Après dix ans de négociations, Siloe, une petite maison d’édition installée à Burgos, dans le nord de l’Espagne, a obtenu l’autorisation de reproduire le manuscrit de Voynich, l’un des livres les plus mystérieux du monde, et d’en diffuser 898 copies. Spécialisée dans les manuscrits anciens, elle entend proposer des reproductions si fidèles que les tâches, les trous et les déchirures de l’original se retrouveront sur les copies.
Au début du mois d’avril, un photographe a pris des clichés détaillés du manuscrit de Voynich mais la maison d’édition pense mettre dix-huit mois pour fabriquer les premières copies, qui feront deux cents pages et ne seront guère plus grandes qu’un livre de poche. Le papier a été traité d’une façon particulière pour ressembler au vélin d’origine et les imperfections ont pu être recrées grâce à des procédés spéciaux sur lesquels la société souhaite rester discrète. Chaque reproduction du manuscrit de Voynic sera vendu entre sept et huit mille euros et près de trois cents auraient déjà été réservées. Selon Juan Jose Garcia, le dirigeant de Siloe: » Toucher le Voynich, c’est vraiment quelque chose. C’est un livre entouré d’une telle aura de mystère que le voir pour la première fois… emplit d’une émotion vraiment difficile à décrire. «
En 1912 Wilfrid Voynich, un bibliophile spécialisé dans les livres rares, a découvert le manuscrit dans un monastère jésuite à Frascati, en Italie, et pendant des années les plus grands linguistes et cryptographes ont étudié son langage singulier sans jamais parvenir à le décrypter. L’ouvrage, qui fait deux cent trente pages, renferme plus de quatre cents illustrations, principalement des plantes inconnues et des femmes nues se baignant dans des bassins, et il semble traiter de différents sujets, de botanique, d’astronomie, d’astrologie, de pharmacopée, d’anatomie, des écritures etc… Personne ne connait vraiment la véritable nature du parchemin de Voynich, mais une multitude d’hypothèses ont été émises, qui le présentent comme un herbier, un traité de médecine ou un grimoire d’alchimie. Il renfermerait, selon certains, le secret de la vie éternelle, celui de l’élixir de jeunesse ou de la pierre philosophale.
Lorsque Wilfrid Voynich a acheté le manuscrit, il a découvert qu’un feuillet en latin daté de 1665 avait été glissé à l’intérieur, qui avait été rédigé par Johannes Marcus Marci, recteur de l’Université de Prague, et qui était destiné à l’un de ses amis, le religieux et savant Athanasius Kircher. Dans cette lettre, il était spécifié que le livre appartenait auparavant à l’Empereur Rodolphe II et il était présenté comme l’œuvre de Roger Bacon, un moine franciscain du XIIIe qui s’intéressait à la science, à l’alchimie et la magie. Pendant longtemps, tout le monde a cru à cette théorie mais 2011 un chercheur à l’Université d’Arizona a procédé à une datation au carbone 14 et il a découvert que le vélin avait été fabriqué entre 1404 et 1438, soit plus de cent ans après sa mort.
De ce fait, le nom de son auteur reste toujours un mystère. Certains pensent qu’il a été rédigé par Leonard de Vinci, par un inconnu qui a écrit en langage codé pour échapper à l’Inquisition, ou par un extraterrestre qui l’aurait laissé en cadeau à l’humanité, mais d’autres le soupçonnent de n’être qu’un canular sophistiqué élaboré par Wilfrid Voynich.
Depuis 1969, le manuscrit de Voynich est conservé à la Bibliothèque Beinecke de livres rares et manuscrits de l’université Yale, aux États-Unis, et il ne sort que très rarement du coffre-fort où il est enfermé. M. Raymond Clemens, le conservateur de la bibliothèque, explique que l’université a décidé de céder les droits de reproduction de l’ouvrage parce qu’un très grand nombre de personnes demandaient à le consulter et que le manuscrit risquait d’être détruit s’il continuait à être manipulé ainsi. La reproduction devrait permettre aux bibliothèques et musées de disposer d’un exemplaire et la Bibliothèque Beinecke prévoit elle-aussi d’utiliser une copie pour la montrer aux étudiants et autres personnes intéressées. Chaque mois, elle reçoit des milliers de messages de personnes qui pensent avoir réussi à déchiffrer le manuscrit de Voynich, mais aucune n’y est encore parvenue.