Diverses explications paranormales furent également avancées, ce qui peut aisément se comprendre car de par sa description, les attribues de Spring-Heeled Jack en auraient fait un être humain des plus original. Il était grand, mince, il avait des doigts en forme de griffes, des oreilles pointues comme celles d’un animal, un nez proéminent, des yeux globuleux, parfois rougeoyants, il portait un long manteau, des vêtements moulants constitués d’un matériau scintillant comme de la maille ou du métal, un casque, une lampe sur la poitrine et de hautes bottes. Quand à ses capacités, elles étaient tout aussi originales: il crachait du feu et il pouvait effectuer des bonds prodigieux.
Pour certains, Spring-Heeled Jack était un fantôme vindicatif aux facultés extraordinaires, mais pour d’autres il ne pouvait être qu’un démon venu semer chaos et désespoir. Des années plus plus tard, des esprits imaginatifs crurent voir en lui un visiteur d’une autre dimension et des passionnés d’ufologie le supposèrent d’origine extraterrestre. Selon leur théorie, il était le seul survivant d’un vaisseau extraterrestre qui s’était écrasé sur Terre et il venait probablement d’un monde à forte gravité, ce qui expliquait les sauts extraordinaires dont il faisait preuve
De cette incroyable histoire il ne nous reste que quelques coupures de journaux jaunies et des illustrations d’un autre âge. Nous ne connaitrons probablement jamais l’identité de Spring-Heeled Jack, quoi qu’il ait pu être, mais sa légende est éternelle est aujourd’hui encore elle continue à vivre à travers les livres, les bandes-dessinées, les jeux et les séries qui lui sont consacrés.
Source: Surtout là… mais ailleurs aussi.