Folie ? Sensibilité exacerbée ? Ou quelque chose de plus ?…

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours semblé posséder certaines… capacités. Au fil des années, elles ont évolué, grandi, et de nouvelles sont apparues. Il semblerait jusqu’à présent que je sois la seule de ma famille à les avoir, bien que le doute soit toujours permis avec ma petite sœur, que je surveille étroitement pour cela.

Depuis ma plus tendre enfance, il m’arrive régulièrement de voir des ombres. Certaines ont une forme distinctes, d’autres ressemblent juste à un amas de fumée noire… Ce ne sont parfois que des fragments : une main, tout un bras, un buste dans la pénombre… Ces apparitions sont toujours fugaces, le temps d’un battement de cil… et plus rien. Ce n’est pas attaché à un lieu en particulier, puisque j’en ai toujours vu, où que je sois. Ces ombres ne sont ni agressives, ni protectrices, et elles ne semblent pas posséder un quelconque désir de communiquer. Elles sont simplement là, l’espace d’un très court instant, avant de disparaître. Ces apparitions, je les vois toujours, bien qu’elles tendent, au fil des ans, à être là plus souvent et de façon moins brouillonnes, plus nettes.

Lorsque j’avais 5 ans, mon arrière-grand-mère paternelle est décédée d’un cancer en phase terminale. Mes parents ne m’avaient rien dit de sa maladie mais… je ressentais de la tristesse et quelque chose de lourd. Je n’avais que 5 ans, je ne comprenais pas ce que ces sensations signifiaient, ou même ce qu’elles étaient. Et un jour, elle est partie… Pourtant, je jurerais l’avoir vue, quelques jours plus tard, qui me souriait de loin, en me faisant un signe de la main. Les années ont passées, mais de temps en temps, il m’arrive d’apercevoir à une dizaine de mètres une vieille femme lui ressemblant trait pour trait qui me sourit en me saluant de la main. A chaque fois, je ressens un grand apaisement au fond de moi… et je sens l’odeur si particulière de cette tarte à la framboise comme elle seule savait la faire dans la famille…

Lorsque j’ai débuté mes années de primaire, j’ai petit à petit commencé à savoir, à ressentir ce que les gens autour de moi éprouvaient comme émotions, ce qui a rendu ma scolarité puis ma vie elle-même incroyablement difficile au fil des ans. Car se rendre compte que l’on est traitée en paria du fait du comportement des autres est une chose… mais le savoir tout en ressentant ce que les autres éprouvent pour vous, c’est abominable. Car au lieu d’être simplement rejetée, j’éprouvais une rancœur et même une certaine haine envers ma propre personne, qui ne venaient pas de moi… mais des autres. Durant les 4 ans de collège ainsi que ma première année de lycée, j’ai vécu un véritable cauchemar, qui m’a conduit à plusieurs reprises à vouloir me tuer pour que ça cesse. J’ai eu la chance de rencontrer une personne d’une grande bonté, qui m’a énormément aidée à me sortir de ce gouffre. C’est elle qui m’a appris à positiver, à voir les choses sous un angle plus optimiste. Cette femme n’a jamais su la vérité, que c’était les émotions des gens qui m’entouraient qui m’avaient rendue comme ça, et pourtant elle a été la première et une des très rares personne à déceler cette supra-sensibilité qui est la mienne. Et elle m’a dit : « Tu es quelqu’un de très sensible et tu en as souffert… mais un jour, ça te servira. » Elle avait raison… Depuis, je sers souvent de psy à mes amis, aux membres de ma famille et même parfois à des gens que je ne connais pas. Parce que je sais lorsqu’ils vont mal, qu’ils me cachent quelque chose, ou qu’ils ont besoin d’aide. Oh bien sûr, l’inconvénient de savoir et de ressentir les émotions des autres, c’est que certaines me rendent malades comme la colère, la peur ou la tristesse… Je suis dans l’incapacité totale d’aller dans une église sans me sentir fébrile ou migraineuse et je fuis le cimetière ainsi que les hôpitaux comme la peste, parce que ces lieux sont chargés de ces émotions violentes que des gens ont éprouvées avec tant de force.

Un jour, j’ai pour la première fois fait part de tout cela à une amie de ma classe (qui ne s’est pas moquée un instant et qui m’a confié qu’elle me croyait sincèrement) avant de lui dire : « Il va se passer quelque chose de grave cette année. «  Au début, elle pensait que je la faisais marcher, que je voulais blaguer avec une touche dramatique après tout ce que je venais de lui révéler… et puis elle s’est vite rendue compte que j’étais extrêmement sérieuse. Elle m’a demandé ce que je voulais dire par là et je lui ai répété que quelque chose de grave allait se passer, que ce serait avant la fin de l’année… C’était en septembre 2015. Les semaines passaient et je ressentais un malaise croissant. Et puis un soir, le 13 novembre 2015, j’étais assise sur le canapé, devant la télé, en train de regarder le match de foot avec ma famille, quand tout s’est mis à tourner autour de moi. Je manquais d’air. J’avais la sensation que le temps lui-même était englué dans une épaisse colle. Et puis il y a eu le flash info… je sentais mon crâne sur le point d’exploser. Depuis ce jour, je ressens les malheurs arriver. Ce n’est pas toujours très précis ni aussi violent… mais ce sont toujours les mêmes « symptômes. »

Et ainsi de suite… Des flashs prémonitoires, la capacité de lire dans les pensées, des rêves qui se réalisent ou qui ont un schéma prémonitoire, le fait d’entendre quelqu’un m’appeler alors que je suis seule ou que la personne avec moi n’a pas dit un mot, voir son chien passer en galopant dans le bois de son jardin et l’entendre aboyer alors qu’il est décédé depuis une semaine… toutes ces choses sont des  » mises à jour  » régulières de cette chose que je possède. Je n’en avais que très peu parlé jusque-là, mais récemment, je m’en suis ouvert à une amie proche parce que je commençais sincèrement à me demander si toutes ces choses n’étaient pas en fait le signe d’une folie quelconque. Et elle m’a répondu : « Le fait même que tu te poses cette question prouve que tu ne l’es pas… Un fou ne se demande pas si ce qu’il fait, voit ou entend est normal. » C’est effectivement d’une logique fracassante.

J’ai fait des recherches et la conclusion en est qu’il semblerait que je possède des capacités de médium, des capacités plutôt costauds d’après la comparaison entre ce que j’ai lu et tout ce que je vis. Des capacités qui, apparemment, n’ont pas fini d’évoluer. Je ne le maîtrise pas, toutes ces choses viennent à moi et même si c’est dur, lourd à porter, exténuant, un secret complexe à garder… je reste optimiste. Parce que grâce à ça, je peux venir en aide aux autres.

Alix, 19 ans.

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