L’histoire de l’Ancienne Prison de Charleston est intimement liée à celle de Lavinia Fisher, une jeune femme accusée de brigandage qui y fut enfermée une année durant. Peu de temps après sa mort, son fantôme fut signalé dans le bâtiment, et aujourd’hui encore, sa silhouette éthérée hanterait les couloirs déserts de la vieille prison.
L’Histoire de la Prison
En 1680, la ville de Charleston, en Caroline du Sud, se réserva quatre acres de terrain, qu’elle destinait à un usage public. Au fil des ans, cette parcelle abrita un hôpital, une maison des pauvres, un hospice pour esclaves fugitifs, puis en 1822 une prison de quatre étages y fut construite, qui était surmontée d’une tour. En 1855, les architectes Bardots & Seyle modifièrent le bâtiment, y rajoutant des détails néo-romans, quelques extensions au bâtiment central, et remplaçant l’aile anti-feu avec ses cellules individuelles conçue par Robert Mills par une nouvelle aile octogonale. En 1886, un tremblement de terre endommagea gravement la tour et le dernier étage du bâtiment principal, qui furent alors détruits, puis 1989, l’ouragan Hugo ravagea la cour intérieure et les dernières potences.
La prison resta opérationnelle jusqu’en 1939, sans jamais bénéficier de fenêtres vitrées, d’eau courante ou d’électricité. Au cours de ses 137 années de service elle abrita les plus infâmes criminels de la région, de nombreux pirates de haute mer, mais également des esclaves rebelles, des soldats de la guerre civile, parmi lesquels certains du 54e régiment d’infanterie du Massachusetts, qui fut le premier bataillon d’hommes noirs de l’armée des États-Unis. En 1819, la célèbre Lavinia Fisher et son mari Jacque Alexander Tardy y firent un court séjour, puis Denmark Vesey, le chef d’une rébellion d’esclaves avortée y fut emprisonné avant d’être pendu avec quatre hommes blancs et plus de 170 esclaves, dont certains étaient des esclaves libres. Suite à cette intrigue, de nouvelles restrictions furent imposées aux esclaves et aux esclaves libres, dont une loi qui exigeait que tout marin noir soit gardé en prison quand il s’arrêtait à un port. Bien évidemment, comme dans toutes les prisons, l’Ancienne Prison de Charleston vit aussi défiler des voleurs, des assassins, des violeurs, des trafiquants d’alcool, des gangsters, des escrocs etc…
Bien qu’elle ait été conçue pour 128 prisonniers, plus de 300 y étaient fréquemment enfermés, entassés dans de minuscules cellules. Les épidémies étaient terribles et la torture n’était pas rare. Plus de 10 000 personnes seraient mortes entre ses murs, ce qui laisse deviner la suite de l’histoire. A sa fermeture, la prison resta à l’abandon durant 61 ans puis en 2000, l’American College of Arts racheta le bâtiment et commença à le restaurer. Aujourd’hui, la prison, qui est présentée comme l’endroit le plus hanté de la ville, accueille les passionnés d’histoire et les amateurs de surnaturel lors de visites guidées organisées la nuit.
La Hantise
Bien évidemment, vu son sombre passé et les âmes, plus ténébreuses encore, qui ont défilé entre ses murs, l’Ancienne Prison de Charleston est présumée hantée par les esprits des prisonniers. Lors de la rénovation en 2000, après que sa peinture au plomb ait été enlevée, la prison resta fermée quelques mois pour éviter toute contamination mais à sa réouverture, d’inexplicables empreintes de pas furent retrouvées dans la poussière. Par la suite, plusieurs ouvriers qui y travaillaient rapportèrent avoir vu un geôlier armé d’une carabine au troisième étage. L’apparition serait passée à travers les barreaux, se dirigeant vers eux, puis elle aurait brusquement disparu.
Bien qu’il ne soit plus opérationnel depuis longtemps, le son du monte-charge traversant les différents étages se ferait parfois entendre, des bruits de pas résonneraient dans le bâtiment vide, l’alarme se déclencherait s’en que personne ne soit là, les portes des cellules s’ouvriraient et se refermeraient d’elles-mêmes, et une lourde porte en fer serait sortie de ses gongs, sans qu’aucune raison ne puisse être trouvée. Des odeurs nauséabondes s’élèveraient parfois entre les vieilles pierres, les téléphones cellulaires connaîtraient de nombreuses perturbations, voyant leurs batterie se vider et se recharger, et à une occasion, la Grue de la Douleur, la reproduction d’un appareil de torture, aurait été retrouvée avec ses cordes entrelacées.
Des guides touristiques et de nombreux visiteurs ont rapporté avoir été touchés, poussés, attrapés, griffés, giflés et même étranglés par des forces invisibles, qui déroberaient parfois leurs bijoux ou leurs effets personnels. Un homme noir aux vêtements en lambeaux traverserait lentement la prison, semblant tout ignorer de la vie qui s’écoule autour de lui, le fantôme d’un enfant aurait été aperçu, des silhouettes obscures seraient régulièrement observées, à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment, un guide aurait senti une corde invisible s’enrouler autour de ses chevilles et certains entendraient parfois la voix d’une femme sortir du néant. En 2012, la série télévisée Ghost Hunters visita la prison, et ils se trouvaient au troisième étage lorsqu’une caméraman sceptique prétendit avoir été griffée à la main. Au début, la blessure n’apparaissait que sur son doigt, puis elle aurait gagné son bras.
Il existe également un fauteuil roulant d’époque, qui a probablement été utilisé dans les années 1920, et qui serait hanté par son ancien propriétaire. Régulièrement, de la poussière s’accumule sur le dos de la chaise et sur ses bras, laissant toujours le siège intact, comme si les fesses d’une personne y étaient posées. De temps à autres, de nouvelles éraflures apparaîtraient sur les reposes-pieds d’appareil et parfois, lors des visites guidées, le fauteuil se mettrait soudainement à tourner, heurtant accidentellement la jambe d’un visiteur. Cependant, si le fauteuil et les différentes apparitions connaissent toujours un grand succès, le fantôme de Lavinia Fisher reste la vraie célébrité de l’Ancienne Prison de Charleston, celle que tout les visiteurs espèrent apercevoir.
Lavinia Fisher
» Si vous avez un message à envoyer en Enfer, alors donnez-le moi. Je vais le porter. «
En 1819, à Charleston, les allées et venues des chariots étaient perturbés par des bandits de grand chemin qui opéraient en bande, arrêtant les voyageurs afin de dérober leur argent et leurs biens, ce qui nuisait gravement au commerce. Lavinia Fisher, tout comme son mari John, faisait parti de cette bande, qui se réunissait dans deux maisons situées dans l’arrière-pays, la Five Mile House et la Six Mile House.
Comme les victimes semblaient incapables d’identifier leurs agresseurs et que les autorités restaient impuissantes, un groupe d’hommes se rassembla, qui décidèrent de prendre les choses en main, invoquant une certaine loi qui le leur permettait. » Selon le Charleston News and Courier: » Une bande de desperados occupe depuis quelques temps certaines maisons dans les environs de Ashley Ferry, pratiquant toutes sortes de tromperies sur les imprudents et volant fréquemment les voyageurs sans défense. Comme ils ne peuvent être identifiés, et ainsi condamnés, un certain nombre de citoyens ont décidé de les arrêter, et par conséquent, ils iront à cheval à l’endroit, le jeudi après-midi, ayant préalablement obtenu l’autorisation des propriétaires des quelques petites maisons auxquelles ils recourent, afin de pouvoir agir suivant les circonstances. «
Le jeudi suivant, comme il en avait été convenu, le groupe s’arrêta tout d’abord à la Five Mile House, donnant quinze minutes à ses occupants pour en partir avant de brûler la propriété, puis ils s’occupèrent de la Six Mile House, expulsant tous ceux qui s’y trouvaient. Après quoi, estimant que leur travail était terminé, les cavaliers repartirent pour Charleston, laissant l’un des hommes, un certain Dave Ross, pour garder la propriété. Le lendemain matin, deux des bandits firent irruption dans la maison, et agressant Dave Ross, ils le conduisirent à l’extérieur où une dizaine d’hommes les attendaient. Avec eux se trouvait une femme, la ravissante Lavinia Fisher et l’apercevant, le captif se sentit soulagé. Malheureusement, au lieu de le secourir comme il l’espérait, la jeune femme commença par l’étrangler puis elle le propulsa la tête la première à travers une fenêtre. L’histoire ne précise pas si Dave Ross fut libéré ou s’il parvint à s’échapper, mais le résultat fut le même car il s’empressa d’aller prévenir les autorités.
Deux heures plus tard, John Peoples partit de Charleston dans son chariot mais quand il s’arrêta pour rafraîchir son cheval, non loin de la Six Mile House, des hors-la-loi l’abordèrent, qui lui dérobèrent quarante dollars. Les desperados avaient fait une nouvelle victime, mais cette fois, elle avait reconnu certains de ses agresseurs. John Peoples ne put donner tous les noms, mais il identifia formellement William Hayward, John Fisher et son épouse Lavinia, Joseph Roberts et John Andrews.
Le témoignage de John Peoples, qui était confirmé par celui de Dave Ross, obligea les autorités à réagir. Le colonel Nathaniel Green Cleary, adjoint du shérif, réussit à obtenir un mandat d’amener du juge Charles Jones Colcock, et aussitôt il partit pour Six Mile House. John et Lavinia Fisher s’y trouvaient, ainsi que plusieurs membres de la bande qui se livrèrent sans résistance. Ils furent alors emmenés à la prison de Charleston où un bon nombre de leurs complices les rejoignirent dans les jours qui suivirent. John Peoples identifia aisément les hors-la-loi qui l’avaient volé, et John et Lavinia Fisher furent alors accusés de brigandage, un crime qui était passible de pendaison à l’époque. En l’attente de leur procès, tous les hommes de la bande bénéficièrent d’une libération sous caution, à l’exception de John et Lavinia, qui restèrent en prison. Ils s’y trouvaient toujours quand une tombe fut découverte, non loin de la Six Mile House, qui contenait les restes de deux corps humains. Ils appartenaient à un homme blanc et à une femme noire, qui étaient morts depuis au moins deux ans mais comme rien ne permit de confondre leur assassin, jamais personne ne fut inculpé.
Accusés d’être des bandits de grand chemin, John et Lavinia plaidèrent non coupables, mais le jury en jugea autrement et ils furent condamnés à être pendus. Ils firent alors appel de leur condamnation devant la Cour constitutionnelle et en attendant l’audience, ils restèrent à la prison de Charleston. Comme ils étaient un couple marié, ils avaient été enfermés dans les quartiers de la partie supérieure de la prison, qui était moins surveillée que la partie inférieure. Le 13 septembre, après avoir creusé un trou sous la fenêtre de leur cellule, ils tentèrent de s’échapper. S’aidant de couvertures nouées entre elles, John descendit le premier mais la corde cassa avant qu’il n’atteigne le sol et il se retrouva à terre. A ce moment-là, il aurait pu s’enfuir, mais faisant preuve d’une incroyable noblesse de cœur, il choisit de retourner auprès de sa bien-aimée. Craignant qu’ils ne recommencent, l’administration les fit alors changer d’étage, et ils se retrouvèrent enfermés dans une cellule du rez-de-chaussée.
Peu de temps après, leur requête pour un nouveau procès fut rejetée, et les deux prisonniers ne purent rien faire que d’attendre la mort. Le révérend Richard Furman venait souvent leur rendre visite, tentant de les aider à trouver la paix, et s’il semblait faire quelques progrès avec John, Lavinia maudissait bien plus qu’elle ne priait. Le 4 février 1820, une potence fut érigée sur Meeting Street, à la limite de la ville. Plus de 2000 personnes s’étaient rassemblées là pour assister au sordide spectacle. John et Lavinia apparurent alors, vêtus d’une robe blanche qu’ils avaient payée eux-mêmes, faisant dire à certains que Lavinia s’était présentée en robe de mariée. John, qui semblait étrangement serein, monta le premier sur l’échafaud, puis ce fut au tour de sa femme, qui dut être trainée jusqu’à la plate-forme. D’une étrange manière, Lavinia n’avait jamais semblé croire en son exécution et quand elle aperçut le bourreau, ses yeux s’agrandirent et elle se mit à hurler de terreur. L’homme était si maigre qu’il ressemblait à la mort elle-même. Certains en eurent le cœur déchiré de l’entendre. La jeune femme suppliait la foule de l’aider, et elle maudissait ses juges: » Elle estampillait de rage, et jurait avec toute la véhémence de son vocabulaire incroyable, appelant à la damnation sur le gouverneur qui laissait pendre une femme. Choquée, la foule restait silencieuse, alors qu’elle remplaçait une malédiction par une autre et terminait par une volée de cris. «
Le révérend Furman lut ensuite à voix haute une émouvante lettre de John Fisher, dans laquelle le condamné, qui se disait innocent, remerciait le prêtre pour lui avoir » expliqué les mystères de la sainte religion. » Une fois la lecture terminée, John se tourna vers les habitants de Charleston et le sourire aux lèvres, il déclara que maintenant qu’il était devenu chrétien, il ne pouvait plus mentir. Il clama une nouvelle fois son innocence et celle de sa femme, blâmant le colonel Cleary d’avoir influencé le témoin, puis il fit appel à la clémence des hommes, mais il était déjà trop tard. Jusqu’au dernier moment, il tenta de consoler Lavinia, lui conseillant d’aller au devant de la mort avec courage et de s’en remettre à la grâce de Dieu, ce qui ne sembla guère la convaincre, puis les époux s’embrassèrent une dernière fois, et une cagoule fut passée sur la tête de John. Lavinia avait fait valoir au juge qu’il ne pouvait faire pendre une femme mariée, ce qui était en effet stipulé dans les textes de lois, aussi son mari fut-il pendu avant elle. Puis, alors que le Révérend Joseph Galluchat tentait de l’amener à la repentance, soudain la jeune femme dit-elle ces quelques mots, qui la firent rentrer dans la légende: » Assez! Je ne veux pas en entendre plus. Sauvez vos mots pour d’autres qui les voudront. Mais si vous avez un message à envoyer en Enfer, alors donnez-le moi. Je vais le porter. » Alors brusquement, Lavinia sembla se calmer, et quand la cagoule lui fut passée, elle souriait elle-aussi. John avait 29 ans, et Lavinia 28. Ils furent tous deux enterrés dans une fosse commune, non loin de la prison. Après leur mort, certains qui avaient assisté à l’exécution mirent en doute leur culpabilité, soulignant que John avait le visage de l’innocence.
Une légende existe sur Lavinia Fisher, qui présente la jeune femme comme la première tueuse en série américaine et qui n’a rien à voir avec l’originale. Dans cette version de l’histoire, qui est souvent proposée comme vraie, Lavinia et son mari John assassinaient les voyageurs dans leur auberge, la Six Mile House, les droguant et les faisant glisser dans une cave grâce à un système de trappe, dans le style de la famille Bender. Cependant, si la légende est particulièrement séduisante, rien ne vient la prouver et contrairement à ce qui est parfois avancé, aucun corps n’a jamais été retrouvé sous la prétendue auberge.
Peu de temps après la mort de Lavinia, des habitants de la ville rapportèrent avoir vu son visage flotter derrière les barreaux de la fenêtre de la cellule où elle avait été enfermée. Puis, après le grand tremblement de terre de 1886, des témoins la signalèrent en différents endroits du quartier, ainsi qu’au cimetière où elle avait été enterrée, à quelques pâtés de maison de là. De nos jours, Lavinia serait toujours aussi tourmentée et elle continuerait à hanter l’Ancienne Prison de Charleston, laissant parfois apercevoir sa silhouette évanescente dans les couloirs ou montrant furtivement son visage à la fenêtre de son ancienne cellule.
Sources: The Old Jail.