Le film American Haunting (An American Haunting) de Courtney Solomon est inspiré d’une histoire qui se serait déroulée au début du XIXe siècle, celle de la famille Bell. L’histoire de la Sorcière des Bell flirte avec la légende et elle est probablement la plus célèbre histoire de hantise des États-Unis.
En 1804, John Bell, un agriculteur originaire de Caroline du Nord, s’installa au nord du comté de Robertson, dans le Tennessee, avec sa femme et leurs quatre enfants Jesse, John Jr, Drewy et Benjamin, rejoignant ainsi la petite communauté de Red River. Située au bord d’une rivière, leur ferme proposait 320 hectares de riches terres agricoles et durant les treize années qui suivirent leur vie fut des plus heureuses. John et sa femme étaient tous deux membres de l’église baptiste de Red River, où John officiait en tant que diacre, et durant cette période ils eurent trois enfants, Elizabeth, surnommée Betsy, en 1806, Richard, en 1811 et Joel en 1813.
Vers la fin de l’été 1817, John Bell inspectait son champ lorsqu’il aperçut un animal étrange assis au milieu d’une rangée de maïs. Stupéfait par cette créature qui présentait le corps d’un chien et la tête d’un lapin, il tira plusieurs coups de fusil dans sa direction et la bête disparut. Accaparé par son travail, John oublia rapidement l’incident mais le soir, après le diner, tous les membres de la famille entendirent des bruits inquiétants, qui ressemblaient à des coups, sur les murs et les portes extérieures de la maison de bois. Le lendemain, le même phénomène se répéta, qui continua les jours suivants. Dès qu’ils entendaient les premiers coups, John et ses fils se précipitaient à l’extérieur pour tenter d’attraper le responsable mais ils ne voyaient jamais personne. Un grattement commença alors à se faire entendre, qui les réveillait souvent les enfants en pleine nuit et les laissait tremblants, persuadés que des rats étaient en train de ronger les pieds de leurs lits respectifs. Quelques temps plus tard, ils rapportèrent qu’une entité invisible tirait leur couvre-lit et jetait leurs oreillers à terre, puis des chuchotements s’élevèrent dans l’obscurité, qui parlait trop bas pour être compris, mais qui ressemblait à ceux d’une vieille femme fredonnant des hymnes.
Puis, pour une inexplicable raison, Betsy, la plus jeune fille des Bell, devint le souffre-douleur de l’esprit. Il se montrait d’une rare violence envers elle, lui tirant les cheveux et la giflant sans relâche, ce qui lui laissait d’étranges marques de mains sur le corps et le visage. Bien que toute les membres de la famille aient étés terrifiés par ces manifestations, John, qui ne tenait pas à devenir la risée de la ville, leur avait demandé de ne rien en dire, mais bientôt la situation devint si difficile qu’il se dut se résoudre à en parler à quelqu’un. Il choisit alors de demander conseil à son ami le plus proche, qui se trouvait aussi être son voisin, James Johnson. Pour leur permettre d’observer l’ampleur du phénomène, John proposa à M. et Mme Johnson passer la nuit chez eux, ce qu’ils acceptèrent. Nullement intimidée par leur présence, la force inconnue donna son spectacle habituel, giflant M. Johnson à plusieurs reprises et tirant ses couvertures. A un certain moment de la nuit, le malheureux, exaspéré, sauta hors de son lit et se mit à crier » Au nom du Seigneur, qui êtes-vous et que voulez-vous ! » et si l’invisible présence choisit de garder le silence, le reste de la nuit fut relativement calme. Après avoir passé quelques jours chez les Bell, M. Johnson leur suggéra d’informer la population des événements étranges dont ils étaient les victimes et une commission d’enquête fut formée. La rumeur se répandit alors que la maison des Bell était hantée et une multitude de curieux se précipitèrent à la ferme dans l’espoir d’assister aux manifestations du fantôme.
Avec le temps, l’entité semblait gagner en force. Sa voix était devenue claire, elle chantait des hymnes, elle connaissait les écritures, elle était capable de tenir une conversation intelligente, et elle pouvait citer mot pour mot des sermons qui étaient prêchés à vingt kilomètres de distance. Lorsque son nom lui fut demandé, alors elle donna différentes identités, dont celle d’une voisine des Bell, Kate Batts, qui avait la réputation d’être une sorcière. Alors, comme la plupart des gens pensaient que la vieille femme avait réellement des pouvoirs occultes, l’esprit fut surnommé la Sorcière des Bell.
La Sorcière des Bell et ses terribles manifestations surnaturelles étaient maintenant connues dans toute la région. Le général Andrew Jackson, qui habitait Nashville, avait entendu parler de l’histoire, et il en avait été fort intrigué. Il connaissait bien la famille en question car John Jr, Drewry et Jesse, les fils ainés des Bell, avaient tous les trois combattu sous ses ordres lors de bataille de la Nouvelle-Orléans. En 1819, comme la rumeur continuait à rapporter les plus incroyables phénomènes, M. Jackson décida d’en avoir le cœur net, et il partit pour le ferme accompagné de plusieurs hommes. Le voyage se déroula sans encombre mais comme ils approchaient de la propriété, la charrette s’arrêta brusquement, les roues singulièrement bloquées. Après avoir passé plusieurs minutes à jurer et à tenter d’amadouer les chevaux, le général s’écria : » Par l’Éternel, les garçons ! Ça doit être la sorcière des Bell! » Alors, la voix d’une femme s’éleva dans les airs, qui indiqua au général Jackson et à ses hommes qu’ils pouvaient passer, et leur promettant de les retrouver le soir même. Une fois arrivé à la ferme, M. Jackson et John Bell discutèrent pendant un moment, espérant que l’entité se manifesterait comme elle l’avait promis.
Comme les heures passaient sans aucun incident, les esprits commencèrent à s’échauffer et l’un des soldats, s’enhardissant, se vanta d’être un dompteur de sorcière. Sortant un pistolet rutilant, il expliqua que son arme était chargée d’une balle en argent, qui tuerait tout esprit maléfique qui aurait l’audace de les importuner. Il attendit un moment puis, comme rien ne passait, il fanfaronna un peu plus, déclarant que la chose qui harcelait les Bell n’osait pas se montrer car elle avait peur de lui. Mais à peine avait-il fini de parler qu’il se mit brusquement à crier, gesticulant bizarrement dans toutes les directions. Quelque chose était en train de le battre, le rouant de coups et piquant son corps avec des épingles. Puis brusquement, un violent coup de pied dans le postérieur le projeta directement devant la porte, lui indiquant la sortie. A ce moment-là, une voix qui semblait sortir du néant prit la parole, annonçant qu’un autre imposteur se trouvait dans la troupe de M. Jackson, qui serait désigné et tourmenté de la même manière le lendemain soir. Terrifiés, les soldats supplièrent leur supérieur de quitter la ferme, mais curieux de connaitre le nom qu’elle allait lui donner, le général s’y opposa fermement et ses hommes, qui n’avaient pas d’autre choix, sortirent dormir dans leurs tentes, la mort dans l’âme. Personne ne connut jamais les événements de la nuit mais le lendemain matin, le général Jackson et ses hommes furent remarqués près de Sprinfield, qui retournaient à Nashville.
Au cours des trois années suivantes, l’entité tourmenta les membres de la famille Bell presque tous les jours. John et sa fille Betsy étaient ses cibles favorites, et elle leur faisait subir les pires violences. Elle tirait les cheveux de la jeune fille, la pinçait, la griffait et la battait sans cesse. Betsy avait manifesté son intérêt pour Joshua Gardner, un jeune homme qui habituait non loin de chez elle et, avec la bénédiction de leurs parents, ils avaient décidé de se marier. Tout le monde se réjouissait de leur union, sauf la force invisible qui avait décidé, pour une quelconque raison, que ce mariage ne devait pas se faire.
L’ancien instituteur de Joshua, Richard Powell, se montrait lui-aussi intéressé par Betsy et, depuis longtemps déjà, il avait exprimé son intention de l’épouser. L’homme, qui était de onze ans son ainé, était secrètement marié à Esther Scott, une jeune femme qui habitait Nashville, mais tout le monde l’ignorait. Quand il apprit l’engagement de Betsy et Joshua, Richard exprima poliment sa déception et, sans plus insister, il lui souhaita un long mariage prospère. Cependant, certaines rumeurs prétendaient qu’il était un grand amateur de sciences occultes, et comme l’esprit s’opposait farouchement au mariage de Betsy, aussi fut-il soupçonné, sans que rien ne puisse jamais être prouvé, d’être mêlé à l’histoire. Betsy et Joshua ne pouvaient aller à la rivière, se promener dans la campagne ou visiter la grotte sans être importunés par l’entité qui les suivait partout et les raillait constamment. Cependant, si la force invisible aimait à harceler Betsy, son père vivait un calvaire. L’esprit le haïssait, il souhaitait sa mort, et le lui disait clairement.
L’état de santé de John Bell commença alors à se dégrader. Il souffrit tout d’abord d’épisodes de gonflement à la gorge, puis son visage se retrouva agité de spasmes. Ses symptômes semblèrent stables pendant presque un an, puis brusquement, la maladie s’aggrava. Durant cette période, l’entité le menaça clairement, proférant les pires des malédictions et lui faisant les plus affreuses promesses. Au cours de l’automne 1820, sa santé déclinante l’obligeait à rester confiné chez lui en permanence. L’esprit s’amusait à le tourmenter, lui ôtant ses chaussures quand il essayait de marcher et le giflant quand il avait des crises. Sa voix stridente pouvait être entendue partout dans la ferme, maudissant et châtiant » Old Jack Bell, » comme il aimait à l’appeler. Le 19 décembre, John sombra dans le coma, et le lendemain matin, il mourut. Sa famille découvrit alors un petit flacon étrange dans le placard, que personne ne reconnut. Intrigué, John Jr en donna un peu au chat, qui mourut instantanément. Aussitôt la voix trop familière de l’invisible présence se fit entendre, qui s’écria joyeusement : » J’en ai donné au vieux Jack une bonne dose la nuit dernière, ça l’a achevé ! » Épouvanté, John Jr jeta rapidement le flacon dans la cheminée, qui explosa avant de se consumer en une flamme lumineuse bleuâtre.
Les funérailles de John Bell furent parmi les plus grandes jamais organisées dans le comté de Robertson. A la fin de la cérémonie, comme sa famille et ses amis quittaient le cimetière, l’entité éclata d’un mauvais rire et se mit à chanter une chanson sur une bouteille de cognac. Elle continua ainsi, fredonnant sa ritournelle jusqu’à ce que la dernière personne quitte le cimetière. Après la mort de John Bell, elle se fit plus rare, sans cesser ses activités pour autant.
Le lundi de Pâques 1821, Betsy rencontra Joshua à la rivière et elle rompit leurs fiançailles pour une raison inconnue. En avril 1821, l’entité visita Lucy, la veuve de John Bell, et elle lui annonça qu’elle reviendrait la voir dans sept ans. Durant toutes ces années, jamais elle ne se manifesta, puis elle revint en 1828, exactement comme elle l’avait dit. Son intérêt semblait se porter sur John Jr et souvent ils avaient de longues discutions, parlant de divers sujets tels que les origines de la vie, les civilisations, le christianisme ou la nécessité d’un réveil spirituel massif. Elle faisait également des prédictions, lui révélant les dates précises de guerres ou d’événements à venir. Elle lui confia que son père n’était pas mort sans raison, sans vouloir préciser laquelle, et trois semaines plus tard, elle lui fit ses adieux, promettant de revenir visiter le descendant direct de John Bell 107 ans plus tard. La Sorcière des Bell aurait donc dû se manifester en 1935. A cette époque, le descendant de John Bell habitait Nashville, il était médecin, et il s’appelait Charles Bailey Bell. Le Dr Bell écrivit un livre sur la Sorcière des Bell et il mourut en 1945, sans jamais avoir rapporté qu’elle lui était apparue. Personne ne sut jamais quel était cet esprit qui tourmentait les Bell et quelles étaient ses motivations. Si les théories abondent, aucune n’est universellement reconnue et l’identité de la Sorcière des Bell reste un mystère.
La Hantise
Sur l’ancienne propriété de la famille Bell, il existe une grotte que l’on surnomme la Grotte de la Sorcière des Bell et qui est l’objet de nombreuses légendes. Une histoire raconte qu’un jour, Betsy et certains de ses amis étaient partis à la découverte de cette grotte. Alors qu’ils visitaient la place, l’un des garçons aurait rampé dans un trou et se serait retrouvé coincé. Une voix aurait alors crié : » Je vais le faire sortir ! » Le garçon aurait senti des mains pousser sur ses pieds et il serait sorti du trou. L’entité, qui restait invisible, aurait ensuite sermonné les jeunes explorateurs imprudents. Après la disparition de la sorcière de la ferme des Bell, certains la soupçonnèrent de s’être réfugiée dans les profondeurs de la grotte.
Aujourd’hui encore, l’esprit qui importunait la famille Bell est souvent blâmé pour les phénomènes inexplicables qui se produisent près de la vieille ferme, où des murmures de promeneurs invisibles et des rires d’enfants se feraient parfois entendre. A la nuit tombée, des flammes danseraient dans les champs, des orbes de lumières traverseraient l’obscurité et des silhouettes spectrales se laisseraient parfois entrevoir.