En 1917, à Cottlingley, en Angleterre, deux jeunes filles prétendirent avoir réussi à photographier de petites fées près d’une rivière. Quelques années plus tard, Sir Arthur Conan Doyle entendit parler de l’histoire et après avoir vu les clichés, il crut que l’existence des mythiques créatures venait d’être prouvée.
De l’Existence des Fées…
…et autres créatures mythiques
En juillet 1917, son mari étant parti à la guerre, Mme Griffith et sa fille Frances quittèrent l’Afrique du Sud, qu’elles habitaient alors, pour s’installer dans la maison de certains de leurs parents, à Cottingley, en Angleterre. A cette occasion Frances, qui avait 10 ans, dut partager la grande chambre mansardée de sa cousine Elsie Wright, qui en avait 16, et une grande amitié naquit bientôt entre elles. Souvent elles sortaient jouer près de la rivière Beck derrière le jardin et au grand désespoir de leurs mères, elles en revenaient toujours trempées. Personne ne savait vraiment ce qu’elles y faisaient mais quand la question leur était posée, les jeunes filles affirmaient qu’elles allaient au bord de l’eau pour observer les fées qui y vagabondaient.
Bien évidemment, personne ne prêtait attention à leurs histoires de fées, à l’exception de Polly Wright, la mère d’Elsie, qui croyait en la magie et ses mystères. Comme elle était convaincue de leur sincérité, elle demanda à son mari de leur prêter son appareil photo afin, lui expliqua-t-elle, de leur permettre de prouver leurs dires, et si au début il se montra réticent, il finit par y consentir. Un samedi du mois de juillet, Arthur Wright chargea son appareil d’une plaque unique, puis il le confia aux deux demoiselles, qui s’enfuirent en riant, visiblement enchantées. Une trentaine de minutes plus tard elles revinrent du fond du jardin, triomphantes, annonçant fièrement que l’entreprise avait été un succès. M. Wright, qui était un photographe amateur, possédait sa propre chambre noire, aussi put-il développer la photo le jour même. L’image montrait Frances qui posait près d’une cascade, un sourire rêveur sur le visage. Devant elle se trouvaient quatre fées, trois en train de danser et une qui jouait de la flûte. M. Wright, qui connaissait sa fille et qui savait qu’elle avait travaillé pendant quelques temps pour un photographe, décréta alors que les prétendues fées n’étaient des créatures de carton mais l’affaire n’en fut pas terminée pour autant.
Deux mois plus tard, au mois de septembre, Elsie et Frances empruntèrent une nouvelle fois l’appareil de M. Wright et s’éclipsant près de la rivière elles en revinrent avec une nouvelle photo, des plus surprenantes. Assise sur l’herbe, Elsie souriait, effleurant de ses doigts un petit gnome ailé d’une trentaine de centimètres. Lassé de la farce et pensant que les deux jeunes filles avaient trafiqué son appareil d’une quelconque manière, M. Wright les menaça, leur assurant qu’il ne leur prêterait plus rien tant qu’elles n’auraient pas avoué la vérité.
Les photographies restèrent tout d’abord dans le cercle familial, puis M. et Mme Wright les montrèrent à certaines de leurs connaissances, et les deux filles finirent en faire autant. Le 9 novembre 1918, Frances écrivit une lettre à l’une de ses amies, Johanna Parvin, qui habitait Le Cap, en Afrique du Sud, où elle avait passé la plus grande partie de son enfance. Dans ce message elle parlait de sa vie, illustrant ses propos de deux photos, dont celle où elle se trouvait en compagnie des fées. Au dos de l’image, elle lui fit remarquer: » Elsie et moi nous sommes amies des fées de la Beck. C’est drôle, je ne les voyais pas en Afrique. Il doit faire trop chaud pour elles là-bas. «
Mme Wright s’intéressait à l’occultisme, elle pensait avoir connu des expériences de projection astrale et se souvenir de certaines de ses vies antérieures, et si son mari ne croyait pas aux fées, elle était profondément troublée par les deux photographies, qu’elle pensait authentiques. Au cours de l’été 1919, elle participa à une conférence organisée par la Société Théosophique et dont le thème portait, par un curieux hasard, sur la vie des fées. Au cours de cette réunion, elle discuta des curieux clichés pris de sa fille avec certains des participants et dès que l’orateur s’arrêta de parler, elle s’empressa d’aller les lui montrer.
Quelques mois plus tard, les photographies furent exposées lors de la conférence annuelle de la Société Théosophique d’Harrogate, où elles attirèrent l’attention de l’un de ses membres les plus éminents, Edward Gardner. Pour la Société Théosophique, l’humanité évoluait régulièrement, elle tendait vers la perfection, et M. Gardner crut y voir un signe confirmant cette théorie: » Le fait que deux jeunes filles aient non seulement été en mesure de voir les fées, ce que d’autres avaient fait, mais qu’elles aient été capables pour la toute première fois de les concrétiser à une densité suffisante pour que leurs images soient enregistrées sur une plaque photographique signifie qu’il est possible que le prochain cycle d’évolution soit en cours. «
M. Gardner, qui était familier des trucages photographiques, demanda alors à voir les négatifs, qu’il examina soigneusement sans pouvoir y déceler le moindre signe de supercherie. Cependant, comme il ne pouvait exclure toute manipulation, il jugea préférable d’en envoyer des copies à Harold Snelling, qui était spécialisé dans les trucages parapsychiques. A cette époque, le spiritisme était un mouvement à la mode et de nombreux faux clichés de fantômes étaient proposés, qui montraient généralement le visage d’un disparu flottant près de sa famille. Après les avoir longuement examinés, M. Snelling, qui était un homme d’expérience, en conclut à l’absence de trucage. Il expliqua que les deux négatifs étaient tout à fait authentiques, que les photographies ne présentaient aucune trace de travail en studio impliquant des modèles en carton ou en papier et qu’elles montraient exactement ce qui se trouvait en face d’elles au moment où elles avaient été prises. M. Gardner, qui effectuait des conférences dans tout le royaume-Uni, commença alors à proposer des copies de ces photographies à la fin des réunions, et les fées connurent un grand succès.
Sir Arthur Conan Doyle
Depuis qu’il avait perdu deux de ses proches, son fils et son frère cadet, Arthur Conan Doyle se passionnait pour le spiritisme, qu’il pratiquait activement, tentant de rentrer en contact avec leurs esprits et cherchant des preuves scientifiques de la vie après la mort. Si l’au-delà le fascinait, Sir Conan Doyle croyait également en l’existence le petit peuple, dont les illustrations avaient bercé son enfance. Son oncle, Richard Doyle, était spécialisé dans la représentation des fées, tout comme son père, Charles Doyle, qui prétendait même en avoir vues dans ses dernières années, alors qu’il sombrait dans l’alcoolisme et la folie.
Au début du mois de mai 1920, Sir Conan Doyle préparait un article sur les fées pour le numéro de Noël de The Strand Magazine quand M. Gow, qui était l’un de ses amis et le rédacteur en chef du magazine Light, lui apprit que quelqu’un se vantait d’avoir réussi à photographier des créatures du petit peuple. Fasciné à l’idée qu’une aussi remarquable preuve puisse être authentique, l’écrivain s’empressa de recueillir les témoignages de personnes qui avaient eu la chance d’étudier les fameuses photos, et toutes lui assurèrent qu’elles ne ressemblaient en rien à un canular. Une certaine dame souligna cependant l’apparence plate des fées, qui ne projetaient pas d’ombre, ce qui créait cette illusion.
Dès qu’il reçut une copie des photos Arthur Conan Doyle, qui ignorait dans quelles circonstances elles avaient été prises, contacta Edward Gardner, afin d’en apprendre d’avantage. Le 25 juin, M. Gardner lui répondit que les auteurs des clichés étaient deux jeunes filles de familles modestes, qui se montraient timides et réservées et qui affirmaient jouer avec les fées et les elfes de la forêt depuis leur plus tendre enfance. L’histoire leur paraissant trop belle pour être vraie, les deux hommes décidèrent d’enquêter. M. Gardner encouragea Conan Doyle à faire la lumière sur cette affaire aussi vite que possible, expliquant que les enfants possédant de tels dons étaient rares, et que si l’une d’elles venait à tomber amoureuse, alors son pouvoir s’éteindrait probablement. Il confia également à l’écrivain les deux expertises préliminaires déjà effectuées qui concluaient en l’authenticité des photographies.
Conforté par ce compte-rendu rassurant, Conan Doyle lui proposa de mener une enquête impartiale sur les clichés et de prendre contact avec les deux jeunes filles, s’engageant à livrer le résultat de ses investigations sur papier. Le 30 juin, il envoya une lettre à Elsie, y joignant l’un de ses livres, et la jeune fille fut particulièrement touchée de ce geste. Le même jour, il rédigea un message pour son père, lui demandant la permission d’utiliser des reproductions des photographies dans son article sur les fées. M. Wright, visiblement impressionné, lui donna l’autorisation demandée, refusant tout paiement pour les images et soutenant que si elles étaient authentiques, alors elles ne devaient pas être salies par l’argent.
L’Enquête
A la fin du mois de juillet, M. Gardner se rendit à Cottingley pour y rencontrer la famille Wright. Frances ne vivait plus chez sa cousine, elle s’était alors installée avec ses parents dans un petit village à quelques kilomètres de là. Le théosophe visita les lieux où les fascinantes créatures avaient été aperçues, ce qui lui confirma que les photos n’avaient pas été prises en studio, il discuta avec Elsie, dont il remarqua l’apparente sincérité, et avec son père, dont la droiture l’impressionna favorablement. Arthur Wright, qui pensait toujours que les photographies étaient des faux, lui raconta qu’en l’absence des filles, il avait fouillé leur chambre à coucher et l’endroit près de la rivière, recherchant des morceaux d’images ou de découpes, sans jamais rien trouver. Alors, comme rien ne suggérait le contraire, M. Gardner finit par en conclure que des fées se manifestaient réellement à Cottingley. Il demanda alors à Elsie s’il lui était possible de réaliser de nouvelles photographies de ses mystérieuses amies, et la jeune fille lui répondit qu’elle ne pouvait y parvenait qu’en compagnie de sa cousine Frances qui, par un heureux hasard, devait justement la rejoindre la semaine suivante. L’enquêteur spirite supposa alors que la réunion des auras des deux filles produisait un effet plus puissant, qui leur permettait de voir les fées.
Les négatifs des deux photographies furent expertisés par de nouveaux laboratoires, qui appartenaient aux sociétés Kodak et Ilford, qui en conclurent que si les clichés n’étaient pas truqués, il n’y avait pas eu de double exposition des plaques ce qui semblait exclure la possibilité d’une fraude, ils ne prouvaient en rien l’existence des fées. Sir Conan Doyle décida alors de montrer les photos au physicien Sir Oliver Lodge, qui suggéra qu’une troupe de danseuses déguisées en fées avait été prise en photo et sur-impressionnée sur un paysage rural. Quelques uns de ses amis spiritualistes lui firent remarquer qu’il était étrange que des êtres d’un autre plan se matérialisent ainsi, et M. Lancaster, qui prétendait avoir vu des fées à plusieurs reprises, émit quelques doutes quand à l’authenticité des clichés, soulignant la coiffure incontestablement parisienne des créatures. Fed Barlow, qui était un grand spécialiste des photographies spiritualistes, déclara tout d’abord que ces images ne montraient pas ce qu’elles voulaient faire croire, mais quand Conan Doyle publia son article il revint radicalement sur ses propos, présentant les photographies comme les plus merveilleuses et intéressantes jamais vues.
Le Retour des Fées
M. Gardner était persuadé que la famille Wright était honnête et afin de le prouver, il retourna à Cottingley fin juillet, apportant avec lui deux appareils photographiques et 24 plaques secrètement et discrètement marquées. » Je suis parti à Cottingley de nouveau, emportant les deux appareils photographiques et les plaques de Londres. J’ai rencontré la famille et expliqué aux deux filles le fonctionnement simple des appareils, en confiant un à chacune. Les appareils étaient chargés, et mon dernier conseil a été que durant les beaux jours elles devaient se rendre dans la vallée, comme elles avaient l’habitude de le faire auparavant, taquiner les fées, comme elles appelaient leur façon de les attirer, et voir ce qu’elles pourraient obtenir. Je leur ai seulement donné les conseils les plus simples et les plus évidents au sujet de l’éclairage et de la distance, car je savais qu’il était essentiel qu’elles se sentent libres et sans entrave, sans trop de responsabilités. Si rien ne devait sortir de tout cela, leur ai-je dit, elles n’avaient pas à s’en faire le moins du monde. «
Malheureusement, durant les deux semaines qui suivirent il plut sans cesse, ce qui retarda leurs plans. Les deux jeunes filles, qui prétendaient que les fées ne se montraient jamais en présence d’autres personnes, attendirent de se retrouver seules et un après-midi où la mère d’Elsie était sortie prendre le thé chez sa sœur elles prirent plusieurs photographies, dont deux qui montraient des fées. Deux jours plus tard elles affirmèrent en avoir pris une nouvelle, et les négatifs furent alors confiés à Harold Snellin qui se chargea de leur développement.
Les photographies étaient surprenantes. Sur la première Frances regardait une une petite créature voleter dans les airs, sur la seconde une fée offrait une fleur à Elsie, et sur la troisième, plusieurs fées prenaient un bain de soleil dans ce qui semblait être leur nid. Le 6 septembre, M. Wright, qui ne comprenait toujours pas l’engouement suscité par ce qu’il pensait être des photos truquées, emballa soigneusement les plaques dans du coton puis les retourna à M. Gardner, prenant soin d’envoyer un télégramme à Conan Doyle, qui se trouvait alors en Australie pour une série de conférences, afin de lui annoncer la nouvelle. L’auteur lui répondit par un court message qui trahissait son enthousiasme: » Mon cœur s’est réjoui quand, ici dans la lointaine Australie, j’ai pris connaissance de votre note et des trois magnifiques photos qui sont la confirmation des résultats que nous avons publiés. Quand nos fées seront admises, alors les autres phénomènes psychiques trouveront une meilleure acceptation… Depuis quelques temps, nous recevions des messages continuels durant les séances, qui indiquaient qu’un signe visible allait arriver. «
Publication de l’Article
En décembre 1920, un article d’Arthur Conan Doyle, illustré par les deux premières photographies des fées, parut dans The Strand Magazine, dont de nombreux exemplaires furent vendus en quelques jours. Pour protéger l’anonymat de Frances et Elsie, leurs prénoms avaient été changés en Alice et Iris, et M. et Mme Wright étaient devenus les Carpenter. Dans cet article, l’écrivain rapportait l’histoire des photographies, soulignant que toutes les objections possibles et imaginables avaient été formulées et réfutées. Il expliquait que les fées, dont les ailes étaient délicatement colorées d’un mélange de mauve, de rose et de vert, étaient un composé d’humain et de papillon, et qu’elles étaient légèrement luminescentes, ce qui expliquait l’absence d’ombres et l’effet de platitude. Il pensait que le petit peuple, dont les membres étaient peut-être aussi nombreux que les humains, vivait à la surface de la terre, dans une dimension que seules certaines personnes, les médiums et les clairvoyants, pouvaient percevoir mais que s’il était étudié alors il apparaitrait aussi vivant et réel que des Esquimaux. Il terminait en soulignant que les fées pouvaient sembler conventionnelles mais que ce détail s’expliquait aisément car de génération en génération les hommes en voyaient et ils en transmettaient la description exacte.
L’article reçut un accueil des plus mitigé, pour ne pas dire embarrassé. La plupart des lecteurs en conclurent à un canular, ce qui en amusa certains et en agaça d’autres. Des journalistes tentèrent de démasquer les jeunes filles, et l’un d’eux, de la Westminster Gazette, finit par y parvenir. L’affaire aurait été rapidement oubliée si Elsie n’avait pas déclaré que les fées qu’elle voyait en 1920 étaient plus éthérées que celles de 1917, ce que Conan Doyle interpréta comme la preuve que certaines formes de médiumnité étaient propres à l’enfance et qu’elles s’estompaient à la puberté.
Il devint alors la cible de nombreuses critiques, certains soulignant que les fées ressemblaient étonnamment aux personnages des contes ou qu’elles arboraient des coiffures à la mode. Il reçut également quelques témoignages de soutien, mais il étaient bien plus rares. Edward Gardner et Arthur Conan Doyle prirent soin de répondre aux sceptiques, mais comme ils pensaient Elsie et Frances incapables de la moindre supercherie, ils éludèrent les questions techniques ou celles qui parlaient de la coiffure ou des vêtements des fées. En mars 1921, Conan Doyle écrivit un second article, utilisant les photographies de 1920, qu’il avait gracieusement payé 20£ aux jeunes filles, et rajoutant certains témoignages.
Dernière visite à Cottingley
Au mois d’août 1921, M. Gardner se rendit une nouvelle fois à Cottingley, apportant avec lui de nouveaux appareils de qualité et un certain nombre de plaques. Geoffrey Hodson, un spécialiste du petit peuple que Sir Arthur Conan Doyle lui avait recommandé, se trouvait avec lui, qui vit des fées partout, décrivant avec précision les gnomes, les nymphes d’eau, les elfes des bois, les fées aquatiques, les brownies et autres gobelins qui croisaient son chemin. Malheureusement, il plut sans cesse, et si le médium eut la chance de pouvoir observer des myriades de fées, Frances et Elsie n’en virent aucune. Elles expliquèrent alors qu’ayant grandi, leurs cœurs n’étaient plus assez pur pour les voir.
Suite à sa visite, M. Hodson, qui pensait que les deux filles étaient clairvoyantes et que Frances était une médium capable de rendre visible le peu d’ectoplasme qui s’échappait du corps des fées, fit cette déclaration: » Je suis personnellement convaincu de la bonne foi des deux filles qui ont pris ces photos. J’ai passé quelques semaines avec elles et leur famille, et je suis assuré de l’authenticité de leur clairvoyance, de la présence de fées, exactement comme celles photographiées dans le vallon de Cottingley, et de l’honnêteté complète de toutes les parties concernées. «
En 1922, Arthur Conan Doyle écrivit un livre sur l’affaire de Cottingley, The Coming of The Fairies, et s’il y parlait des critiques qui lui avaient été adressées, sa conclusion restait la même: les fées existaient réellement et les photographies étaient authentiques. Malheureusement, cet ouvrage le couvrit de ridicule et certains de ses prétendus amis, soudainement embarrassés, se détournèrent de lui. Des poèmes et des caricatures se mirent alors à circuler, qui se moquaient de lui et le faisaient passer pour un vieil homme crédule. Arthur Conan Doyle défendit la réalité des fées jusqu’à la fin de sa vie, en 1930.
Aveux Tardifs
En 1966, l’affaire des fées de Cottingley était oubliée depuis longtemps quand des journalistes se penchèrent sur l’histoire, rassemblant les preuves et interrogeant les témoins encore en vie. Puis, en 1982, Geoffrey Crawley, rédacteur en chef du British Journal of Photography, commença à enquêter sur les événements, en concluant à une mystification. En février 1983, Elsie Wright, alors âgée de 83 ans, prit connaissance de l’article de Geoffrey Crawley et elle lui écrivit une longue lettre, avouant que si sa cousine et elle avaient véritablement vu des fées, les photographies étaient truquées. Pensant faire une blague sans importante, les deux jeunes filles avaient découpé des illustrations dans le livre Princess Mary’s Gift Book de Claude Arthur Shepperson, puis elles leur avaient enlevé certains de leurs accessoires, et en avaient rajouté de nouveaux de leur fabrication. Elles avaient ensuite fixé leurs petites fées de carton dans les herbes et les branchages à l’aide d’épingles à chapeau, l’une d’elles était même visible sur la photographie du gnome, que Sir Conan Doyle avait confondu avec un ombilic.
» Vous avez fait preuve d’une bien grande compréhension pour les beaux draps dans lesquels nous nous sommes mises, Frances et moi, ce jour bien lointain de 1916, lorsque notre petite plaisanterie est tombée à plat et que personne n’a voulu croire que nous avions pris des photos de vraies fées. Rendez-vous compte que si seulement on nous avait crues, notre farce aurait pris fin tout de suite et nous aurions tout raconté; j’avais quinze ans et Frances huit. Mais on s’est moqué de nous au contraire et tout le monde nous a demandé en riant comment nous nous y étions prises. Toutes les deux, nous nous sentions très bêtes et nous avons laissé tomber, jusqu’au jour où, quelques années plus tard, Conan Doyle s’en est mêlé.
Mon père m’a dit que je devais raconter immédiatement comment j’avais fait ces photos, alors, comme la plaisanterie était de mon fait, j’ai pris Frances à part pour en discuter sérieusement. Mais elle m’a suppliée de ne rien raconter, parce que depuis l’article dans le Strand Magazine, on la taquinait à l’école. J’avais aussi de la peine pour Conan Doyle. Nous avions lu dans les journaux qu’on lui adressait des commentaires désagréables à cause de l’intérêt qu’il portait au spiritisme, et maintenant on se moquait de lui parce qu’il croyait à nos fées. Il venait de perdre son fils à la guerre et le pauvre homme essayait certainement de se consoler comme il le pouvait avec des choses qui ne sont pas de ce monde. Alors j’ai dit à Frances: Bon, nous ne dirons rien puisque Conan Doyle et M. Gardner sont les deux seules personnes autour de nous qui ont cru à nos photos de fées et comme ils ont au moins trente-cinq ans de plus que nous, nous attendrons qu’ils meurent de vieillesse et, après, nous dirons tout… «
Cependant, à la mort de l’écrivain, les deux jeunes femmes s’étaient trouvées bien embarrassées: » Deux enfants d’un village et un homme brillant comme Conan Doyle. Nous ne pouvions que garder le silence. «
Le témoignage d’Elsie fut confirmé par Frances, qui était alors âgée de 76 ans, mais les deux dames étaient en désaccord sur l’un des clichés, le dernier, que Conan Doyle avait décrit de cette manière: » Il est spécialement remarquable dans le fait qu’il montre un détail inconnu des deux jeunes filles. Elles n’ont pas remarqué l’enveloppe ou le cocon que l’on voit au milieu de l’herbe, et n’ont aucune idée de ce dont il s’agit. Les spécialistes écossais des fées, toutefois, l’ont reconnu et identifié comme un bain magnétique, souvent utilisé par les fées, et abandonné après un jour gris, notamment en automne. L’intérieur semble magnétisé et dégage une impression de chaleur et de confort. «
Les cousines prétendaient toutes les deux être l’auteur de la photographie » Les Fées et leur Bain de Soleil » mais si Elsie affirmait qu’il s’agissait d’un faux comme les autres, selon Frances, l’image présentait de véritables fées: » C’était un samedi après-midi pluvieux, nous étions en train de nous amuser avec les appareils photographiques et Elsie n’avait rien prévu. J’ai vu ces fées dans les herbes, je les ai juste visées avec l’appareil et j’ai pris une photographie. «
Frances mourut en 1986, et Elsie deux ans plus tard. Leurs photographies sont aujourd’hui exposées au National Media Museum de Bradford et certains se demandent toujours si, sur la cinquième photographie, l’image de fées prenant un bain de soleil n’a pas été capturée.